Anta au pays des merveilles Andreiesques

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Antarès regretta longuement sa question, alors qu'il rangeait ses affaires et s'apprêtait à sortir de la bibliothèque. Il se força à ne pas rire, mais franchement des brocolis... Andrei aurait pu trouver mieux. Pourtant l'histoire du démon était plutôt pas mal! Bref, Antarès se contenta de hocher la tête à intervalles réguliers, avant d'emmener Andrei dans le parc de l'université. Il ne s'arrêta pas pour aller déposer ses affaires chez lui, pusiqu'il habitait en ville.

Une fois sortit de l'université, il prit Andrei par le bras, et ils s'en allèrent gayment vers un bar qu'Antarès connaissait bien.

" Hmm... il ne faut pas t'inquiéter Andrei, ici les gens mangent pas beaucoup de brocoli, en plus c'est pas vraiment extra comme légume, c'est vrai. Un démon des brocolis ici, ça fait moins de ravages qu'un démon de la sauce soja. A moins qu'il ne soit moins puissant? "

Et voilà qu'il se mettait à délirer lui aussi. Mais c'était pas sa faute, il adorait les histoires d'Andrei!!! Et puis il fallait bien ça pour l'emballer, non? Hop là, ils entrèrent dans le bar, et s'assirent à une table dans un coin calme.

" Tu veux boire quoi, Andrei? "

Demanda Antarès avec un grand sourire. Décidément, ce jeunot était vraiment séduisant, et le prof était sûr qu'il n'en avait même pas conscience. Les gens devaient le prendre pour un cinglé la plupart du temps et l'éviter comme la peste. Lui, il le trouvait unique et fun. Et accessoirement, facile à mettre dans son lit. Il avait quelques difficultés avec les autres élèves, alors s'il n'arrivait pas à se faire Andrei, il pouvait tirer une croix sur tous les autres!

Le serveur arriva et Antarès commanda un soda au sirop, laissant Andrei faire son choix. Passant une main dans ses cheveux, Anta demanda à son élève - qui l'était beaucoup moins maintenant:

" Au fait, tout à l'heure, ton chat, il s'appelle comment? "

C'était peut-être pas recommandé de laisser Andrei délirer, ni même d'entrer dans son jeu ou de lui faire croire qu'il le croyait, mais Antarès s'en foutait, il voulait juste ne pas dormir sur la béquille ce soir encore.

Et voilà donc qu'Andrei se faisait emmener par son professeur d'Histoire au dehors de l'université, bien loin de s'imaginer ce que ce dernier pouvait lui vouloir en réalité... Oui, sur le coup, il était la naiveté incarnée. Il ne tilta même pas quand Antarès le prit par le bras, ni ne trouva ça pour le moins du monde bizarre. Ca lui convenait, alors à partir de là, Antarès pouvait bien faire ce qu'il voulait, jusqu'à ce genre de geste de sympathie qui aux yeux d'Andrei n'avait pas grande signification. Il continuait de sourire vaguement bien entendu, puisque pour lui, c'était tout simplement naturel... Basique, même. Qu'Antarès s'intéresse comme il le faisait à ce qu'il racontait lui faisait bien plus plaisir que ce qu'il n'aurait pu croire... Habitué comme il l'était à être ignoré de toute part, il pensait que ce genre de comportement à son égard ne lui faisait ni chaud ni froid, cela dit en présence d'une personne avec qui il pouvait réellement discuter, il fallait bien avouer qu'il se trouvait... étrangement satisfait.

Plus que de le satisfaire en fait, Antarès le faisait réfléchir plus activement que jamais, au sujet de cette histoire de démon, par exemple... Démon de la sauce soja? Houlà... Et si jamais? Andrei espérait bien que non, sans quoi les trois quarts de la population japonaise serait sans doute dors et déjà contaminée... La condensation de démons aurait sans doute créé une faille dans la réalité... Et peut-être même étaient-ils alors en plein milieu d'un kekkai dirigé par le roi sauce soja?! Dans une dimension parallèle, où les démons pouvaient paraître humains, et où secrètement ils se nourrissaient de l'énergie des quelques pauvres homo sapiens restant, tout en attirant chaque jour de plus en plus de nouvelles victimes en ce pays, comme si le Japon allait devenir un trou noir pour finalement engloutir la terre toute entière? Andrei préférait penser que non... Après tout, il n'avait jamais vu personne gonfler suite à une ingestion de sauce soja, alors bon...

"Je n'ai jamais entendu parler de démon sauce soja, et je préfère qu'il n'existe pas à vrai dire, sans quoi la terre n'en aurait sans doute plus pour longtemps! Ca ne serait pas drôle d'être un démon sauce soja, je pense... Difficile de rester entier lorsqu'on est sous forme liquide, non? A moins qu'il ne faille se méfier que de la sauce soja congelée, ou des glaces à la sauce soja, mais j'avoue ne pas en avoir vu souvent, et encore moins goûté..."

Il leva un sourcil, à cette idée. Des glaces à la sauce soja? Bah... Après tout pourquoi pas! Lui, il aimait tout... c'était à tester, si jamais un jour il parvenait à en trouver... Andrei n'eut même pas le temps de comprendre quel type de porte il franchissait que déjà, il se retrouvait au plein milieu d'un bar, toujours guidé par Antarès bien entendu. Ce n'était pas là qu'il avait prévu de se retrouver, mais bon... après tout, pourquoi pas? Sage qu'il était il s'assit comme il se devait, mais fut soudain... nettement plus embêté, à la question d'Antarès. Ce qu'il buvait? Eh bien... Il n'en savait un peu trop rien. Comme dit, Andrei n'était pas grandement difficile. Il mangeait et buvait de tout, quoi qu'il n'eut pas une culture très étendue dans le domaine des boissons... Pensif un instant, il finit par choisir la solution de facilité, et qui arrangerait tout le monde au passage:

"N'importe. Disons que je prend pareil que toi, du moment que ce n'est ni au brocoli ni à la sauce soja..."

Non non, ce n'était pas un rêve... Parfois, Andrei lui aussi savait plaisanter, même si il lui arrivait relativement souvent de prendre les plaisanteries des autres au premier degré. Preuve en était d'ailleurs, il émit un rire discret. Le serveur repartit rapidement commande en tête et... vint la question qui à vrai dire n'étonna guère Andrei. Le chat de Cheshire était une bête très connue, mais très peu de personnes étrangement parvenaient à reconnaître ce dernier. Pourtant, peu de chats savaient comme lui se rendre invisible, disparaître entièrement, ou même partiellement! Mais bon... Ainsi allait la vie. Andrei appuya ses coudes sur la table, puis liant les doigts de ses deux mains ensemble appuya son menton sur ces dernières, avant de répondre, comme amusé:

"Tu le connais forcément! C'était le chat du Cheshire... A la bibliothèque, les personnages aiment bien sortir de leurs livres respectifs, et lui particulièrement... Il vient tout le temps! J'ai toujours trouvé qu'il avait là une drôle de capacité à apparaître et disparaître en continu, mais... c'est surtout amusant de l'écouter parler! Souvent il dit n'importe quoi... Je l'aime bien en tous cas! Tu ne l'avais vraiment jamais rencontré?"

Etrange tout de même, comment les gens pouvaient se blinder, et passer outre toute la magie qui faisait vivre la bibliothèque... Le regard d'Andrei se fit vague, puis il acheva simplement, rêveur:

"Récemment, il a vraiment perdu une patte. Il parait que c'était le prix à payer pour empêcher la reine de sortir de ses pages... Mais mieux vaut une patte à lui que notre tête à nous, au moins la sienne repoussera en double exemplaire!"

Antarès était vraiment stupéfait de l'imagination débordante quand laquelle Andrei était sûrement tombé quand il était petit. A croire que ce mec rêvait 24h/24, ne sortant jamais de ses rêveries. Il y avait une raison à cela? Antarès se posa la question avant de vite l'oublier: il n'aura jamais la réponse de toute façon. Pas la peine de se prendre la tête avec ça.

Andrei commença à débattre sur la sauce soja, supputant que s'il y avait un démon de la sauce, le Japon aurait déjà succombé. Antarès hocha la tête, et répondit:

" Oui, tu as sûrement raison. Je ne m'y connais pas vraiment en démonologie, tu sais. "

Il sourit doucement, puis emmena Andrei dans un bar de sa connaissance, où ils faisaient de très bons coca-menthe. Antarès en commanda un, et quand il demanda à Andrei ce qu'il voulait, ce dernier répondit la même chose. Anta rit à la plaisanterie d'Andrei, sachant la reconnaître parmi ses autres cingleries.

" C'est du soda avec du sirop de menthe. Ils ajoutent de l'eau aussi, sinon c'est trop sucré. "

Puis, une fois le serveur parti, Antarès décida, à la fois par curiosité et pour lancer la discussion, de reparler de ce chat. Quelle ne fut pas sa surprise en apprenant qu'il s'agissait du Chat du Cheshire!

" Ah!!! Faudra que tu lui dises que je m'excuse, j'ai eu du mal à le reconnaître pourtant je l'adore! Bon c'est sûr qu'il dit souvent n'importe quoi... Et non, je ne l'avais encore jamais rencontré. Tu dois avoir une aura qui fait que ce genre d'évènements n'arrive qu'à toi, ou à ton contact. "

Ou comment faire un compliment implicite, caché derrière un sourire charmeur. Ces yeux rêveurs, Antarès les regardaient en espérant s'y perdre. Andrei n'en avait vraiment pas conscience, mais il était aussi intriguant que sexy pour Antarès.

Les commandes leurs revinrent, et ils furent face à face avec deux grands verres remplis d'un liquide vert foncé bizarre où flottaient des feuilles de menthe coupées et des glaçons. Antarès pris son verre, et sirota une gorgée avec la paille.

" J'espère que tu vas aimer. C'est l'un de mes mélanges préférés, du moins pour les trucs sans alcool. "

A ce moment là, Antarès décida de passer à l'offensive. Il commença à avancer son pied, jusqu'à toucher celui d'Andrei. Puis il remonta lentement, caressant sa jambe, sans aller plus loin que la moitié de son mollet.

Andrei fut très heureux d'apprendre qu'il avait face à lui un autre amateur du chat de Cheshire, auquel il semblait finalement et contre toute attente s'intéresser. Au début, lorsqu'ils étaient encore dans la bibliothèque; que le chat s'en était allé, vexé, Andrei avait vraiment cru qu'Antarès réagirait définitivement comme tous les autres. Il était très agréable de voir qu'il s'était trompé! A vrai dire, Andrei commençait à réellement s'amuser... Peut-être même plus qu'il ne s'était jamais amusé, d'ailleurs. Forcément. C'est toujours plus drôle d'avoir un interlocuteur, et un interlocuteur à l'écoute. Grand sourire épanoui sur ses lèvres donc, tandis qu'en étant très content, il répondait:

"Je lui dirai ça sans faute la prochaine fois que je le verrai, en espérant qu'il ne fasse plus la tête d'ici là!"

Puis la joie passa un peu... De nouveau pensif, il réfléchissait. Ce genre d'évenements n'arriverait qu'à lui ou à son contact, prétendait donc Antarès? Andrei n'y avait jamais réellement pensé... Il lui semblait si évident que toute cette magie qu'il pouvait voir de ses yeux était omniprésente, berçait le monde de ses effluves évanescentes, que ces dernières soient merveilleuses ou inquiètantes... Non, cette simple idée le gênait. Andrei était plus humble qu'on aurait pu le croire en le voyant réinventer l'Histoire de la planète entière... Peut-être était-il juste... Plus à l'écoute que les autres? Oui... C'était sans doute cela, et pas autre chose...

"Et non, je ne pense pas avoir grand chose de spécial, et encore moins quoi que ce soit qui puisse ressembler à une aura... C'est sans doute car je n'ai pas beaucoup d'autres préoccupations, ainsi dès qu'une chose arrive je la remarque..."

Puis les verres arrivèrent, remplis d'un liquide qui l'intrigua fort de par sa couleur, allant jusqu'à lui faire se demander si Antarès et lui ne finiraient pas aussi verts que leur boisson après l'avoir consommée... Bah. Antarès ne semblait pas beaucoup s'en inquièter, et avait l'habitude de boire ce genre de choses, a priori. Le fait était que sa peau gardait un teint on ne peut plus naturel, Andrei semblait donc n'avoir pas trop de soucis à se faire. Il attrappa son propre verre, et entreprit de rassurer antarès... C'était dit, il n'existait pas une seule chose qu'Andrei ne puisse ingurgiter. Il était d'une tolérance à la limite de l'anormalité...

"Pas de problème, je ne suis vraiment pas difficile..."

Lui-même commença donc à siroter le produit bizarre attendant patiemment face à lui. Sans grande surprise, il découvrit qu'en effet, le mélange était plutôt bon! Enfin... Il n'eut pas tellement le temps de l'apprécier que déjà, quelque chose de très inattendu lui arrivait. Il dut avoir l'air un peu étonné, car il l'était... Que... Faisait donc Antarès exactement? Il avait commencé tout d'abord par sentir son pied heurter plus ou moins le sien, jusqu'à là, rien d'anormal, sauf que voilà, ce n'était pas comme si il l'avait ensuite retiré. Si il avait été extérieur à la scène, sans doute aurait-il été capable de comprendre le but de la manoeuvre, sauf que ce n'était pas le cas, et qu'il était à 300 lieux de penser qu'Antarès pouvait s'intéresser à lui pour grand chose d'autre que parler. Du coup, il continua à sourire inocemment, pensant que certainement Antarès avait du confondre sa jambe avec le pied de la table... Pourtant, ce n'était pas comme si les deux étaient l'un à côté de l'autre! Antarès devait être un peu à côté de la plaque pour s'être trompé de la sorte... Un peu confus, Andrei en arriva donc à lâcher un bref commentaire en rapport indirect avec le problème, bien peu conscient du fait que ses paroles auraient pu être mal interprêtées d'ailleurs:

"Tu es sûr qu'il n'y a pas d'alcool là-dedans?"

Antarès sourit en hochant la tête en entendant Andrei lui dire qu'il passerait le message au chat du Cheshire. Le pire c'est qu'il y croyait vraiment, mais ça faisait aussi parti de son charme, pensait le professeur sans scrupules. Bah quoi, c'était pas du shota, Andrei était majeur et vacciné. Enfin normalement.

Antarès essaya de trouver une explication logique pour qu'Andrei ne s'inquiète pas qu'on ne voit pas toutes les choses farfelues qui peuplaient son imagination, mais ça ne marcha pas. Le jeune homme lui répondit qu'il était simplement plus à l'écoute et qu'il remarquait la moindre petite chose.

" Oui, peut-être... "

Fit Antarès, peu convaincu. Ca enlevait un peu au mythe là. Dire qu'il avait presque envie de le croire, de se dire que le chat du Cheshire existait, et que le démon des brocolis était une terrible créature. Parler avec Andrei, c'était un peu comme retourner en enfance. Déjà qu'Antarès n'avait jamais passé le cap de l'adolescence, il trouvait ça fantastique et très facile de se plonger dans les histoires fantaisistes de son élève.

Puis, les boissons arrivèrent, et Antarès sourit en imaginant la réaction d'Andrei face à la couleur étrange du breuvage. Mais c'était super bon! En plus s'il n'était vraiment pas difficile comme il l'avait dit, il ne devrait pas y'avoir de problèmes. Et il n'y en eut pas.

Du moins jusqu'à ce qu'Antarès, complètement hypnotisé par la vue d'Andrei, ne commence à lui faire du pied. Quelques secondes après, le jeune homme demanda si ce n'était vraiment pas alcoolisé, ce qui surprit Antarès.

" Non, y'en a pas. Quelque chose ne va pas mon lapin? "

Deuxième fois. Pour un fan d'Alice au pays des Merveilles, Antarès espérait que son vis à vis n'allait pas s'enfuir en courant en hurlant 'En retard, je suis en retard!'... Il sourit à nouveau, et lui demanda très calmement et en le regardant dans les yeux:

" Ce que je te fais te gêne? "

Sous-entendu: tu n'as rien à craindre mon choupignou, je suis doux comme un agneau... ou encore 'y'a aucune honte à se faire draguer par un autre mec'. Du Antarès tout craché, en somme.

Bon eh bien... Si il n'y avait pas d'alcool dans la boisson qu'ils étaient tous deux en train de siroter, Andrei voyait mal où exactement Antarès voulait en venir... Quant à savoir si il était gêné ou pas, bien entendu, ce n'était pas le cas... Andrei? Gêné pour si peu? Ca, ça ne risquait pas... Ce n'était même pas que le comportement d'Antarès lui semblait anormal, non, mais juste qu'il ne le comprenait pas. Se faire appeller "mon lapin" ne le fit même pas tilter. Sa tante l'appellait bien ainsi à l'occasion, hein... Alors pourquoi pas Antarès? Oui, une chose était claire, Andrei avait sérieusement besoin de prendre quelques cours en comportements et relations humaines, sans parler du genre d'enseignement qu'Antarès n'attendait que de lui prodiguer.

Avec tout ça, Andrei avait l'air pluôt perplexe. Pas pour le moins embarassé hein, n'allez pas chercher du rose aux joues là où il n'y en a pas, cela dit, il était assez abasourdi pour rester à regarder Antarès dans les yeux sans bouger, bouche entrouverte, à en oublier de boire son verre. Un peu plus, et il en aurait complètement oublié de répondre à ses diverses questions. Heureusement il se reprit bien vite, comme sortant de ses pensées troublées:

"Heu... Non, tout va bien, je ne vois pas pourquoi cela devrait me gêner à vrai dire, sâchant que ça ne fait même pas mal..."

Bon. Il ne comprenait vraiment rien à rien, mais a priori même si le comportement d'Antarès le dépassait, tout allait pour le mieux... Alors il se remit à sourire, et sortant de sa torpeur se remit à siroter tranquillement sa consommation. Si frotter sa jambe contre la sienne pouvait faire plaisir à Antarès, il n'allait pas l'en empêcher hein... Il n'avait à cela aucune raison, puis surtout, il n'aimait pas contrarier les gens. Enfin, à vrai dire, quelque chose commençait à l'angoisser un peu, rien qu'un peu... Du fond de sa mémoire, quelque chose d'ancien remontait. Une histoire de vampire... De vampire à électricité statique. Il y avait des vampires qui pompaient le sang, d'autres qui tiraient leur "fluide vital" directement de l'énergie psychique des autres, et parmi ces derniers, certains qui pour se nourrir étaient obligés de se frotter à leur victime pour créer un pont d'électricité statique, par lequel passait l'énergie psychique absorbée. Ces vampires là étaient très reconnaissables. La plupart du temps, même lorsqu'il faisait très chaud dehors, ils portaient un gros pull en laine, et avaient les poches pleines de ballons de baudruche. Rien de mieux pour créer un courant statique que ces quelques effets là... Mais en fait, il suffisait de jeter un simple coup d'oeil à Antarès pour voir qu'il ne collait pas du tout à cette description... Non. Avec lui, Andrei ne devait pas avoir de soucis à se faire. Il ne s'inquiètait pas le moins du monde en fait, finalement, et ça se voyait.

"Tu ne portes pas de pull et n'a pas l'air d'avoir quelque stock de ballons en latex dans ta poche, à partir de là je ne vois pas en quoi je devrais me méfier..."

Ballons en latex...? Andrei n'avait pas qu'un don, non, il en avait trois. S'en sortir comme un dieu en musique, affabuler à merveille, et sortir sur le ton de la conversation, et sans s'en rendre compte qui plus est, les pires des ambiguités... Inutile de dire qu'il gardait encore et toujours son air rêveur et innocent, contrastant avec la bourde involontaire qu'il venait de pondre, avec le plus grand naturel.

Alors là, Antarès se demanda s'il fallait qu'il rit ou qu'il soit inquiet. Finalement, il n'opta ni pour l'un, ni pour l'autre, mais resta très sérieux, laissant toujours son pied contre la jambe d'Andrei.

" Heureusement que ça ne te fais pas mal, c'est loin d'être mon objectif. Qui pourrait vouloir faire du mal à une si belle et charmante créature. "

Hop là, on passe la deuxième sans trop d'encombres. Seulement, Andrei n'était pas un garçon ordinaire, et Antarès se demandait quel autre truc bizarre Andrei allait lui sortir. Mais en même temps, c'était pour ça qu'il trouvait ce garçon si envoûtant, son étrangeté était si... excitante. Et loin de surprendre Antarès, en le surprenant quand même, enfin c'est paradoxal, Andrei se mit à parler de pull et de ballons en latex.

Disons que le fait que le jeune homme lui parle de trucs étranges n'étonnait plus Antarès, mais le truc étrange en question le surprenait à chaque fois. On ne pouvait pas s'ennuyer avec Andrei, c'était certainement impossible. Anta rangea son pied sous l'effet de la surprise, sirota un peu son coca-menthe et demanda:

" Des... ballons en latex? Je crois pas en avoir non. Ou si, mais c'est pas des ballons. Enfin ça sert pas à souffler dedans. Pourquoi tu dis ça? Tu as peur de quelque chose? "

Bah oui, autant demander pourquoi Andrei parlait soudainement de laine et de latex. Il était fétichiste? Oh oh oh, mais aucun problème! Antarès était prêt à le suivre dans toutes ses fantaisies, même les plus perverses. Si seulement Andrei était capable d'être un peu pervers, ce qui ne semblait pas être le cas.

Antarès sirota de nouveau son verre, le finissant rapidement. Il laissa son regard vagabonder sur les visage d'Andrei, ses cheveux soyeux, ses yeux rêveurs, sa bouche étirée en un sourire vague, les courbes de sa mâchoire, son cou fin qui prolongeait un torse qu'Antarès se languissait de découvrir. Soudain, ce dernier demanda au jeune homme, sur le ton de la conversation:

" Tu as déjà eu une amoureuse, Andrei? Ou un amoureux? "

La seconde partie de la réplique avait été dit d'un ton plus pervers, Antarès légèrement penché en avant, et la bouche étirée en un sourire malicieux.

Bon. Il faut bien avouer que de se faire comparer à une belle et charmante créature secoua un peu Andrei. Là, ça lui faisait bizarre, dans le sens où personne ne l'avait jamais qualifié de beau ni de charmant. A vrai dire, on aurait pu compter les compliments auquel il avait eu le droit durant sa vie sur les doigts d'une main, si jamais on faisait fi de ses compétences musicales, et de son imagination délirante. Il ne releva pas, mais en fut visiblement troublé. Pas intimidé, mais troublé, dans le sens où il commençait à ne plus bien savoir ce qu'il devait croire... Semblant n'intéresser personne, évité de tous, il s'était toujours cru plutôt banal, et voilà ce qu'on lui sortait maintenant...

Enfin. Il y eu cette histoire de vampires à électricité-statique... Qu'Antarès ne semblait pas connaître. Tiens donc? Pourtant c'était extrèmement connu! Une rumeur disait même que la prochaine saga de la très célèbre Anne Rice en traiterait... Enfin... Ce n'était pas comme si Andrei n'avait pas l'habitude de voir les faits établis les plus célèbres ignorés de la majorité des gens qu'il connaissait. C'était tout de même étrange, comme phénomène, mais à force, cela ne le surprenait plus guère... C'est donc tout simplement qu'il expliqua:

"Non non, de rien... Pendant un moment je me suis demandé si tu n'aurais pas pu être un vampire à électricité statique, mais tu n'as visiblement pas les attributs nécessaires, d'autant que leurs ballons en latex à eux sont bels et bien pour souffler dedans... C'est plutôt contradictoire un ballon en latex dans lequel tu ne peux pas souffler en fait, ça doit être plutôt difficile de le gonfler dans ce cas..."

Léger rire. Non, Andrei était désespérement pur et chaste, à un point tel que ça aurait pu faire peur venant d'un jeune homme tel que lui. M'enfin, il était complètement marbré. Pas si étonnant finalement, lorsqu'on y repensait. Enfin... Même si pour le moment il ne comprenait rien à ce que sous-entendait clairement Antarès, il allait bien être forcé de commencer à l'entrevoir, vu la question que son vis-à-vis lui posa soudainement, question qui le fit tomber des nues pour de bon. A vrai dire, il en perdit le sourire tout net, et s'arrêta de boire comme si une blatte à paille s'était soudainement coincée dans le tuyau de cette dernière.

Si... Andrei avait déjà eu une amoureuse, ou un amoureux? Quelle question étrange... A quoi pensait donc Antarès? Non, Andrei n'avait jamais eu rien de tel, et voyait mal comment telle chose aurait pu arriver, sâchant qu'il était seul à peu près 24h/24. Plutôt troublé, du fait qu'il abordait là un sujet... Qu'il n'avait vraiment pas l'habitude d'aborder, il n'eut même pas le réflexe de délirer en répondant, ce qui aurait presque pu le faire passer pour sain d'esprit:

"Euh... Non, jamais... En fait je n'y ai jamais pensé, et de toutes façons, personne ne s'intéresse à moi, alors ça ne risquait pas d'arriver..."

Mais tout de même... Le ton sur lequel Antarès avait prononcé son "ou un amoureux?" semblait plein d'une signification qu'il n'arrivait pas à saisir, alors que pourtant, elle frôlait son cerveau de très près. Pourquoi avait-il insisté ainsi sur la fin de sa phrase, hm? Et si... Ah! Comme quoi Andrei n'était pas totalement un cas désesperé, il avait fini par comprendre quelque chose. Antarès essayait sans doute de lui dire par là quelles étaient ses préférences... n'est-ce pas? Pourquoi se confiait-il à lui soudain, ça, il ne le savait pas... Peut-être faisait-il ça avec tout le monde. Bon, il n'avait pas compris ce qu'il y avait à comprendre exactement comme il se devait, mais il y avait malgré tout une nette amélioration. Quittant le trouble qui un instant l'avait happé, Andrei se remit à sourire, pour finalement demander, pas du tout gêné de poser ce genre de questions, qui plus est sur le ton de la conversation:

"Tu préfères les garçons, Antarès?"

Antarès laissa Andrei lui expliquer pourquoi il avait cru qu'il avait des ballons en latex dans les poches, et rit en entendant sa réponse. Ca c'était original, et le prof trouvait ça simplement génial. Il lui répliqua avec un sourire charmeur:

" Non non, rassure-toi, je ne suis pas un vampire! Et je suis désolé que tu aies pensé que j'en sois un. Et puis mes trucs à moi sont en latex mais c'est pas des ballons, c'est pour ça qu'on souffle pas dedans. Mais ils sont très utiles, tu verras. "

Antarès continuait délibérément à paraphraser sur ses quelques capotes qui traînaient dans ses poches, histoire de voir si Andrei allait capter quelque chose. Néanmoins, il lui semblait que le jeune homme n'avait pas un grand sens du second degré, et qu'il faudrait tout lui expliquer très clairement et sans détours. Ca n'en était pour autant pas moins amusant.

D'ailleurs, Antarès commença le bal des questions avec l'une d'entre elles, des plus franches et directes. Andrei en perdit son sourire, signe qu'on pouvait malgré tout le surprendre, en s'y prenant de la bonne manière. Anta eut un sourire satisfait et intérieur, restant très zen en apparence. Il fut un peu désolé d'apprendre que personne ne s'était jamais intéressé à Andrei, mais vu son caractère et ses délires, Antarès comprit facilement. Ce que lui aimait chez Andrei ne devait pas plaire à tout le monde, loin de là même. C'était bien triste. Oh, n'allez pas croire qu'Anta avait pitié de ce jeune homme, non, il ressentait juste une profonde sympathie envers lui, à la limite du coup de foudre pur et simple.

Puis Andrei se remit à sourire, pour le plus grand bonheur d'Antarès, qui sourit également. La question du jeune homme fit presque fondre son prof, qui lui répondit d'un ton rêveur et les yeux pleins d'étoiles:

" Oui! C'est tellement plus beau un homme... "

Antarès posa alors son coude sur la table, et la tête dans sa main, penchée, comme si sa nuque ne la soutenait plus. Le regard dans le vague, il soupira, avant de demander:

" Et toi? Tu préfèrerais un homme ou une femme? Peut-être les deux en même temps? "

Ce n'était pas une plaisanterie qu'Antarès faisait là, car si Andrei, par le plus grand des hasards, disait réponse C, Anta se ferait un plaisir de se travestir à nouveau. La seule chose qu'il ne pouvait pas faire, c'était se transformer en femme. Alors il espérait de tout coeur qu'Andrei ne répondrait pas ça.

Andrei avait bien deviné, au sujet d'Antarès. Cela ne le surprit guère à vrai dire, car dans les brefs moments où il pouvait sembler entrer en contact avec une étincelle de rationnalité, passant par le plus grand des hasards dans le coin, ce n'était que rarement qu'il se trompait, quoiqu'il fut très doué pour ne dénicher que des vérités partielles... voire des vérités complètement hors-sujets. Pour sa part, il n'avait pas grand avis sur la question du "quel est le sexe le plus beau parmis les deux disponibles?", ainsi laissa t-il parler Antarès, acquièsçant juste au passage, pour prouver qu'il était attentif à tout ce que son professeur d'Histoire lui disait. Quoi qu'à force, il eut presque plus l'impression de se retrouver face à un camarade de classe qu'à un professeur, en fait... si tant est qu'un camarade de classe sympathique avec lui puisse exister.

L'heure des questions confondantes n'était cela dit pas passée, et pour la seconde fois, il perdit contenance, très visiblement. Ce que lui préférait? Homme, femme, ou les deux en même temps? Là encore, c'était une colle qu'Antarès lui posait... Ne s'étant franchement pas interessé aux relations charnelles ces derniers dix huit ans, il fallait bien avouer qu'il n'en avait tout simplement pas la moindre idée. D'autant qu'à son idée, très différente de celle enfoncée dans la tête de nos chers chérubins dès le plus jeune âge, l'hétérosexualité n'était pas installée par défaut sur quasiment tout être humain, non... Selon lui au contraire, tout était possible, et au diable les probabilités. Il resta silencieux quelques secondes, puis rendu nerveux par son incapacité à répondre, porta une main contre sa nuque, pour finalement arborer un sourire plus tendu que les autres, mais répondre toujours aussi sans-gêne:

"Je... ne sais pas vraiment, je ne me suis jamais posé la question... Je ne pense pas avoir de préférences, en fait. Mais les deux en même temps, ça commence peut-être à faire beaucoup..."

On prendra cette réponse dans le sens qu'on voudra, de toute façon, elle restait toujours plus ou moins vraie, même si Andrei avait peut-être bien une nouvelle fois compris la question de travers. Comme il n'avait pas encore finit son verre avec tout ça, il profita de n'avoir plus grand chose à dire pour se remettre à boire, sans pour autant quitter Antarès de ses yeux toujours doux, mais devenus interrogateurs, voire curieux... Antarès pouvait bien lui poser toutes les questions qu'il voulait sans que cela ne le dérange vraiment... Cela dit les deux dernières en date l'avaient destabilisé à un tel point qu'il en arrivait à avoir une réaction rare pour lui, soit à peu près normale, outre sa naiveté: il en arrivait à se demander... dans quel but Antarès l'interrogeait à propos de ses expériences - inexistantes - et de ses préférences. Et bien sûr, comme toujours, il n'avait aucun taboos. Il décida donc expressément d'en demander l'explication:

"Mais... Pourquoi veux-tu savoir ça, à vrai dire? Peut-être par curiosité... Ca n'est pas vraiment un sujet sur lequel j'ai grand chose à dire, ce n'est pas très intéressant."

Sourire réclamant en quelques sortes l'indulgence de son interlocuteur, avant que coude contre la table, il ne pose le bas de son visage dans sa main, et entreprenne de finir son verre... N'empêche. Remarquons qu'Antarès venait de réaliser un exploit hors du commun, soit celui de réussir à discuter avec Andrei pendant plus de trente secondes sans que celui-ci ne se remette à délirer.

Antarès rit à la réponse d'Andrei. Il l'avait un peu destabilisé le petit, et il en devenait encore plus mignon. Les yeux rieurs et plein d'étoiles, limite chibi d'ailleurs, le hérisson rouge se rendit compte que son vis à vis avait mal compris sa question.

" Quand je disais les deux en même temps, je ne parlais pas d'un homme et d'une femme en même temps, même si j'admets que certains peuvent trouver ça bien. Mais il y a des gens qui sont attirés par les travestis, alors on ne sait jamais. Enfin si t'en sais rien, c'est sûr que ça peut faire beaucoup. "

Il rit une nouvelle fois, et laissa le silence s'installer. Pendant que personne ne parlait, il laissa de nouveau son regard se poser sur la silhouette d'Andrei, qu'il trouvait de plus en plus hypnotisante. Son désir grimpait, maintenant qu'il se rendait compte que c'était un vrai désir et pas simplement une envie pour passer le temps, et il dut se retenir de penser à des choses trop salaces pour pas avoir l'air con en se relevant tout à l'heure. L'air naïf ne faisait pas culpabiliser Antarès le moins du monde, pas plus qu'il ne s'agissait là que d'un de ses élèves. Il aimait cet air de gamin fragile, et se demandait vaguement à quoi ressemblerait Andrei, le visage déformé par le plaisir.

Antarès avait eu peur qu'il lui réponde qu'il était plutôt hétéro, mais le fait qu'il n'en sache rien rassurait grandement son prétendant. Ce dernier, plus confiant, continuera donc à lui faire la cour. Il allait dire quelque chose quand Andrei le coupa pour lui demander pourquoi il posait toutes ces questions. Anta fut des plus directs.

Avec un sourire charmeur mais sincère, il lui répondit, jouant à nouveau du pied contre celui d'Andrei:

" A ton avis? Tu m'intéresses, Andrei, alors je voulais m'assurer de savoir si j'ai une chance, ou pas du tout. "

C'était vrai qu'Andrei avait arrêté de délirer depuis quelques secondes, mais c'était bien parce qu'Antarès lui parlait de choses que malgré toute son érudtion et son imagination, il ne connaissait pas. Et cela ne faisait que renforcer l'envie à Anta de les lui faire découvrir.

" Et si on allait chez moi? J'habite pas très loin d'ici. "

Et voilà la demande en bonne et due forme. Même Andrei ne pouvait ignorer ce qui se cachait sous cette invitation. Antarès attendit la réponse, le coeur battant. Il n'avait pas ressenti ça depuis la fois où il avait invité son professeur de sport au restaurant, au lycée.

Andrei n'était pas - toujours - assez stupide pour ne pas comprendre qu'il avait pris quelque chose de travers, lorsqu'on lui présentait l'évidence de telle sorte qu'il ne puisse l'ignorer. Cela dit, sa bourde ne le dérangeait guère... Faire des choses à plus que deux, travestissement, qu'importait? Il n'avait rien contre toutes ces pratiques, quoi que de lui même il n'aurait sans doute rien testé de tout cela... Ni rien testé tout court en fait, donc en gros ça ne voulait pas dire grand chose. Là où certaines personnes auraient eu honte de leurs pensées plus perverses que nécessaires, lui ne voyait rien de gênant. Il se contenta donc d'hôcher la tête et de sourire agréablement, comme il le faisait si bien.

Vint la question posée à Antarès, concernant les raisons que ce dernier pouvait bien avoir pour soumettre Andrei à son interrogatoire. La réponse en fut rapide, et surtout, choquante pour Andrei, qui vit alors tout une barrière de convictions, l'entourant et le rendant innaccessible, s'effondrer en un cercle de ruines autour de lui, jusqu'à le laisser à nu, beaucoup plus vulnérable qu'il ne l'aurait songé. En parlant de nu ou plutôt de nues, d'ailleurs, il en tomba carrément. Ce fut sans doute la première fois depuis le début de son entrevue avec Antarès que son expression se métamorphosa réellement, radicalement. Ce ne devait en fait pas être bien arrivé depuis bien longtemps, à considérer que cela ait pu arriver à une autre occasion. Ses yeux s'écarquillèrent, et ses pupilles s'étrècirent, signe d'une stupéfaction des plus totales, et des plus sincères. C'est avec grand peine qu'il empêcha sa machoire de se décrocher, et le sang commença à lui battre aux oreilles et dans la poitrine comme si il avait trop couru. Un lutin farceur était-il entré par l'une de ses oreilles pour modifier les informations qui lui étaient parvenues? Il n'eut même pas le réflexe de vérifier cela en tapant d'un côté de sa tête, voire si quelque chose de l'autre en sortait. Non... il était dans un tel état qu'il ne pensait plus à cette éventualité qu'à moitié... voire plus du tout. Bien vite effacée par son étonnement, elle lui était totalement sortie de la tête. Jamais il ne s'était trouvé aussi déconcerté... Il mit plusieurs bonnes secondes à s'assurer qu'il ne s'était pas trompé, avait bien compris, et bien assimilé... Andrei... Intéressait Antarès? Pour de vrai? Si le professeur lui avait dit cela quelques minutes plus tôt seulement, lorsqu'ils étaient encore à la bibliothèque, Andrei ne l'aurait sans doute pas pris au sérieux, mais là... avec tout l'intérêt qu'il lui avait porté depuis lors, il ne pouvait que croire en sa sincèrité. Et du coup, Andrei ne savait réellement plus sur quel pied danser.

"P.. Pardon? Heu...J.. Tu... veux dire une chance de...?"

En fait, il ne trouvait pas quoi dire. Jamais à son souvenir il ne s'était trouvé aussi embarassé... Même lui qui pouvait être si long à la détente avait fini par comprendre ce qu'il se passait, et la proposition d'Antarès... ne fut que pour l'égarer doublement. La signification de ce pied frottant contre le sien lui apparaissait maintenant clairement, comme si on l'avait finalement mis face à face à un miroir, lui permettant de prendre du recul et de voir dans son ensemble la situation. Que répondre à tout ça? Que dire? Lui qui était le spécialiste du "je n'ai pas d'avis sur la question" dans le domaine abordé se trouvait bien déboussolé face à tout ça. Avait-il envie d'aller chez Antarès? N'en n'avait-il pas envie? Il ne savait pas exactement, et se trouvait donc totalement indécis. Il en arriva même à détourner les yeux, gêné non pas par le fait qu'Antarès soit son professeur et ait dix ans de plus que lui, ni à l'idée de découvrir des... choses qu'il n'avait jamais imaginé pouvoir tester un jour. Gêné tout simplement de sa propre incapacité à répondre, ni à s'exprimer clairement.

"Heu, je ne sais pas vraiment, je..."

Il avala sa salive. Son cerveau travaillait ardemment pour tout remettre en place dans sa caboche retournée. Il arriva finalement, et de façon précoce, à décrocher l'ombre d'un sourire - encore en réparation le sourire hein - et même à recouvrir un tant soit peu ses esprits... Du moins assez pour désembourber la situation. Réfléchissons. Il aimait bien Antarès. Il avait envie de rester avec Antarès, et qu'importait ce qu'il pouvait se passer... Tout lui convenait. Rien qu'avec ça, il pouvait s'en sortir:

"Enfin, si. Je veux bien venir, c'est juste que je ne pensais vraiment pas pouvoir intéresser quiconque."

Ses yeux finirent par retrouver leur taille normale, et son expression par retrouver son habituel côté absent. Cela dit, son regard restait un brin halluciné, à l'idée de pouvoir véritablement plaire à quelqu'un. Ce jour, Andrei allait vraiment de surprises en surprises...

Andrei était si mignon comme ça, changeant brusquement d'expression, alors qu'il était toujours si déconnecté de la réalité. Antarès devait être le seul homme, le seul être humain, la seule chose humaine ou pas d'ailleurs, à lui avoir fait cet effet là. Il en était conscient, au fond de lui-même, et il en était fier. Alors qu'Andrei bredouillait et ne savait pas quoi lui répondre, Antarès lui faisait les yeux doux et un petit sourire sincère, sans cesser son jeu avec son pied. Si mignon... Antarès fondait comme une glace à la sauce soja au soleil.

Il devenait de plus en plus difficile de maîtriser ses pulsions, tellement il avait envie de prendre Andrei dans ses bras, et de montrer comment on embrassait. Mais Anta se retint même de lui prendre la main. Peut-être qu'en public, Andrei se sentirait gêné. En réalité, la gêne du jeune homme venait simplement du fait qu'il était pris au dépourvu, ce qui était encore mieux pour Antarès en fait.

La seconde question, et la dernière pour l'instant, du hérisson rouge dut ajouter un peu plus de confusion dans l'esprit d'Andrei, qui parvint pourtant à énoncer une réponse claire. Il était perdu, et Antarès ne l'en trouvait que plus mignon. Puis, quelques minutes après, une réponse plus définitive tomba. Le sourire d'Antarès s'élargit, alors qu'il se levait, laissant des billets sur la table pour les consommations.

" Eh bien tu m'intéresse. Beaucoup, je dois dire. Je suis sincère. "

Dit-il alors, en lui tendant la main pour qu'il se relève. Bien sûr, il ne comptait pas aller trop vite, le petit ne sachant pas encore bien où il mettait les pieds. Antarès ne voulait pas qu'il le regrette, bien au contraire. Mais il était évident que ce bar n'était plus l'endroit idéal pour discuter de cela.

" Allons-y. C'est à cinq minutes à pied. Tu aimes le thé? "

S'il était au Japon depuis un moment, Andrei n'avait pas pu échapper au thé. Antarès en était d'ailleurs très friand, notamment quand le thé était aromatisé et un peu sucré: le thé au caramel, le thé à la noix de coco, ou à la menthe... Même si ce n'était pas vraiment dans les traditions japonaises.

Antarès récupéra son sac avec ses affaires de cours, et attendit qu'Andrei soit disposé à le suivre, comme il l'avait dit. Il était naturel que ce dernier puisse changer d'avis, mais Antarès était si enthousiaste à l'idée de l'emmener chez lui... D'ailleurs, s'il avait continué à le regarder et s'il ne s'était pas concentré à penser à de vieilles mémés à poil pour calmer ses ardeurs, il aurait été difficile de cacher tout le 'désir' qu'il ressentait pour Andrei. Même si cette fois, il y avait un petit quelque chose en plus. Ce même quelque chose qui, des années plus tôt, l'avaient poussé à dépuceler un de ses amis dans les douches du vestiaire de la salle de sport.

Bon. Là, Andrei commençait à se remettre de ses émotions, et à retrouver un comportement plus ou moins "normal". Enfin... Normal pour lui, quoi. Son visage revenait progressivement à son expression standing, et lorsqu'il aurait finalement assimilé que non, il ne repoussait pas tout le monde et que oui, il y avait encore des gens, ou du moins quelqu'un, pour s'intéresser à lui, il serait finalement à même de ne plus se laisser surprendre si facilement. A vrai dire, et maintenant que son cerveau disfonctionnant s'était remis en route, l'information était déjà presque avalée. Andrei était du genre à trèèès vite imprimer, après avoir compris ce qu'on s'évertuait à lui expliquer. Le plus difficile était justement d'arriver à lui faire comprendre quoi que ce soit... Mission completed, pour cette fois. Du coup, il ne perdit pas pied lorsqu' Antarès lui répondit. Au contraire même, c'est rayonnant qu'il se fit un plaisir d'apporter sa pierre à la discussion:

"Je suis ravi de le savoir!"

Sans hésiter une seconde, il prit la main qui lui était tendue et se releva donc à la suite d'Antarès. Dire qu'il avait songé possible que son professeur soit un vampire à électricité statique... Peut-être devenait-il paranoïaque, à force de vivre dans ce monde peuplé de créatures étranges, en particulier à Hokubu, qui en recelait plus que n'importe quelle autre partie du monde... qu'il avait eu l'occasion de visiter, bien sûr. Nombre d'endroits échappaient à sa connaissance. Bref. C'était les risques du métier... Il était donc temps d'y aller, mais avant ça, question de la part d'Antarès qui cette fois-ci entrait dans ses domaines de connaissances, bien heureusement. Si il aimait le thé? Ah oui, beaucoup! Même si ce n'était pas toujours prudent, encore une fois... Le thé était un vecteur magique des plus puissants, après tout! Il acquièsça, et récupéra ses propres affaires, avant de répondre de vive voix. Il était redevenu nettement plus bavard, soudainement:

"Oui! J'aime beaucoup le thé... En plus d'avoir bon goût, c'est bon pour la santé... Enfin. La plupart du temps! Parfois les feuilles sèchées portent l'âme d'un esprit de la nature agonisant, et c'est là que ça devient dangereux! Des gens se sont retrouvés avec des branches de cerisiers à la place des bras, des épines de roses dans le nez, ou même des tiges de menthe à la place des cheveux, en en ingurgitant un par erreur... Enfin... C'est très rare, moi ça ne m'est jamais arrivé, alors je pense que ça ne risque tout de même pas grand chose... J'aurais plus peur de m'étouffer avec une feuille restée par erreur au fond de la tasse que de finir ainsi! Par contre parfois une souris verte peut sortir du thé au lotus... Si on voit comme un reflet gras sur sa surface, comme une couche d'huile, il vaut mieux éviter de le boire, et en refaire un nouveau... En soit c'est mignon une souris verte, mais sâchant que c'est au moins aussi féroce qu'un pirhana, mieux vaut éviter d'en rencontrer une, à moins de vouloir finir ses jours très tôt..."

Tout sourire, il se tourna vers Antarès. Il avait récuperé ses affaires et était fin prêt à partir, du moment qu'Antarès l'était aussi. Andrei ne revenait jamais sur ses décisions, et ne les regrettait jamais non plus, quitte à jouer dans la cour des masochistes forcenés.

[=> Appartement d'Antarès Brown]

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