Un bibliothécaire s'ennuie....

Karme était arrivé à l'ouverture de la bibliothèque, 9h pile. Il travaillait le matin ce jour ci et ça l'arrangeait bien parce qu'il n'avait aucun cours. Sinon il aurait été obligé de rattraper sur quelqu'un, ce qu'il évitait le plus possible. En soit rattraper les cours n'était pas une chose horrible. C'était juste qu'il détestait qu'on lui rende service. Après ces idiots de camarades croyaient qu'il leur devait quelque chose.

Et c'était arrivé que certains se permettent des familiarités par la suite. Non mais vraiment, qui était assez fou pour croire qu'il prêterait sa collection de vinyle super rares? A un inconnu en plus! Il n'était pas stupide tout de même. Il commençait à comprendre comment fonctionnaient les étudiants. Et il n'appréciait pas outre mesure leurs petites combines douteuses. Il était sûr qu'il n'aurait jamais revu ses précieux albums. Albums qu'il avait collecté durant une bonne partie du siècle dernier, et de celui ci. Il n'allait pas laisser s'envoler ce qui faisait sa vie en un claquement de doigts.

C'était dans ces moments là qu'il était content de ne pas habiter sur le campus. Il aurait eu du mal à cacher ses trésors aux éventuels voleurs. Oui Karme était méfiant et soupçonneux lorsqu'on en venait à sa précieuse collection. C'était bien simple il ne supportait même pas qu'on touche à quoique ce soit. En même temps il n'avait pas d'amis, alors ce n'était pas comme s'il allait inviter quelqu'un chez lui. En tout cas il était bien plus tranquille dans son taudis que sur le campus.

La bibliothèque était un endroit calme, peu fréquentée par la plupart des étudiants. Enfin sauf ceux qui travaillaient vraiment. C'était pour cette raison qu'il avait décidé de travailler là. Et depuis il s'y était bien habitué. Le bibliothécaire principal était un vieil homme intéressant. Un érudit comme on n'en faisait plus. Il semblait bien aimer Karme qui était quelqu'un de calme et efficace. Et puis lorsqu'il était là un certain silence s'imposait naturellement, avait dit le vieil homme. Ce qui était assez normal, vu qu'il se nourrissait parfois discrètement. De plus il semblait intimider les élèves avec son attitude nonchalante, voire méprisante.

Bref c'était un endroit qu'il appréciait. Et puis lorsqu'il n'y avait personne, il passait son temps dans le rayon musique, à lire des ouvrages sur certains musiciens, ou à regarder les cd. Aujourd'hui il n'y avait pas grand monde. Il était déjà 10h30 et seul une dizaine d'élèves travaillaient studieusement. Personne n'était venu lui demander un renseignement. Cela n'arrivait pas souvent à vrai dire...

Il se posa donc à son bureau, commençant à lire un livre sur Beethoven. Il aimait bien lire les inepties que ce humains racontaient. On voyait bien qu'ils ne l'avait jamais connu. Il lui manquait beaucoup en fait. Il soupira. Ludwig avait été un homme vraiment intéressant qui lui avait beaucoup appris.

Il commençait à s'ennuyer, il s'installa donc confortablement, les bras croisés sur sa table. Il posa sa tête sur ses bras, faisant semblant de dormir, se plongeant dans de lointains souvenirs.


[hj post libre ^^]

[Quelques semaines après l'incident avec Ayame]

Le professeur Kurosawa était sorti depuis peu de l'hôpital, et avait repris les cours seulement la veille. L'état de son oeil avait eu du mal à se stabiliser et à vrai dire, ce n'était pas tout à fait cicatrisé. Néanmoins, les médecins n'avaient vu aucun problème à ce que Ryûichirô reprenne son travail, ce dernier n'étant pas très dangereux. Le Chinois arpentait de nouveau la fac, non sans faire lever vers lui des regards inquiets ou curieux.

En effet, dur de rater le détail qui avait changé en lui depuis son hospitalisation : la moitié de masque qu'il portait pour cacher son oeil droit brûlé. La plupart de ses élèves, et donc des étudiants qu'il connaissait s'étaient montrés choqués et inquiets, et lui avaient demandé ce qui s'était passé, ce à quoi Ryu avait du - à son grand regret - mentir, prétextant un accident de voiture malheureux. Les autres étaient simplement curieux et le dévisageaient sans même s'en apercevoir.

Aujourd'hui, le masque de Ryu était de couleur blanche, et semblait serti de diamants, qui n'étaient en fait que des bouts de plastique brillant. Néanmoins, l'effet était là, et c'était plutôt esthétique, si on oubliait ce que c'était sensé cacher.

Bref, le professeur de Chinois fit son entrée dans la bibliothèque, de bon matin et fut un peu surpris de la voir si vide. Il n'y venait pas souvent, mais une fois n'est pas coutume, il avait besoin d'un livre qu'il n'avait pas à disposition chez lui. Et oui, même à lui, rat de bibliothèque invétéré, ça pouvait lui arriver. Il passa donc au magasin pour demander le très bien caché et conservé exemplaire ancien du Xiyouji, ancêtre de Saiyuki et de Dragon Ball. Ryûichirô avait prévu de travailler sur un extrait avec ses étudiants les plus avancés.

Une fois le livre entre ses mains, il alla s'installer à une table et commença à parcourir le roman pour retrouver le passage qu'il voulait. Il n'avait pas remarqué, tout près de lui, un étudiant particulièrement mal élevé qui prenait la bibliothèque pour un dortoir. Il avait commencé à recopier quelques passages intéressants quand il le remarqua. Aussitôt il s'arrêta dans son écriture et alla secouer doucement l'étudiant, pour le réveiller gentiment. Toujours aussi gentiment il lui glissa en murmurant :

" Je ne veux pas me mêler de ce qui ne me regarde pas, mais la bibliothèque universitaire n'est pas le meilleur endroit pour dormir. "

Une pensée traversa alors l'esprit de Ryûichirô : et si cet étudiant était simplement malade ou pris d'un malaise ? Aussitôt le visage de Ryu se teinta d'inquiétude, et il enchaîna directement :

" A moins que vous ne vous sentiez pas bien... Je peux vous emmener à l'infirmerie si vous le voulez... "

Décidément, Ryû est incorrigible, toujours aussi affable même dans des situations où c'est l'autre qui est en tort. Enfin, on allait pas le changer maintenant...

(t'en fais pas pour les noms, Kurosawa Ryûichirô c'est la version - en fait non mais chut - japonaise de Wang Shelong, Wang et Kurosawa étant des noms de famille)

Evidemment, Ryû ignorait tout de Karme, et ignorait même qu'il était bibliothécaire, en fait. Il ne se souvenait pas l'avoir jamais vu, pour la bonne et simple qu'il était rare que le Chinois n'ait besoin d'un livre en particulier. Pour le reste, il aimait flâner dans les librairies et les marchés, et s'était constitué à force une immense bibliothèque qui n'aurait rien à envier à certains rayons de celle de l'université d'Hokubu.

Mais toujours aussi plein de bonnes intentions - en avait-il de moins bonnes, d'ailleurs ? Ne serait-ce que de temps en temps ? - il alla réveiller le jeune endormi, pas si jeune que ça d'ailleurs. Aussitôt, son grand coeur lui susurra que cet homme était peut-être victime d'un malaise. Mais heureusement ce n'était pas le cas.

Ce dernier émergea et répondit poliment. Ah ouais tiens, le badge. Ryu rougit immédiatement et s'écarta un peu, comme pris d'un mouvement de recul.

" Pardonnez cette méprise. Je n'avais pas vu le badge... "

Ryûichirô était vraiment confus, et son regard se faisait instable, comme s'il cherchait la sortie. Mais le Chinois garda tout de même son calme, même quand Karme invoqua des troubles du sommeil comme excuse. Tiens, ça rappelait pas mal de souvenirs à Ryu, pour le coup. Des souvenirs embrumés, comme tirés d'un rêve... ou d'un cauchemar. Et d'autres plus clairs, parsemés d'étoiles.

" L'insomnie... ? Je connais. Mais il y a peu à dire et encore moins à faire... reposez-vous bien une fois rentré. "

Ryu allait prendre congé et retourner dans son livre, quand il entendit le gargouillis sonore de l'estomac de Karme. Ah, le destin avait parlé. Le Chinois revint aussi sec à la charge et lança :

" Il est encore tôt mais que diriez-vous d'aller déjeuner ensuite ? "

Pas besoin de dire que l'inquiétude transparaissait dans toutes les expressions et les gestes de Ryu, de la pointe de ses ongles à celle de ses cheveux. Comme s'il avait peur que le jeune homme ne soit en plus anorexique, ou qu'il ait des problèmes d'argent. Ah, il venait à peine de sortir de l'hôpital, et le voilà qui se remettait à avoir confiance en tout et tout le monde. Incorrigible Ryu.

Son interlocuteur eut soudain l’air tout aussi gêné que lui. Il avait du le prendre pour un étudiant paresseux et sans gêne, mas ce n’était pas le cas. Non Karme était juste étudiant salarié, nonchalant et peu sociable. Et il n’avait pas l’habitude que qui que ce soit tente de le réveiller dans la bibliothèque. C’était un peu son domaine après tout.

Les élèves osaient à peine lui demander un renseignement, alors venir le déranger en pleine sieste…ce n’était même pas imaginable pour eux. Il fallait avouer que son air légèrement méprisant quand certains s’adressaient à lui ne devait pas le rendre très sympathique. Parfois personne ne venait lui parler de la journée.

Enfin il avait même surpris des paris à son égard. Les élèves avaient été très discrets pourtant, mais Karme avait l’ouie très développée. Certains pariaient donc sur le fait que quelqu’un vienne le demander un renseignement dans la journée. Ils se demandaient aussi ou il trouvait ses habits trop grands pour lui, et surtout si il mangeait parfois. C’étaient les habitués qui faisaient ce genre de choses bien sûr.

Entre deux devoirs, ils avaient besoin de se détendre un peu. Et il savaient bien que si un élève venait voir Karme cela ne serait pas l’un d’entre eux. Mais sans doute un première année perdu dans les rayons, qui s’en mordrait bien vite les doigts. Karme pouvait les repérer dès leur entrée. Ils semblaient effrayés à la vue de tous les livres, la connaissance semblait leur donner des frissons. En plus ils arrivaient toujours à faire du bruit.

Karme soupirait presque lorsqu’ils venaient le voir. Mais cette fois ci c’était un professeur qui était venu à sa rencontre. Dans un but honorable qui plus est.

" Pardonnez cette méprise. Je n'avais pas vu le badge... "

Karme ne répondit pas. Il ne savait pas quoi dire, il n’allait pas en rajouter. Mais c’était assez normal qu’il ne l’ait pas aperçu vu sa position « affalé sur le bureau ».

" L'insomnie... ? Je connais. Mais il y a peu à dire et encore moins à faire... reposez-vous bien une fois rentré. "

Et bien Karme lui ne connaissait pas à vrai dire. Il avait une facilité déconcertante pour s’endormir, ou somnoler dans n’importe quel endroit. Pas qu’il manque réellement de sommeil, mais il avait un horaire assez décalé en fait. Et puis il ne se nourrissait pas assez. Ce qui devait jouer sur sa fatigue quand même.

Au gargouillement peu distingué de son ventre il sentit des regards se lever. Et oui Karme était presque un être humain après tout. Les élèves semblaient choqués. Non il n’était pas un vampire, comme certains l’avaient sans doute imaginé.

" Il est encore tôt mais que diriez-vous d'aller déjeuner ensuite ? "

Le professeur qui semblait vouloir reprendre sa lecture, revint en fait lui faire une proposition. Il écarquilla les yeux, très étonné. En fait cela devait bien faire quelques siècles que personne ne l’avait invité à manger. Karme ne savait pas trop comment réagir. Mais après tout pourquoi pas ? Son collègue venait le remplacer à midi, il ne travaillait que le matin aujourd’hui. Et puis cela faisait vraiment longtemps qu’il n’avait pas eut une vraie conversation, autour d’un repas ou non. Le Chinois semblait inquiet, avait-il peur qu’il refuse ? Où pensait-il qu’il ne mangeait pas assez ? Il sourit presque chaleureusement. Son premier sourire depuis 124 ans, 2 mois et 4 jours.

« Pourquoi pas ? Mon service finit à midi. Si cela ne vous dérange pas de m’attendre jusque là…Vous avez encore du travail non ? »

Karme avait sourit, les rares qui l'avaient vu sourire n'étaient pour la plupart plus de ce monde. Il n'était pas très à l'aise avec les gens il fallait avouer.

N'étant pas vraiment habitué de la bibliothèque, Ryu ignorait la réputation que les étudiants avaient fait de Karme, et l'avait même pris pour un étudiant. Enfin il l'était, c'était pas ça la question, mais il était surtout bibliothécaire. Après, Ryu était excusable: avait-on jamais vu un bibliothécaire s'assoupir au travail ?

Mais évidemment, c'était dur pour lui de ne pas se sentir gêné. Il l'était déjà quand ce n'était pas justifié, alors là que ça l'était... il n'allait pas faire comme si de rien n'était. Il s'excusa platement, et fit toujours preuve de gentillesse et continuant à s'inquiéter pour Karme - alors même que ce dernier avait menti pour sauver la face. Et en entendant le ventre de Karme - ainsi que son air maigrelet et malade - Ryu ne put s'empêcher de l'inviter à déjeuner avec lui.

Et Karme sourit. Evidemment, pour Ryu cela semblait très naturel, lui qui avait l'habitude de sourire pour tout et à tout le monde. Il ne pensait pas que ça faisait un peu plus d'un siècle que l'autre n'avait pas utilisé ses zygomatiques. Ryûichirô avait encore fait fort, pour la peine !

" Oh ça ne me dérange pas le moins du monde. J'ai mes très chers Cao Cao et Liu Bei qui m'attendent pas très loin. "

Le professeur de chinois sourit doucement, également, vu que comme je l'avais dit, il le fait tout le temps, et retourna donc recopier quelques passages de ce qui était l'un de ses romans classiques préférés - avec le Rêve dans le Pavillon Rouge, évidemment.

Quelques dizaines de minutes plus tard, donc, alors que midi se profilait lentement mais sûrement, Ryu se leva de nouveau - il ne l'avait absolument pas fait depuis qu'il était parti se rasseoir pour travailler - et alla remettre l'exemplaire de l'Epopée des Trois Royaumes à la gérante du magasin. Le tout avec le sourire, qui faisait naître un homologue sur le visage d'habitude impassible de la bibliothécaire. Il revint ensuite à sa table, et rangea ses affaires, non sans re-vérifier les extraits qu'il avait recopié. Puis, il se leva et alla vers Karme:

" Vous avez une idée de ce que vous souhaitez manger ? Des préférences peut-être ? "

Maintenant qu'il y pensait, il ne pourrait pas faire à manger pour le bibliothécaire. Il avait rendu les clés de son logement de fonction l'année passée, puisqu'il vivait désormais avec le professeur de musique, Himura Takashi-san. Mais à la place, il pourrait emmener Karme ailleurs, il y avait pas mal de bonnes petites gargotes pas loin et bien meilleures que le restaurant universitaire.

" Ah mais au fait, je ne me suis pas présenté ! Je suis Kurosawa Ryûichirô. "

Ca lui faisait encore bizarre de se présenter par son nom japonais, mais au moins les gens ne tiquaient plus. Même si les Chinois et les Japonais étaient deux peuples proches culturellement et géographiquement, il y avait encore pas mal de barrières qui se dressaient entre eux. C'était vraiment dommage...

Karme s’arrêta net. Il avait sourit. A un inconnu qui plus est. Et bien, cela devait être un jour spécial aujourd’hui, il faudrait qu’il fasse une petite croix sur son calendrier. Ce n’était pas tous les jours qu’il rencontrait un professeur, masqué qui plus est, qui l’invitait à déjeuner. En plus de l’avoir poussé à sourire d’un air qu’il espérait n’être pas totalement niais et stupide.

Est-ce que son pauvre cœur incomplet allait tenir le coup ? Honnêtement il n’en était pas sûr. Parler à quelqu’un était déjà assez difficile comme ça. Mais être aussi près d’un homme aussi gentil…il se sentait bizarre. Depuis combien de temps était-il si seul ? Il se renfermait chaque jour davantage, n’osant plus se lier avec quiconque depuis sa mort. Il n’avait jamais voulu l’admettre mais cela faisait plus de trois siècles qu’il faisait son deuil.

Il secoua la tête. Il n’allait pas penser à ça maintenant tout de même. Son visage lui revenait toujours en mémoire aux moments les moins propices à l’introspection. Il fixa son regard sur l’homme en face de lui. Lui il était beau. Son masque ressemblait plus à un accessoire de mode qu’à autre chose. Pourtant il doutait qu’il ne serve qu’à la décoration.

" Oh ça ne me dérange pas le moins du monde. J'ai mes très chers Cao Cao et Liu Bei qui m'attendent pas très loin. "

Cao Cao, Lin Bei ? Il parlait des auteurs des livres non ? Karme rougit, il avait un peu honte mais sur le coup il n’avait pas du tout compris de quoi il parlait. Il baissa la tête, tentant de cacher sa gêne. Comme ça il avait l’air plus jeune, peut être même avait-il l’air innocent. En tout cas ses joues colorées semblaient rappeler qu’il pouvait être mignon, voire charmant. Enfin Karme ne s’en doutait pas bien sûr.

« Très bien. »

Il aurait bien tenté une réponse élaborée mais avait abandonné, laissant le professeur retourner à son travail. Il s’était repris en main et triait les fiches non classées sur son bureau. Il essayait de se donner une contenance mais il sentait que sa réputation de mec intouchable venait d’en prendre un coup. Il espérait qu’aucun étudiant n’avait remarqué son embarras. Du coin de l’œil il observait le professeur, il semblait réellement absorbé par ce qu’il faisait. Il se leva vers midi et rendit finalement ses livres. Karme nota le sourire de la bibliothécaire, elle ne l’aimait pas et c’était réciproque. Un jour elle l’avait même critiqué à cause de son apparence négligée. Il était plus ou moins resté de marbre, mais à la fin il en avait eut marre. Il avait donc lancé quelques piques que la femme n’avait pas appréciées. Depuis ils s’ignoraient le plus possible. Il eut un rictus lorsque le professeur se dirigea vers lui, laissant la vieille pimbêche seule. Oh il avait bien remarqué son air mécontent.

" Vous avez une idée de ce que vous souhaitez manger ? Des préférences peut-être ? "

" Ah mais au fait, je ne me suis pas présenté ! Je suis Kurosawa Ryûichirô. "

En effet ils ne s’étaient pas présentés tout à l’heure, mais il oubliait souvent les règles de politesse les plus élémentaires. Ce qui n’était pas forcément une bonne chose dans un pays comme le Japon. C’était peut être pour ça que la bibliothécaire ne l’aimait pas d’ailleurs.

« Euh…Je n’ai pas de préférence particulière…Ah enchanté Monsieur Kurosawa, je suis Hillevi Karme. En fait je mangerais bien Chinois pas vous ? »

Ah il était passé de son nom à ce qu’il voulait manger, ce n’était pas très distingué non ? Enfin tant pis. Il prit son sac et sa veste sur sa chaise. Il venait d’apercevoir son collègue, un jeune japonais très amical. Il le salua, celui-ci semblait surpris de le trouver avec quelqu’un. Décidément aujourd’hui n’était pas un jour comme les autres.

Ryu n'avait aucune idée de ce qu'il avait pu faire émerger dans le coeur de Karme. A vrai dire, si on lui avait demandé ce qu'il faisait actuellement, il aurait sans doute répondu qu'il agissait comme d'habitude et qu'il ne se passait rien de particulier. C'était tellement naturel pour lui de se préoccuper des autres.

La réaction de Karme après avoir cité Cao Cao et Liu Bei fut très amusante pour Ryûichirô. Il ne s'était pas attendu à ce que Karme connaisse le roman par coeur, mais de là à ne pas connaître ces noms, c'était assez étonnant. Mais Ryu ne se moquait jamais de l'ignorance, surtout quand elle faisait rougir des joues si innocentes. Il ne dit rien : Karme n'était pas là pour entendre un cours de littérature classique chinoise, après tout.
Après avoir inviter Karme à manger et l'avoir enfin laissé travailler - pour travailler lui-même - Ryu resta silencieux durant de longues minutes. C'était quelqu'un de soigneux et de rigoureux, mais également passionné. Il aurait pu rester dans ce livre des jours si seulement son estomac et l'horloge ne l'avaient pas rappelé à l'ordre.

Il se leva donc, passant une main dans ses cheveux de manière machinale, et évitant de toucher son masque, comme pour éviter de penser au fait qu'il existait tout simplement. C'est vrai qu'il était élégant et beau, mais il ne fallait pas oublier qu'il cachait une cicatrice pas très jolie. Le Chinois alla remettre le livre à la bibliothécaire puis revint pour demander à Karme ce qu'il souhaitait manger. Et coïncidence...

" Ah dommage que j'ai pas prévu de bentô pour ce midi alors ! Je mange chinois pratiquement tous les jours... Je suis Chinois. Et chez moi, il n'y a personne pour cuisiner à ma place. "

Ryu sourit joyeusement en pensant aux talents culinaires médiocres de son compagnon. Evidemment, aucun besoin de mentionner Takashi Himura ici, non seulement ce n'était pas les affaires de Karme, mais en plus Ryu n'était pas du genre à avouer en public être homosexuel.

" Je connais un petit restaurant assez accueillant près de la fac. Et vous verrez, la nourriture est succulente ! "

A nouveau, un autre sourire. Ryu finit de ranger ses affaires et se dirigea vers la porte de la bibliothèque. Sûr que le regard des autres étudiants devaient être changé, en voyant Karme partir ainsi avec un professeur pour aller on ne sait où. Les rumeurs allaient certainement circuler, mais ça, non seulement Ryûichirô n'y pensait pas, mais de toute façon ça ne le touchait pas.

Karme enfila sa veste rapidement, cela devait être le seul vêtement bien coupé qu’il possédait. La veste de costume noire alla par-dessus son large t-shirt Iron Maiden. Il avait un certain style, ou plutôt un style assez…décalé qui ne serait sans doute pas passé sur la plupart des gens. Aujourd’hui il avait fait un effort comme il travaillait, il avait donc mis un pantalon noir au lieu d’un vieux jean troué. Et puis il avait mis les seules chaussures normales qu’il possédait.

Il ne fallait pas croire, mais Karme aimait bien les fringues. Il n’avait juste pas beaucoup d’argent pour s’en acheter. Et surtout il cachait son corps maigre sous des fringues informes. Il n’avait toujours pas compris que cela le faisait paraître encore plus frêle. Il n’y avait qu’avec Ludwig qu’il avait porté des habits bien coupés. Bon des livrées de serviteur, mais c’était tout de même de beaux habits. Enfin cela remontait à quelques siècles…

Avec ses cheveux d’un vert fané et son piercing sur la nuque il faisait toujours un certain effet. Peut être pas un très bon effet mais bon il s’en fichait bien. Il salua son collègue, lui remettant les clefs du bureau, puis revint vers Monsieur Kurosawa. Son collègue eut un petit sourire, et s’installa tranquillement observant la scène d’un air amusé. Karme espérait q’il n’était pas en train de s’imaginer des choses. Après tout il allait juste déjeuner avec un professeur dont il avait peut être eut des cours au premier semestre.

" Ah dommage que j'ai pas prévu de bentô pour ce midi alors ! Je mange chinois pratiquement tous les jours... Je suis Chinois. Et chez moi, il n'y a personne pour cuisiner à ma place. "

Ah mince en effet. Peut être qu’il aurait mieux fait de se taire finalement. Il espérait qu’il n’avait pas ennuyé le professeur avec sa demande stupide. S’il mangeait Chinois tout les jours il voulait peut être manger autre chose au restaurant non ? En tout cas il devait vivre seul a priori. Pas de petite femme pour lui faire la cuisine en rentrant.

" Je connais un petit restaurant assez accueillant près de la fac. Et vous verrez, la nourriture est succulente ! "

« …Vous…êtes sûr que cela ne vous dérange pas ? Je veux dire, si vous mangez comme ça tout le temps…ce n’est peut être pas très intéressant d’aller au restaurant exprès pour manger la même chose non ? »

Il avait l’impression d’avoir dit quelque chose de vraiment stupide. Il sentit que son collègue étouffait un petit rire. Il lui ferait payer plus tard…En tout cas il n’avait pas remarqué que Ryûchiro était chinois, bon maintenant il le voyait, il n’avait pas le même type de visage que les japonais. Mais bon pour lui les asiatiques étaient encore assez difficiles à distinguer. Il avait passé une bonne partie de sa vie en Europe et en Amérique il fallait dire.

Il baissa la tête un peu gêné, il sentait qu’il rougissait. Il fit comme si de rien n’était et se dirigea vers la porte. Il n’avait pas envie de se compromettre encore plus devant les élèves. Ou son très cher collègue qui paraissait très amusé par la tournure des évènements. Il ouvrit la porte, se tournant vers le professeur, comme une invitation muette à sortir

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