Pensées nocturnes

Ayame commençait à en avoir sérieusement ras le bol. Ses transformations étaient beaucoup trop nombreuses à son goût, ces derniers temps... Bien heureusement, la fréquence de celles-ci ne semblait pas avoir encore augmenté ces dernières semaines, mais ça ne l'empêchait pas de soupirer après feu son rythme de vie de ces derniers trois ans, pourtant loin d'être tranquille. Rythme de vie qui semblait avoir évolué de façon irréversiblement contraignante il y avait peu. Ca faisait déjà plusieurs heures qu'elle était montée là haut, sur le toit, et qu'elle s'était posée par terre à attendre que son corps veuille bien retrouver l'apparence qui lui convenait. Elle avait commencé par broyer du noir coincée entre quatre murs et une cuvette de chiottes, mais vu son moral du moment, elle avait vite compris que la journée se finirait par un suicide par noyade si elle restait trop longtemps enfermée là-dedans. Alors elle avait pris toutes ses affaires dans son sac, elle avait attendu la fin d'un intercours, puis s'était furtivement barrée jusqu'au toit, où elle avait alors pu se poser et déprimer en toute sérenité...

Déprimer, oui. Déprimer sec. Depuis quelques semaines, Ayame allait mieux. Elle s'était remise de l'annonce faite par son père, au sujet de sa mère, mais voilà. Hier, elle avait passé l'arme à gauche. Et quoi qu'Ayame s'y fut préparée depuis le temps, la nouvelle avait été dure à avaler. Voir sa soeur dans tous ses états n'avait pas grandement arrangé la situation, et... Sa soeur, oui. Elle aussi lui causait des problèmes... Cette dernière avait demandé à être la coloc d'Ayame... Ce à quoi Ayame avait du farouchement s'opposer. Sa soeur n'avait pas compris, et s'était ensuivi un froid désagréable entre elles deux, mais... Elle ne pouvait faire autrement! Ayame ne pouvait se permettre d'avoir de voisine de chambre, à cause du secret qu'elle cachait. Et rien que pour compliquer les choses, sa trèèès chère cadette semblait ne pas vouloir lâcher le morceau. Fallait voir comment cette histoire allait se terminer...

Bref. Avec tout ça, cette nuit, Ayame n'avait quasiment pas dormi. Et aujourd'hui, elle se tapait une crise, alors que tout allait déjà si mal. Elle avait le moral plus bas que terre, mais du moins elle commençait à y être habituée. Si l'on faisait fi de ses débuts de cernes et de la rougeur caractéristique de ses yeux, on ne voyait à travers l'air mal luné qu'elle arborait que l'Ayame habituelle, tête de cochon mal embouchée... En version légèrement beaucoup plus masculine, certes. Et en version à moitié endormie, aussi, du fait qu'elle poireautait sur son coin de toit depuis un sacré bout de temps maintenant. Elle avait vu le crépuscule tomber, puis la nuit le remplacer d'un voile noir assez peu propice à lui éclaircir les idées. Maintenant, le ciel était d'encre, à l'exception de la lune et de la nuée pailletée d'étoiles que les nuages ne cachaient pas ce soir, par chance... Par chance ouip. Ca faisait ça de moins de glauque dans le paysage, et ça de moins pesant sur l'esprit d'Ayame. Un vent léger passa soudain, plaquant quelques uns de ses cheveux sur son visage. Elle frissonna, et retira les mèches sans-gêne. L'instant d'avant, ses pensées à peu près aussi pratiquables qu'un bol de soupe rempli de pain détrempé, elle était quasiment assoupie. La conscience de sa propre existence lui revint d'un bloc, tout comme la conscience de sa présence physique... et contrariée de n'avoir toujours pas changé de forme, elle passa une main contre son front, soupira, et secoua les cendres pendouillant au bout de son actuelle clope. Cette dernière avait bien failli s'éteindre, le temps qu'elle rêvasse puis recouvre ses esprits. Elle l'approcha de ses lèvres, en tira une longue bouffée, qui n'avait d'ailleurs rien de réconfortant, puis elle laissa choir son épaule contre le mur; abandonna son corps dans l'angle que formait ce dernier... En fait, rien ne pressait. Elle était bien, là, et n'avait pas envie de se barrer. Coincée comme elle l'était entre ses deux bouts de murs, bien en retrait, personne ne viendrait la déranger. Même elle pouvait, dans ces moments là, apprécier de rester en tête à tête avec ses propres pensées...

La nuit était belle et douce, enfin pour Wraith, il avait réussi à se chopper un canard bien frais, et après l'avoir becqueté il sétait nettoyé et avait grimpé le long du batiment pour rejoindre son ami... le professeur de chinois. C'est donc un Wraith bien toiletté, le poil brillant et le peingoire volé et trop petit en guise de cape. La créature se retrouva sur la rambarde et sauta lestement par terre juste devant son humain ami. Il le regarda un long moment et vérifia ce long manteau. Il était pas mal... mais moins brillant que le peignoire...
Wraith fit un sourire grognant et glissa sa main sombre sur la joue de Wang.

- Bonsoir... Wang. Comment allez-vous en cette nuit ? Je suis content que tu sois venu."

Wraith lâcha le viage de l'homme et le serra vivement entre ses bras. Il était content, car il avait un ami, il était plus seul la nuit. L'homme de l'homme s'assit sur la rambarde et regarda son ami de ses yeux blancs.

- Encore triste aujourd'hui ?"

Tout en posant cette question, la créature nocturne leva le nez vers le ciel afin de regarder sa mère avec un regard doux. Son nez se retrousa, il avait l'impression de... snif snif snif... de sentir un autre parfum. Mais ce n'était pas important, il voulait tout savoir sur Wang !

Preuve qu'Ayame était vraiment à la masse, elle ne capta qu'au tout dernier moment que quelqu'un arrivait sur le toit. Résultat... Elle sursauta un bon coup, avant de se rendre compte que ce n'était peut-être pas un moyen super top de passer inaperçue. Or, elle comptait bien passer inaperçue hein... Elle n'allait tout de même pas se montrer sous cette forme, qu'importe qu'il fasse nuit ou pas! Tout d'abord, elle ne reconnut pas la silhouette de l'homme qui avançait sur le toit, pour s'appuyer contre la rembarde de ce dernier. Le manteau était trompeur, cela dit, au bout d'un instant à l'observer, elle se rendit compte qu'il lui disait quelque chose, dans l'allure... Et enfin elle cala. Ah! C'était le prof de chinois, Wang... Pas très étonnant de le voir ici à cette heure en fait. Lui non plus n'allait pas très bien. C'était à croire que le toit de l'école, la nuit, était le point de rendez-vous de tous les dépressifs à trois kilomètres à la ronde... Enfin. Elle s'était affolée pour rien. Wang savait déjà tout à son sujet, depuis cette entrevue très involontaire qu'elle avait eu avec lui, le jour même où elle avait appris la maladie de feu sa mère. Il n'empêchait qu'elle était très loin d'être proche de lui hein. En plus de ça, elle avait envie qu'on lui foute la paix. Envie de somnoler dans son coin, et d'oublier tout ce qui la troublait. Hors de question, donc, d'aller taper la causette avec Wang, qui de toutes façons devait être à peu près dans le même état d'esprit qu'elle, vu qu'il était venu s'isoler ici.

Elle expira donc un instant, ferma les yeux, et posa sa tête contre le mur. Mais pas longtemps, ou tout du moins bien moins longtemps qu'à ce qu'elle avait prévu. Elle avait entendu quelques pas furtifs, qui l'avait étonnée, puis... Une voix. Une voix franchement bizarre, et qui était loin d'appartenir à Wang, ça elle pouvait l'affirmer. Il attendait quelqu'un? Et quelle drôle de... Hein? Du moment où elle rouvrit les yeux, ces derniers s'écarquillèrent de surprise, pour se poser sur un... Un quoi? Un truc qui tenait compagnie à Wazng en tous cas! Le dit truc n'était pas d'allure très rassurante, et par réflexe irréfléchi, elle manqua bien de s'élancer sur le prof pour l'éloigner au possible de la créature, lui dire de faire attention, sauf que... Voilà. Elle eut heureusement l'esprit assez vif pour constater qu'il était très loin d'avoir l'air effrayé, à croire qu'il connaissait déjà ce... Cette... Personne? Si l'on pouvait dire... Bouche bée - limite à en baver par terre... - ce n'est seulement qu'à ce moment qu'elle se mit à réfléchir. C'était quoi ça? C'était pas humain, non? Mais...! Wang le lui avait bien dit! Qu'elle était stupide! Elle n'avait même pas tilté!

Le jour où il avait découvert tout sur elle, elle lui avait posé quelques questions, et avait appris de ce fait que Wang connaissait une seconde personne un peu... étrange. Bien sûr, il était tenu au secret, et Ayame n'avait pas pu en savoir plus, cela dit maintenant, tout s'éclairait! Et ça pour être étrange, le compagnon du prof était plutôt étrange, oui... C'était même un euphémisme. Curieusement, elle qui habituellement se foutait pas mal de blesser les autres ou d'être irrespectueuse envers ces derniers avait vraiment l'impression d'être là... Ou elle n'aurait pas du. Elle captait une conversation privée, et elle venait de voir des trucs qu'elle n'aurait jamais du voir. Elle même n'aurait pas aimé qu'il se passe le contraire... Que cette créature, qu'importe la situation, la voie se transformer sans qu'elle ne soit au courant. Cela dit que faire? Elle avança sa clope jusqu'à sa bouche, pour en aspirer une loooongue bouffée. Elle avait été tellement surprise que ses voies respiratoires lui semblaient maintenant libres comme l'air, et une angoisse glaciale s'insinuait lentement le long de son échine... Devait-elle s'en aller, soit les prévenir de sa présence, s'excuser, se barrer? Faisait-elle mieux de les laisser tranquilles, et de ne pas bouger? Elle était tellement interdite qu'elle ne savait même plus que penser. De ce fait, pour l'instant, elle attendait. Non pas de connaître la suite, hein... Juste de se remettre de ses émotions. Elle se redressa un peu, soudain nettement moins fatiguée, ou endormie. Ca alors... Elle ne pouvait s'empêcher de fixer la créature. Il y avait vraiment d'autres trucs étranges à Hokubu, après tout... et encore plus étranges qu'à ce qu'elle aurait cru.

Shelong était comme d'habitude, posté à un endroit précis du toit, à une heure pas trop tardive pour ne pas écourter la nuit, mais pas trop tôt pour ne pas être vu. Même si le chinois doutait que beaucoup d'étudiants ne dorment à minuit. La grande majorité devait certainement gruger les règles des pavillons pour s'en donner à coeur joie. Evidemment, Wang était à cent lieues de penser à des trucs comme ça. C'était répugnant.

Il n'eut pas à réfléchir longtemps sur rien du tout en tripotant la boite bleue dans sa poche, puisque Ryuhei apparu devant lui. Il avait pris l'habitude de grimper et de passer la rambarde, cela n'étonna pas Wang. Ce dernier rendit son sourire à la créature, version humain cela dit, et répondit non sans une certaine tristesse:

" Bonsoir Ryuhei. "

Puis, il se laissa enlacer, chose qu'aucun humain ne pourrait faire à Wang sans que ce dernier ne ressente une pointe de dégoût. Avec Ryuhei, il s'y était habitué. C'était naturel, et sain. Aussi absurde que ça pouvait paraître, enlacer Ryuhei, pour Wang, c'était comme danser collé serré avec une belle lesbienne. C'est agréable, surtout parce qu'on sait que ça n'ira jamais plus loin.

Shelong fut tout de même libre après quelques secondes, et sourit amèrement à la question de Ryuhei. Il ne répondit pas tout de suite, comme pour laisser au vent le temps de s'engouffrer dans ses cheveux, et de les faire paraître encore plus brillants sous la lune.

" Oui. Rien ne va plus, c'est définitif. Desfois je me dit qu'ils peuvent tous crever, j'irais pas les revoir... " Il soupira bruyamment. " Fait pas attention, va... ça ira mieux après. Ah, j'ai quelque chose pour toi. "

Wang sortit alors la boîte bleue de sa poche et la tendit, fermée, à Ryuhei. Elle contenait une broche d'environ trois centimètres, en argent. Un croissant de lune, évidemment. D'ailleurs, Shelong s'attarda un moment sur la tenue de Ryuhei:

" Tu sembles vraiment l'aimer ce peignoir... Je pourrais demander à ma mère de m'en envoyer d'autres, si tu aimes tant la soie. "

Ouais, Shelong retournait en adolescence, ou plutôt se construisait l'adolescence qu'il n'avait jamais eu. Aux environs de ses douze ans, il était brutalement passé d'enfant à adulte, encore qu'il était réputé pour être un enfant calme. Très calme. Un peu trop peut-être. Il avait toujours eu pour habitude de tout prendre sur lui, d'être toujours posé, et pondéré. Peut-être qu'à trente ans, il allait enfin lâcher la bride. Sans mauvais jeu de mots...

" Alors, quel est le dernier livre que tu aies lu? Je pourrais peut-être t'en prêter d'autres, si tu veux... "

Long n'avait absolument pas remarquer la toute petite volute de fumée venant de l'autre côté du toit. De là où elle était, Ayame ne pouvait peut-être pas tout entendre de la conversation, mais c'était certain qu'elle pouvait constater que l'Autre était devant elle. Wang n'aurait certainement pas apprécié de la savoir ici. C'était pire pour lui d'imaginer se faire surprendre en plein acte dégoûtant avec la garce qui lui servait de femme. Ces nuits sur le toit était un moment privé, privilégié. Ryuhei était son seul véritable ami, et le fait qu'il n'était pas humain y était en fait pour beaucoup. Ryu était plus direct, plus simple, sans pour autant être complètement inculte. L'ami idéal pour quiconque avait perdu confiance en l'humanité.

Le géant lâcha le ciel étoilé quelques instants du regard... Wang semblait triste, encore aujourd'hui. Il se demandait ce que pouvait avoir le professeur de chinois, pour lui, une chose était sûre, l'être humain semblait se préocupper de tout et n'importe quoi et surtout de plein de futilités. Son sourcil droit s'arqua, sous les mots lancés par le brun. Crever, ça ne lui ressemblait pas. Non, pas du tout ! Wang n'était pas du genre à s'abaisser à dire ce genre de mots. Ryuhei s'approcha puis regarda la boite bleue. Pour lui ? Un... cadeau ? Sa main attrapa la boite et l'examina attentivement, la boite était belle, douce et elle sentait le parfum de Long. D'ailleurs ça lui faisait penser que l'autre parfum semblait s'être avancé puis avait à nouveau disparut dans le vent. Il serra la boite, un peu nerveux et l'ouvrit fixant son contenu avec interet.
Lune... la créature releva le visage vers Wang pour lui sourire de toutes ses canines.

- Merci ! Les mots de Wang ne lui ressemblent pas. Je ne sais pas ce qui t'ennuie... mais je peux... peut-être t'aider."

Lui faire tout oublier, ses ennuis, tout, pour qu'il ne soit plus triste... Ryuhei s'approcha du chinois et baissa la tête pour le regarder dans les yeux. Ses mains glissèrent dans la chevelure brune et il le serra possessivement.

- Ca brille, notre mère semble beaucoup aimer ce tissu..."

La créature grogna alors qu'elle voulu répondre à la question posée pas Long et lui avouer son angouement pour Kant, -bien qu'il n'en ait pas tout saisi-, ses yeux blancs vitreux se posèrent sur la forme derrière eux. Son corps trembla nerveusement et ses griffes s'allongèrent encore cachées par la longue toison brune. Cette chose... Un autre parfum, un autre humain... Sa gorge envoya un grognement sauvage et il poussa Wang derrière lui, comme si cette présence pouvait menacer le professeur de chinois lui aussi, en sortant les dents. Le Wraith était maintenant à quatre pattes par terre, ses griffes tintant contre le sol, et la boite bleutée lachée dans précipitation, gisait à côté de sa pattes arrière droite. Wraith était prêt, si la personne bougeait, il lui sauterait dessus.

- HUMAIN !"

Ca pas de problème, Ayame n'allait pas bouger, même si elle avait pensé à le faire quelques instants plus tôt... Il était vrai que de loin, elle n'entendait pas grand chose de la conversation qui avait lieu à l'autre bout du toit... Tant mieux d'un côté! Cela dit, elle en apprenait déjà un peu trop à son goût. Ayame avait énormément de défauts, mais le voyeurisme n'en faisait pas partie. Elle en apprenait sur Wang, et sur le genre de problèmes qu'il pouvait avoir; peut-être ceux là même qui lui avaient fait débrancher le téléphone la dernière fois; et elle en apprenait sur sa relation avec cette... créature. A vrai dire, Ayame était perplexe. Elle ne savait pas comment la décrire. Ca semblait si peu humain qu'elle avait du mal à la considérer comme une "personne", et pourtant, elle s'en voulait... Genre si elle s'était transformée en machin de ce genre au lieu de se transformer en homme, suite à sa mésaventure d'il y a trois ans, elle aurait été contente qu'on la traite de truc ou de "créature", hein? Non pas trop... Alors mieux valait peut-être faire taire ses élans premiers. Elle qui était la première à souffrir de ses "spécificités" était très mal placée pour réagir avec aussi peu d'ouverture d'esprit.

N'empêche que ça ne se faisait pas de rester dans son coin, là, pendant que les deux autres se croyant seuls continuaient de discuter innocemment, a propos de peignoirs, de livres, de trucs qu'elle n'entendait qu'à moitié. Elle était prête à se lever pour aller s'excuser - si si, S'EXCUSER, miracle - auprès de Wang et de son ami, lorsque soudain... Le dit ami sembla détecter sa présence. Woops là! C'était pas drôle de se faire pincer comme ça, là... Pas drôle du tout même. A quoi Wang et... l'autre "personne" allaient-ils penser, hein? Cette idée du l'inquièter quelques paires de secondes, avant qu'elle ne se mette à se faire bien plus de soucis pour sa propre peau. La bête avait poussé Wang derrière elle, sortit les griffes, et s'était mise à lui hurler dessus, menaçante... Oh putain! Ayame était loin d'être une trouillarde, et d'ailleurs elle n'avait que très peu souvent peur, mais là... C'était différent. Elle manqua d'en lâcher sa clope, et sursauta nerveusement, pour pâlir comme un linge tout en écarquillant des yeux qu'elle aurait sans doute souhaité avoir moins effrayés, si elle n'avait pas eu autre chose à penser. Alors là... alors LA, c'était flippant! Super flippant même! Il ne lui avait pas fallu plus de deux secondes et demi pour se mettre à avoir des sueurs froides, et pour inconsciemment coller son dos bien fort contre le mur derrière elle, comme si elle avait souhaité s'y encastrer, ou le traverser. Autant dire qu'elle était complètement immobilisée, la peur de se faire bouffer, arracher les tripes et que savait-elle encore la tenant bien tranquille. Au bout de quelques instants, elle réussit cependant à ouvrir la bouche... Pour émettre un très léger rire nerveux, qui lui-même parvint à détendre suffisamment son larynx pour qu'elle puisse... Essayer de parler. Mais alors là, fallait faire super gaffe à ce qu'elle racontait, sinon dieu savait dans quel état elle allait finir la soirée...

"Euuuh... Humain? Ah bah au moins ça fait plaisir de te... de vous l'entendre dire hein... Mais vous savez, je suis désolée de vous surprendre en pleine discussion tout ça, mais le toit est un lieu public, j'y campe depuis la fin d'aprem, alors n'allez pas croire n'importe quoi hein?!"

De se montrer sous cette forme devant une "personne" de plus ne lui faisait étrangement plus aucun effet... Sans doute la conséquence de sa pensée entièrement tournée vers le cher ami de Wang, dont les ongles semblaient décidément parfaitement manucurés, hahahaa... gulps. N'empêche que, si elle ne le savait pas, elle n'avait plus grand chose d'humain que l'apparence et la mentalité. Semi-truc fusionné raté conviendrait mieux à ce en quoi elle avait été changée lors de sa première année à l'université.

Wang s'était bien sûr habitué aux calins compulsifs de Ryuhei, même s'il n'en était pas forcément très friand. Le chinois n'était pas du genre tactile, surtout depuis quelques temps. Cela dit, comparer Ryu avec Lina, ç'aurait été une grande insulte pour l'innocente créature de la lune.

Shelong eut un petit sourire en entendant la réponse de Ryuhei, mais secoua la tête en signe de négation.

" Je doute que tu puisses faire quelque chose... Et si tu parles de m'effacer la mémoire, j'ai bien peur que ça n'arrange rien, au contraire. "

Long sourit à nouveau, un peu moins triste. Bien sûr, Ryuhei pourrait peut-être aider une étudiante affublée d'un léger problème de genre, mais ça, Wang l'avait oublié. Du moins sur le moment. Ca pouvait arriver à n'importe qui, non? De toute façon, Wang n'eut pas le temps de penser à autre chose qu'il se voyait déjà repartir dans les bras accueillants de Ryuhei. Ce que lui dit alors son ami le fit tilter. 'Notre' mère? Alors c'était comme si le Wraith considérait le professeur comme un des siens? Shelong en fut plus touché qu'il ne le montra, mais bien vite, cette reconnaissance fit place à de l'inquiétude. Que se passait-il?

Ryu grogna et le plaça derrière lui, comme pour le protéger d'un danger imminent. Wang fronça les sourcils, et regarda là où les yeux de Ryuhei s'étaient posés. Un humain, disait-il? Et quelle ne fut pas la surprise du chinois en voyant qu'il ne s'agissait que d'Ayame, version homme, encore une fois. Wang s'avança, et s'agenouilla près de Ryuhei pour poser une main apaisante sur son épaule, alors qu'Aya parlait.

" Ne lui fais pas de mal, de toute façon... je voulais t'en parler. "

Bah oui, maintenant ça lui revenait ces histoires de transsexualité démonialement imposée. Shelong se releva et lança à Ayame d'une voix qu'il voulait rassurante.

" Tu es encore restée toute l'après-midi sous cette forme? "

Puis, il demanda d'une voix beaucoup plus douce, à Ryuhei:

" Ryu, tu as une idée de ce qui pourrait faire qu'une fille se transforme en garçon sans qu'elle le veuille ni qu'elle puisse le contrôler? Et sans raison apparente, en plus. "

Voilà, la question avait été posée, mais il sera assez dur de convaincre Ryuhei de ne pas effacer la mémoire d'Ayame. Au final, Wang se demandait vraiment si ce n'était pas mieux de la lui effacer. Il ne savait pourquoi, mais si Ryu faisait cela, il en serait soulagé.

L'humain ne bougea pas, ou pluôt recula, avait-il peur pour sa vie ? Wraith n'avait jamais tué d'humains, enfin pas encore, mais peut-être le devrait-il un jour, il était parré à cette éventualité. Plutôt eux que lui ! L'instinct primaire de survie affublé d'une haine encore bien présente. Car dieu avait choisi l'humain plutôt que son premier essai raté. Le Wraith s'était retrouvé plongé dans les ténèbres et oublié face à ces créatures qui ne lui inspirait rien d'autre que de l'aversion. Enfin, sauf Wang, mais Wang était un humain spéciale, peut-être le seul de son espèce à ne pas avoir réagi comme tout les autres... en le voyant. Wraith l'avait adopté, Wraith commençait à le regarder en égal, un Wraith et un humain, amis, se retrouvant la nuit sur le toit à discuter de tout et de rien, de lecture et de philosophie. L'esprit du professeur de litterature s'affinait lentement, il était vrai, Ryuhei pêchait ça et là sur la complexité de la psychologie humaine, mais il commençait, il commençait à la comprendre réellement, et non à ressortir le contenu d'un livre appris par coeur pour combler son ignorence...
Mais ce soir, quelqu'un d'autre avait vu, quelqu'un d'autre était au courant, pour lui. Il fixait toujours du regard la personne de l'autre côté du toit, alors que Wang s'approchait de lui pour lui parler.

- M'en... Parler ?"

Wang connaissait l'autre humain ? L'avait-il trahi ? Son regard d'animal apeuré encré sur le visage, Wraith poussa le brun vivement lorsqu'il l'entendit apeller l'autre humain par son nom et il sauta sur la rambrade en posant un regard haineux sur Shelong.

- Tu as trahi... C'était un secret, notre secret, et toi tu me trahis ?"

La créature secoua la tête, elle ne savait pas, et puis elle s'en fichait comme de sa première proie ! Tout ce que ces yeux blancs voyaient c'était un humain, et les problèmes des humains étaient les leurs, pas les siens. Il n'aimait pas les humains, pourquoi les aider ? hein ? pourquoi avoir fait confiance à Wang, il le savait... les humains étaient tous pareils. La créature sembla s'attrister, ça lui faisait mal.... avait-elle donné trop de crédit à Wang ? Avait-elle oublié le sang qui coulait dans les veines du brun ? Ses congénères l'avaient pourtant prévenu. Les humains ne savaient pas tenir leur langue, heureusement qu'il avait effacé de la mémoire du chinois toutes relations entre Wraith et Mr Kin'shak... Que serait-il advenu de lui, hein ?
Ryuhei enfonça ses griffes dans la rembarde faisant un bruit strident, son regard passa d'Ayame à Long rapidement et il répliqua sèchement.

- Je me fiche de ce qui peut arriver aux humains ! Les Walls ne sont pas vos amis, ils ne le seront jamais. Finalement, Long, tu es comme tout les autres... Tu croyais vraiment que j'offrirais mon aide à lui ? NON ! NON et NON ! Il pourrait bien se transformer en cochon volant que je m'en ficherais !"

Les yeux blafards glissèrent sur Ayame l'observant avec attention. Aux premiers mouvements d'un des deux humains, Wraith sauterait dans le vide pour s'enfuir loin du toit. Et ils pourraient toujours essayer de lui tendre un nouveau piège, il ne reviendrait... jamais !

Ayame avait les jetons... Mortellement. Elle avait tellement peur qu'elle était persuadée que rien n'y pourrait changer à l'heure actuelle, et tant que... L'ami de Wang, appellons le comme ça, la menaçait. Wang avait beau dire ce qu'il voulait à la créature... Ce n'était pas pour la rassurer pas du tout. Et si cette ... personne avait un caractère à la con, un peu du genre du sien, hein? Lorsque ses amis lui déconseillaient de faire quelque chose, elle ne les écoutait pas les trois quarts du temps, alors preuve que ça ne voulait rien dire... Elle n'entendit que distraitement la question du chinois, et y répondit à peu près aussi distraitement, sans quitter des yeux la "Créature". N'ayant aucun nom à lui donner, elle ne pouvait que l'appeller comme ça.

"Euh... Ouais. Tout l'aprem sur le toit, c'était la fête..."

Ah... Et Wang de remettre sur le tapis les problèmes de genre qu'Ayame rencontrait depuis quelques années. C'était vrai... Il avait dit qu'il en parlerait à sa connaissance, voire si cette dernière ne saurait rien à ce sujet, Ayame avait presque oublié. Et surtout, elle trouvait la question posée par le prof à la Créature, visiblement nommée Ryu-quelque chose, quelque peu incongrue en la situation. Visiblement, à en croire la réaction du dit Ryu, elle n'était pas la seule. Et elle eut du mal à comprendre de suite ce qu'il se passait... Les choses prenaient une tournure vraiment bizarre. Elle se faisait menacer, Wang calmait le jeu, et maintenant... Son copain semblait faire un caca nerveux. Trahir? Pas l'ami des humains? Ne pas lui offrir son aide? Houlàààà... Elle leva un sourcil, et en resta pantoise. C'est que ça semblait compliqué, tout ça. L'ami que s'était dégotté le prof semblait un peu particulier, voire à prendre avec des pincettes. Et les pincettes Ayame avait comme l'impression de s'être assise dessus et de les avoir complètement pêtées. C'était un peu injuste sâchant qu'elle n'avait au final rien fait, et que Wang non plus, mais enfin... C'était la vie!

Comme quoi... On peut se tromper. Elle qui pensait ne pas pouvoir contrôler sa trouille avant le départ du dénommé Ryu-truc fut détournée de son appréhension infiniment plus vite que prévu, et tandis que d'une manière qui l'irrita un peu, elle se mettait à culpabiliser... Elle avait foutu la zizanie sans le vouloir, yipiiii... D'une manière ou d'une autre, que ce soit volontaire ou non, elle avait foutu le bordel oui... Il était donc naturel de réparer. Il y avait un gros quiproco, là. Avant de ne plus pouvoir démêler tout ça, il fallait prendre le taureau par les cornes. Genre de trucs qui faisait partie de ses spécialités, ça tombait bien... Elle prit donc son courage à deux mains, et s'administra de belles claques mentales, pour se remettre les idées en place. Elle parvint à faire disparaître la peur, dans ses yeux, et à la remplacer par un peu de pêche, dont elle aurait bien besoin. Il fallait qu'elle s'exprime avec aisance et clareté... Ok. Allons-y! C'est donc avec calme et pondération qu'elle posa chaque mot, histoire d'être sûr que ça imprimait bien:

"Euuuh... Bon. Ca commence à ressembler à un scénario sorti des feux de l'amour là, ça a tendance à m'énerver... Soyons clairs: le professeur Wang a trahi personne. C'est juste un prof, et moi une élève... D'accord? Il a découvert mes problèmes complètement par hasard, mais il ne m'a strictement rien dit à propos de vous. La seule chose que j'aie appris c'est qu'il connaissait une "autre personne un peu spéciale", qui pourrait peut-être en savoir plus sur ce qu'il m'arrive... Voilà!"

Elle avala sa salive... Autant continuer à clarifier les choses... Ayame détestait se trouver empêtrée dans des affaires pareilles, breuh! :

"... Il ne comptait pas me parler de vous. Il comptait juste vous parler de mes... problèmes, car ceux-ci n'ont justement rien d'humain, et que vous sembliez être plus à même d'y apporter une potentielle réponse que quiconque... Comprenez bien qu'à ce sujet, je n'ai personne vers qui me tourner. C'est plutôt charitable de sa part... Vous le lui reprochez?"

Puis... De parler l'ayant un peu remise à l'aise, et échauffée, elle haussa les épaules, et porta sa clope à ses lèvres, pour tirer une réconfortante bouffée de fumée... Elle espèrait qu'avec tout ce qu'elle venait de raconter elle n'allait pas énerver la créature, et se faire trucider...

"Enfin. Cela dit si vous ne voulez ou ne pouvez pas m'aider, c'est rien, je... me transformerai en cochon volant, et j'irai voir ailleurs histoire de vous laisser tranquilles, vu qu'il semble que j'aie mal choisi mon soir pour squatter le toit du bahut. Je suis désolée d'en avoir vu plus que je n'aurais du mais je pouvais pas prévoir..."

... Malin de parler comme ça, Ayame, tiens... Autant lui dire de te liquider tout de suite, au Ryu-chose! Enfin... Elle espérait vivement qu'il n'en arriverait à de telles extrèmités, parce qu'elle se voyait vivre un peu plus longtemps que ça quand même. En soucis, déprimée, oui. Suicidaire... Nan, pas encore.

Oui, les humains étaient méchants, ils chassaient et tuaient même sans vouloir manger. Voilà ce qu'était les humains pour Wraith, des créatures sanguinaires sans foi ni loi, des espèces de choses qui, soit disant pour le bien de l'humanité orchestraient des tueries d'animaux, de démons gentils ou mauvais, ça ne les importaient même pas ! Quelle race pouvait tuer sa propre chaire ? Il ne viendrait jamais à l'idée d'un Wraith de manger son prochain, c'était... impossible...
C'est sûrement à cause de cette particularité néfaste que les Wraith ayant mangé de la chaire humaine devenaient fous... sûrement contaminé par la folie des humains.
La créature sombre inclina la tête face aux propos d'Ayame. Qu'était-ce les feux de l'amour ? Un truc d'humain ?

- C'est quoi feux de l'amour ?"

Bon... même si après cette tirade Wraith semblait s'être calmé, il resta immobile encore un peu, incapable de descendre de son perchoir, incapable de rejoindre Wang qui semblait... encore pleurer ? Pourquoi, pourquoi les humains pleuraient ? Son indexe glissa sur son menton quelques secondes essayant de se remémorer la réponse à cette grande question. Tristesse ? Oui, ça avait un rapport avec une émotion négative... quelque chose comme ça. Si les Wraith étaient d'un naturel méfiant, ils étaient aussi très curieux. C'est pourquoi la créature accorda encore un peu de son attention à Ayame.

- Pas... humain ?"

Ryuhei se redressa afin de mieux voir l'autre humain. Il n'y connaissait rien en humain, en pas humain non plus. Les Wraith restaient ensemble, les Wraith ne parlaient à personne d'autres, pas même aux créatures du chaos qui glissaient dans la nuit. Personne ne faisait attention aux Wraith, personne et les Wraith ne faisaient attention à personne... La créature secoua la tête en grognant.

- Pourquoi je saurais quelque chose ? Les Wr... Wall ne connaissent rien du tout à tout ce qui touche autre chose qu'eux et leur mère la lune. Vous avez peut-être attrapez un sortilège ou je ne sais quoi, cette école est bourrée de choses étranges, mais, moi, je ne peux rien dire, ni vous aider... Il y a sûrement d'autres personnes, ici, qui le pourront... certains de mes él.... de mes... mes... ICI, Y'A PLEIN de gens pas humains, pourquoi moi ? Hein ?!"

Un grognement sec s'éleva, Wraith perdait patience, à force de parler il allait se faire avoir ! Pourquoi ne savait-il pas mieux mentir ? Pourquoi ne savait-il pas mieux travestir la réalité ? Il sauta à terre et griffa le sol, avant de tourner son regard vers Wang.

- Si j'ai accordé ma confiance à toi, il n'en ai pas de même pour les autres... Les Wall ne peuvent rien aux histoires des autres. Un Wall ne s'approchera pas des humains, alors aucun Wall ne leur fera de mal. Si un Wall avait fait quoi que ce soit à l'autre humain j'aurais peut-être pu... mais ce qui n'est pas Wall ne peut être compris ou annulé par nous. Certains de tes élèves en sauront plus sur ça que moi... je ne suis qu'un Wr... Wall ombre de la nuit, mon seul pouvoir est l'amnésie..."

L'humanoïde s'approcha de Wang et l'attrapa dans ses bras. Il avait l'air étrange, avait-il mal, pourquoi avait-il du mal à respirer ? La créature resta longuement perplexe à étudier le comportement du brun puis, elle leva la tête vers Ayame et...

- Il a quoi ?"

Ayame s'était finalement tue, après sa tentative de sauvetage de relation improvisée, et s'était alors sentie un peu bête... Quelle situation incongrue! Wang qui semblait effondré de la réaction de son ami pas très très humain, mais genre effondré de façon exagerée à un point tel que cela semblait anormal... Puis le dit ami, qui lui même possèdait un comportement... Assez destabilisant. Pour Ayame, du moins. La bonne nouvelle, c'est qu'il semblait que Ryu-machin se soit un peu calmé... Ayame était-elle parvenue à le toucher, de ses mots? Heeeu... Vu les réponses de la créature, elle en doutait un peu... Cela dit, elle avait tout simplement énormément de mal à le cerner. Il était étrange, au delà de toute... De toute humanité, oui. Comme si il lui manquait beaucoup de notions à ce sujet. En fin de compte, lui et Ayame n'avaient vraiment aucun point commun, si ce n'est celui de sortir chacun à leur manière de la normalité. Silencieusement, elle le fixa. C'était un sentiment tout à fait étrange... Mais elle n'avait plus peur. Elle était juste fascinée. Alors, elle l'écoutait très attentivement, ne prêtant que peu d'attention au prof de chinois. Manque d'attention qui n'était pas tout à fait innocent, ok, avouons le... Face à telle chose, elle ne pouvait être que désemparée, et plutôt embarassée... Elle avait pas appris la compassion à l'école, ni d'ailleurs la méthode du bon petit samaritain pour consoler son prochain. De toutes façons, l'aurait-on vu consoler quiconque? Non... Fallait pas déconner. C'était pas son truc, point.

En silence, elle écouta donc Ryu-truc parler de... Wall, de mère Lalune et d'autres trucs qu'au final elle ne comprit qu'à moitié. Ce qu'elle avait capté, cela dit, c'était que la créature en savait un peu plus qu'elle sur Hokubu. Plein de gens pas humains ici? Ses yeux s'écarquillèrent légèrement. Il y en avaient d'autres alors...? Eux aussi alors devaient bien se cacher, car même en essayant de prêter attention au moindre comportement bizarre, de la part d'untel ou d'un autre, Ayame n'avait jamais rien calé. Et... Bwarf. Au final, ça n'arrangeait rien à sa situation. Elle pourrait toujours essayer avec un peu plus de vigueur et d'attention d'en trouver un "autre"... Mais après? Elle allait lui réveler son secrets, ils allaient se marier, et avoir beaucoup d'enfants à cornes et yeux jaunes? Ouais nan... Fallait pas être naif. La vie, ça ne marchait pas comme ça. Elle avait plus de chance de voir son secret révelé au grand jour en se comportant comme ça... Que quoi que ce soit d'autre. Mieux valait se reconcentrer sur Ryu-bidule, et répondre à ses interrogations, quand bien même ce n'était pas à elle qu'il parlait. Il semblait s'énerver à nouveau, un petit peu... Ce n'était pas Wang qui était en état de répondre intelligemment, et Ayame n'ayant aucune envie de se retrouvée charcutée, ou de voir Wang sauter du toit de détresse, elle tenta de calmer le jeu; de s'expliquer. Elle haussa donc les épaules une nouvelle fois, pour s'exprimer sur un ton distrait:

"C'est très simple. Personnellement, je ne connais aucun autre "non-humain". Et je pense que c'est pareil pour le professeur Wang, voilà tout. Vous étiez la seule personne qui potentiellement aurait pu savoir, ou avoir une idée un peu plus précise au sujet de cette espèce de... malédiction. On ne pouvait pas savoir que vous ne pourriez pas aider... Mais merci tout de même."

Puis... Ah. Du moins les choses semblaient elles aller mieux du côté de Wang. Distraitement, Ayame vit Ryu-chose prendre le professeur dans ses bras. Cette vision aurait du lui paraître étrange... Mais même pas. A croire qu'elle était devenue supra-adaptable à force de trucs bizarres dans sa vie... Mais pas trop quand même. La question qui lui fut posée la prit quelques secondes au dépourvu. Elle tourna la tête sur le heu... wall? Puis sur Wang. Puis encore sur son ami. En fait... C'était assez facile, dans l'idée générale du moins, de savoir ce qu'avait Wang. Mais ça n'était pas très simple à exprimer. Son regard se fit las, car lasse après tout, elle l'était, et dans un soupir, fatiguée, elle fit une petite introduction à sa réponse. La créature ne semblant pas trop s'y connaître en sentiments humains, ça ne lui ferait sans doute pas grand mal...

"Parfois, c'est assez compliqué de deviner ce que les gens pensent, où ce qu'ils ressentent... Ca l'est même souvent. Je le connais pas assez pour dire ce qu'il en retourne exactement mais... Selon moi, il est assez évident qu'il a été très choqué par votre réaction. Il est on ne peut plus sincère, et il a été très blessé lorsque vous l'avez accusé de vous avoir trahi. Ce n'est que mon avis, mais je pense que vous pouvez vraiment lui faire confiance, il est trop bête pour mentir et vu sa réaction on dirait limite qu'il tient plus à votre amitié qu'à sa propre vie..."

C'était vrai ça... C'était zarbe. Et Ayame était dans une drôle d'humeur, pour parler autant. Elle leva un sourcil expirant... Et jeta son mégot par dessus le toit. Que lui arrivait-il à elle aussi? Elle débloquait. C'était la mort de sa mère alliée à l'étrangeté de cette soirée qui la rendait comme ça? Un truc de ce genre sans doute, parce que sérieux... Défendre Wang de la sorte, puis faire une analyse psychologique en direct, là, comme ça, sur le tas... C'était le monde à l'envers. Elle détourna la tête, et sortit une nouvelle clope, son briquet... Elle prit le batonnet entre ses lèvres, puis fit enclencha le mécanisme du briquet. Son visage fut un bref instant irradié d'une lueur blanche-orangée, tandis qu'elle allumait la cigarette. Cette lueur ténue, et pourtant éblouissante, au sein de la nuit. Pourquoi lui semblait-elle étrange, ce soir, elle aussi? Peut-être parce que tout l'était définitivement.

"...En fait, vous êtes plutôt bizarre comme type, prof'..."

Réflexion légère, sortie sur un coup de tête... Manquait plus que les cochons volants là, ouais. Ayame n'aurait pas été étonnée de les voir débarquer.

Les grands bras de la créatures enserraien presque 'tendrement' le professeur de chinois, presque, car un Wraith ne savait pas ce qu'était la tendresse, tout du moins, ses mouvement étaient doux, comme aurait pu l'être ceux d'une maman chien qui chope ces rejetons pour pas qu'ils se sauvent.
Proteger... essayer de consoler... comme si au fin fond, un Wraith rssentait sans le savoir certaines émotions moins primaires que les quelques notions animales dont ils étaient pourvu.

- Vous connaissez d'autres non humains, simplement ous n'êtes pas capable de les ressentir. Ils me regardent avec des yeux étranges quand je passe dans les couloirs, ils savent, comme je sais... que nos sangs ne sont pas rouges comme les votres... Bien entendu, ils se cachent, ces gens là ne se balladent pas à la vue de tous... Nous savons que ceà vous attire irrémédiablement à nous."

Wraith s'arrêta un peu, il émit un petit grognement et secoua la tête. Sous sa forme originelle, il lui était difficile de maintenir un long discours dans une langue à peu près potabl, ses cordes vocaes n'étaient pas faites pour ça. Les langues humaines étaient trop complexes, si bien qu'il avait mal à la gorge. Il devait faire bien attention à sa prononciation pour qu'un grognement sec ne sorte pas entre deux syllables...

- Il y a un livre... un livre qui soit disant exauce tous souhaits, peut-être qu'il pourra redonner apparance de vous. Si j'en entends parler... j'avertirais Wang..."

Son regard blafard quitta l'autre humain pour se poser lentement sur Wang alors que ses grandes mains lui carressaient le dos.

- J'y peux rien... j'ai peur qu'un jour... le seul humain en qui j'ai accordé confiance me poignarde dans le dos... Toute ma vie j'ai vu les humains nous chasser, nous tuer... Toutes ces années... toutes ces longues années..."

Le bras de Ryuhei fut pris d'un tremblement qu'il essaya de calmer en plongeant sa main dans la chevelure douce du professeur de chinois. Le tremblement fut plus puissant lorsqu'Ayame reprit la parole. Son regard blanc se fixa sur la jeune fille et Wraith resta incrédule. A qui elle parlait ? Wang ? Ou lui ? Avait-elle compris, qui il était ? La créature paniqua et se recula tenant toujours fermemant son doudou.

- Je... je ne suis pas bizarre !"

Peut-être aurait-il du attendre quelques secondes avant de réagir aussi spontanément, car vu ce que dit Wang presque en même temps que lui, le persuada qu'il avait fait une grosse boulette. Et si maintenant, ils se doutaient de quelque chose ? Haaaaaaaaaa !!!! La panique ! Wraith se leva et tira Wang par la manche de son manteau pour qu'il se lève à son tour. Le mieux à faire était la retraite rapide, ils avaient tellement de choses à faire ! Hein ? hein ?

- Wang ? Devrions nous faire les feux de l'amour dans ta chambre ? hein ?"

Ha mais au faite c'était quoi les feux de l'amour ? Roh ?! Il en savait toujours rien !

Alors là... Ayame n'y croyait plus, et pourtant, elle venait d'apprendre quelque chose qui peut-être serait par la suite pour elle d'une importance capitale. La créature amie de Wang semblait avoir calmé ses ardeurs paranoïaque, et était même visiblement disposée à l'aider dans la mesure du possible! Ayame avait donc tourné les yeux sur l'étrange individu, l'air captivée... Puis elle l'avait écoutée attentivement. Un livre...? Un livre qui pourrait lui redonner son apparence? Ca lui disait un truc. Elle devait avoir entendu parler d'un truc comme ça, par le passé... Mais le problème, c'est qu'à Hkubu, les rumeurs étranges étaient tellement nombreuses qu'il était dur de trier entre celles auxquelles accorder de l'importance et celles qu'on pouvait oublier. Au final, elle en oubliait la plupart. Ce qu'on venait de lui dire là par contre, ça, elle s'en rappellerait... Au possible, elle essaierait de se renseigner de son côté. Si ce livre existait vraiment, quel qu'il soit, peut-être ne pourrait-il pas règler le problème d'Ayame, mais... Dans le doute, il fallait essayer. Elle acquièsça donc vivement:

"Merci beaucoup. J'apprécie vraiment votre aide..."

Eh... C'était Ayame qui disait ça quand même quoi! Jour à marquer d'une pierre blanche! Et notons qu'elle était sincère, sinon, jamais elle n'aurait sorti un truc pareil... N'oublions pas qu'elle était une véritable tête de cochon, et que la plupart du temps ça lui aurait arraché la gueule de faire une remarque positive à quelqu'un... Bref. Elle détourna la tête, pour se réinteresser à l'horizon... Ce qui se passait entre Wang et Ryu...hei, visiblement, ne la concernait pas le moins du monde. Elle en avait largement assez entendu, et avait vu dans leur "vie privée" un peu trop loin à son goût, et sans doute à leur goût. Elle n'allait pas continuer d'épier, mieux valait somnoler, quitte à repenser à ses problèmes bien à elle, déprimants... Sur un coup de tête et dans l'étrangeté du moment, elle fit donc une brève remarque à Wang... A laquelle Ryuhei répondit en même temps que lui. Piquée au vif, et un peu surprise peut-être, Ayame leva un sourcil et tourna les yeux sur la créature, puis sur Wang... puis de nouveau sur le wall. Elle avait bien dit prof pourtant...? Il avait mal entendu, ou bien quoi? Surprise comme elle l'était, elle ne pensa même pas à charrier Wang quant à la réponse qu'il avait lui-même formulé. Pourtant, elle n'était pas sans rien lui évoquer... Car oui, dans ce cas en effet, il étaient trois à être bizarres. Wang avait du bol que sa bizarrerie à lui ne soit pas visible physiquement parlant quoi qu'il en soit... M'enfin. Elle s'intéressa plutôt à Ryuhei et à sa bourde selon elle... Amusante. Peut-être aurait-elle pu creuser et comprendre plus de choses, car aussi bourrine fut-elle elle était plutôt douée lorsqu'il s'agissait d'analyser les comportements de ses interlocuteurs, cela dit, ça ne la concernait pas. Elle n'avait tout simplement pas envie d'en savoir plus, alors elle ne ferait aucune démarche qui l'y aiderait. Une espèce de sourire pâle s'afficha sur ses lèvres, ce avant qu'elle ne tente de s'exprimer:

"Depuis quand vous vous appellez pro..."

... Mais pas le temps de finir. Le "prof" par erreur semblait soudain être pressé de partir, et tirait avec instance sur la manche de Wang pour que ce dernier le suive. Circonspecte, Ayame les regarda faire, et s'étonna de ce que venait de déclarer la créature. Il voulait... faire les feux de l'amour dans la chambre de Wang, c'était ça? Il était évident que Ryuhei n'avait aucune idée de la signification de ce qu'il venait de raconter là... A vrai dire, ce qu'il venait de raconter là ne voulait au sens strict rien dire du tout, mais alors du tout quoi... Le résultat était plutôt cocasse. Et d'ailleurs, était-ce nerveux? Ayame trouva ça irrésestiblement drôle. Elle commença par porter le dos de sa main à sa boucher; par pouffer, pour finalement éclater d'un rire relativement discret. Relativement. Etre hilare, c'est jamais très discret. Même quand on ne hurle pas tant l'on est amusé. Et rien à dire... Rire lui faisait du bien. Progressivement, elle avait l'impression que ses soucis se faisaient plus légers, que l'air était plus frais, plus volatile, et que l'étau qui torturait son cerveau se désserrait. Oh... Elle aurait tout le temps de se remettre à déprimer plus tard, mais là, franchement, il y avait de quoi être déridé...

"Vous en faites des drôles de trucs dans votre chambre..."

Un pseudo-gloussement encore, puis souriant largement elle passa une main contre son front. Non franchement... Ca avait été bien drôle, elle s'en rappellerait de celle-là.

Wang se demanda s'il avait bien entendu quand Ayame remercia Ryuhei. En même temps, c'était vrai qu'il avait suffit à la créature que Shelong fasse une crise pour qu'il arrête de se méfier et lui donne un début de piste. Mission accomplie! Bon, maintenant le chinois aimerait bien arrêter de se donner en spectacle dans un état si pitoyable et peut-être rentrer dans sa chambre pour y crever tranquille. Hélas!

Car la réflexion d'Ayame eut une réponse de la part de Ryuhei. Wang tilta immédiatement, mais n'eut aucun mouvement ni regard, comme s'il n'avait rien entendu. Il se remit sur pied, et voyant la gêne immense de Ryuhei, il décida de l'aider. Seulement... la créature ne lui facilita pas la tâche.

" Les... feux de l'amour? "

Répéta-t-il, hagard, rougissant soudain avec une rare violence. Hé ben, ça alors. Bon bref là n'était pas l'important, surtout qu'Ayame allait bientôt crever de rire... Se tirer de là, voilà quelle était la meilleure chose à faire pour l'instant. Se barrer fissa, kuai kuai kuai les gens!

" Euh, oui, d'accord Ryu, on y va! J'ai des trucs dont je dois te parler de toute façon! "

Wang lança un regard sérieux à Ayame, n'étant pas amusé le moins du monde par la réflexion de repli que Ryu avait pu trouver. Il ne savait pas, y'avait rien de drôle! Et puis même... on ne rit pas de ces choses là, non mais! Qui a dit que Shelong était un rigolo, hein?

" Arrête de rire toi... Et c'est bien la première fois que Ryu va dans ma chambre! "

Comme s'il avait besoin de se justifier. Enfin bref, il attrapa Ryuhei par le poignet, et l'entraîna vers la porte du toit, direction sa chambre. Sans aucun regard de plus à Aya, il entra dans les escaliers, tenant Ryuhei derrière lui.

Tain, la honte totale ce soir, du n'importe quoi... Wang se demandait comment il supporterait de revoir Ayame, après ce dont elle avait été témoin cette nuit. Et comment allait-il expliquer ce qu'étaient les feux de l'amour à Ryu, sachant que ce dernier n'avait qu'une vague idée de ce que pouvaient être les sentiments humains? Quelle galère... non mais quelle galère...

[on passera dans l'appart de Wang II à mon prochain post ]

Depuis quand il s'appelait prof ? Heuuu heuuu haaaaaaaaaaaaaaaa ça y'était la question avait été posée ! Pauvre de lui, qu'allait-il faire ! Wraith poussa un petit grognement ben oui, maiiis roh ben zut, laissez-le tranquille ! Un Wraith ne savait pas mentir, c'était dur quoi, toujours de faire semblant... d'être autre chose, quelqu'un d'autre... la poisse ! Wang se leva à ce moment précis, mais quelque chose que le Wraith n'avait pas prévu arriva. Un rire... certes caché, puis une question, peut-être une certaine... surprise... Ben quoi ? C'était quoi les feux de l'amour ? C'était aussi risible que ça. La créature regarda de biais Ayame et poussa un petit grognement. Oui, ce n’était pas drôle de se moquer de lui ! Lui il connaissait pas tout le monde des humains ! Lui... lui... ben c'était la première chose qui lui passait à l'esprit ! Et pourquoi, pourquoi Long rougissait. Son doigt se posa sur la joue du chinois et il nota une sorte de fièvre... ? Qu'es-ce qu'il avait ?

- Wang, t'es rouge ? T'es malade ?"

Des trucs dont il voulait lui parler ? Comme quoi ? La lune ?! La créature lâcha soudainement Wang et alla récupérer sa cadeau qu'il serra possessivement. Bon, apparemment... c'était bien à cause des feux de l'amour que l'autre humain riait.

- Ha ben non, je suis déjà venu dans ta chambre... pendant que tu dormais..."

Wraith se laissa tiré par son ami regardant une dernière fois l'humain qui souriait encore. Rah mais pourquoi elle riait ?!

- Pourquoi il rit ? J'ai mal dit, hein ?"

La créature descendit les marches précautionneusement, il avait peur d’en rater une… Après tout, dans cette forme là, il n’empruntait guère les escaliers, il était plutôt en train de grimper sur les façades…

- Wang ? "

Wang qui se mettait à rougir, sa réflexion sèche à son égard... Non, ça, ça n'allait pas faire qu'Ayame s'arrête de rire, au contraire... Elle n'y pouvait rien, si la situation était cocasse, puis ce n'était pas bien méchant! D'autant qu'elle en avait bien besoin. C'était vraiment pas la joie... Elle se serait bien lobotimisé devant les télétubbies si ça avait été capable de la rendre hilare, et de lui faire oublier ses problèmes, c'était dire... Bon. Ok. Y a mieux pour s'esclaffer que de regarder une émission débile pour gamins attardés, ça... Elle continua donc de rire un moment; lança un regard amusé sur Wang... Qu'importait bien ce qu'il pouvait penser. Elle l'avait pas mal aidé ce soir, elle pouvait bien se permettre d'en profiter un peu non mais. Ce n'était pas comme si ça allait les tuer, Ryuhei et lui... puis elle les observa, s'éloignant, jusqu'à ce qu'une phrase made in Ryu' lui coupe l'envie glousser bêtement. C'était bête... Mais c'était choquant, cette manière dont il l'avait appellé, ce "il". Il savait pourtant, pour elle, et sans doute avait-il fait là une simple erreur d'étourderie, cela dit elle releva la tête, pour le regarder. Et son sourire s'évapora. Elle avait l'impression de s'être pris un seau d'eau froide sur la tête d'un coup... Sa bonne humeur s'était estompée d'un bloc. Et elle était de nouveau seule, avec la certitude d'avoir perdu une personne chère... Avec un sentiment de solitude plus fort que jamais, après ces quelques intenses moments passés en compagnie des deux autres... Elle soupira, plongea sa tête dans sa main... Puis prit une grande bouffée de fumée. Elle serait bien allée se coucher, mais ne voulait pas prendre le risque de dévaler dans le campus ainsi.

Résultat, de nouveau lasse et déprimée, elle s'appuya dos au mur avec nonchalance... Puis s'allongea sur le flanc, posa son coude au sol et sa tête dans sa main... Qu'importait sa tenue. Ici, personne ne la voyait. Et ça aurait été le cas qu'elle s'en serait tout autant foutu... Elle espérait juste ne pas s'endormir avant de recouvrir son apparence originelle... Elle l'aurait retrouvée durant la nuit à coup sûr, mais même... Ca ne l'aurait pas fait. Elle n'avait pas spécialement envie de se créer une réputation de clocharde. Surtout avec sa soeur qui crèchait dans le coin, maintenant...