Un débarquement singulier

Tout était tellement calme ici.. C'était étrange. Kuanshar avait perdu l'habitude d'un tel silence, d'une sérénité si parfaite... Il savait pourtant parfaitement que les chances étaient grandes pour que cette paix ne soit qu'illusoire. Si il était parvenu à passer dans ce monde, d'une manière ou d'une autre, il était évident que les gmorks eux aussi en connaissaient le chemin. Sans doute même l'avaient-ils trouvé avant lui. Ca expliquait les sensations étranges qui l'emplissaient depuis quelques temps déjà. Un nouveau monde à conquérir... Cette bande de charognes devait être ravie. L'anteversien s'avança, alors qu'il respirait la nature qui l'entourait. Son regard carmin balaya longuement le sol herbeux dont la densité amortissait le son de ses pas. Il posa la main contre l'écorce d'un tronc, plongé dans ses pensées. Il sentait la vie de nombre de petits animaux grouiller ici et là, autour de lui... Non. C'était une certitude: ce monde n'avait pas été décimé. Pas encore du moins... Il sentait une désagréable odeur de pollution, dont il n'avait pas l'habitude. Elle lui arrachait les poumons, mais elle n'avait rien à voir avec le néant ambiant de l'Anteversus déchue.

"... Combien de temps reste t-il?"

Il n'était pas naif. Rien que parce que ce monde était lié au sien, il comprenait bien qu'il était en danger. Des gmorks devaient déjà parcourir ses rues, et si personne ne faisait rien l'endroit presque idyllique dans lequel il venait de débarquer ne serait bientôt plus que souvenir. C'était quelque chose qu'il ne souhaitait pas. Ni pour les habitants de ce plan, ni pour lui, qui commençait à entrevoir une solution pour que son groupe, Tamdit'an Aruzc, ne disparaisse pas.

La froideur réfléchie avec laquelle il parvenait à prendre ce qui lui arrivait à l'instant même l'étonnait à vrai dire... Fallait-il que sa vie l'ait vraiment endurci pour que dans un tel moment, il parvienne encore à réagir de façon posée, sans même paniquer ne serait-ce qu'une seconde, ou se laisser aller à l'émerveillement qu'un nouveau monde, où la beauté avait encore sa place, aurait pu ou aurait du lui procurer.

La question qui s'imposait était claire... Où diantre était-il? Où avait-il atterri? Il enroula son écharpe autour de son cou, et y enfouit son visage jusqu'à masquer son nez. Autant éviter de trop s'exposer à la vue des étrangers qu'il pourrait rencontrer: rien ne lui disait qu'ils lui ressembleraient. Et Kuanshar ne croyait absolument pas en l'amitié naturelle des hôtes d'un monde envers un étranger tout juste débarqué sans prévenir... On avait déjà vu le résultat lorsque Azulaÿh était arrivé sur Anteversus. Sa présence avait chamboulé l'équilibre du monde, et Kuanshar n'avait pas non plus pour ambition d'être accueilli comme l'homme l'avait été... Il avait d'autres plans.

Gauche, droite... d'ici il ne voyait rien. La végétation du parc l'avait en premier lieu attiré car elle avait éveillé en lui la nostalgie. Maintenant ceci dit il lui fallait trouver un endroit haut perché où il pourrait obtenir une vue panoramique de la ville dans laquelle il semblait se trouver. Il aurait tout à fait pu réquisitionner la vision d'un animal pour cela mais il l'aurait sans doute tué inutilement. Il préféra donc s'éloigner un peu... Du côté de ces grands bâtiments qui s'étendaient plus loin. Le toit semblait accessible. Son choix avait été aléatoire, étant donné qu'il ignorait tout de cet univers... Il espérait avoir pris une décision pertinente. Et en l'occurrence il espérait que les bâtiments visés ne grouillassent pas (il est beau celui là hein? XD) de monde: il préférait éviter les foules.

Par cette fin d'après-midi ensoleillée, quiconque passerait près du parc à cette heure précise aurait droit à une vision étrange: un espèce de cosplayeur indécemment roux, à la peau trop colorée pour l'être naturellement, emmitouflé dans des vêtements venus d'ailleurs, qui traversait le campus d'un pas vif, comme pour rejoindre le bâtiment principal de l'université. C'est que le bougre avait l'air sérieux...

Liff ouvrit lentement un oeil vert (tout comme l'autre puisqu'il n'avait pas les yeux vairons). Au dessus de lui, toujours les mêmes branches d'arbre qui s'étendaient vers le ciel bleu. Sauf que c'était déjà l'après-midi. Il ouvrit alors complètement les yeux et se redressa, s'étirant paresseusement tout en baillant. Quelle heure pouvait-il bien être? Il ne le savait pas et s'en fichait à vrai dire. Il était arrivé à Hokubu avant hier, mais ses cours ne commençaient que la semaine prochaine, ce qui lui donnait le temps de se faire à l'Université et de prendre ses marques, comme le lui avait conseillé l'homme avec qui il avait passé son entretien. C'était peut être le directeur de l'établissement, mais Kyrka n'en était pas certain.

Cela dit, il avait suivit sa recommandation à la lettre: il avait fait le tour du campus et avait "prit ses repères".
En fait, il se sentait déjà chez lui, malheureusement pour les étudiants qui avait la chance (ou pas) de le croiser. En effet, aujourd'hui comme hier, il était vêtu avec des vêtements que n'importe quel être humain sain d'esprit aurait depuis longtemps abandonnés à une poubelle.

Son jean était déchiré, ce qui en soi aurait peut être pu passer pour un habit totalement vintage si il n'était pas décousu au niveau de la couture sur le côté. En plus, c'était au niveau de la cuisse, presque ou même complètement indécent. Il portait aussi des vielles spartiates à peine en meilleur état, et un t-shirt qui avait sûrement vu des jours meilleurs.
Hormis sa besace en cuir qui tenait le coup depuis de nombreuses années, d'où cet aspect vieilli totalement naturel, sa tenue était plus proche de celle d'un sdf que d'un futur professeur à l'université. Mais Liff Kyrka ne s'en souciait absolument pas, quoique maintenant qu'il y repensait, le type de l'entretien lui avait peut être fait une remarque comme quoi il devrait assurer ses cours en costume, de préférence.

Mais ce n'était pas encore l'heure des cours.

Il sortit de sa besace un mp4 flambant neuf, d'un design parfait, le tout d'une couleur orange pétant. Il l'alluma et enfila le casque par dessus ses cheveux bruns....qui étaient franchement crades.

S'en avisant à leur toucher graisseux, il sortit de sa besace une serviette bleu avec d'horribles fleurs roses et une bouteille de shampoing, le tout en chantant d'une voix grave et chaude, d'un ton guilleret mais plutôt faux, quelques paroles dans un anglais parfait.

Ce qui donnait quelque chose comme:

"All I want is my own integrity, all I want is a chance of being free..."

Tout en marchant à grandes enjambés sans cesser de chanter à tue-tête, il se dirigea vers les batimments.
Avisant quelqu'un qui prennait le même chemin que lui, il l'apostropha en japonais, après avoir enlevé ses écouteurs:

"Bonjour! Excusez moi, mais sauriez vous où se trouve des lavabos sur le campus?"

Car oui, il avait l'intention de se laver les cheveux dans un de ses lavabos qu'on trouve souvent près des terrains de sport au Japon... Après tout, pourquoi s'embêter à prendre une douche? De plus, il ne savait toujours pas où il logeait. Il faudrait peut être qu'il se renseigne, tout de même, songea-t-il avec détachement.

Les bâtiments étaient assez proches... Ca aurait été pas de chance de tomber sur quelqu'un sur le chemin de ce fait, nan..? Eh bien mettons ça sur le compte d'un hasard vicieux dans ce cas... Kuanshar, qui par réflexe ne cessait de regarder tout autour de lui à la recherche de potentiels étrangers - synonyme de dangers en Anteversus - remarqua une grande silhouette, qui s'extirpait du parc pour aller dans une direction... A peu près similaire à la sienne. Alerté, il continua d'avancer pour ne pas attirer l'attention de l'étranger...Il tentait de le détailler, du coin de l'œil. Il était un peu trop éloigné, ceci dit... La bonne nouvelle, c'est que l'homme avait une tête, deux bras, deux jambes. Si tous les habitants de la région lui ressemblaient, alors ça pourrait PEUT-ÊTRE aider à mettre en place des relations diplomatiques solides, car après tous les anteversiens n'étaient pas si différents. La confiance de créatures qui nous ressemblent est toujours plus facile à gagner. Même si il ne fallait pas trop vite généraliser... Il fallait se souvenir d'Azulaÿh. Et il fallait aussi ne pas oublier que Anteversus avait beau être loin, le brun, qui le suivait de près, POUVAIT être un gmork. Si Kuanshar était arrivé ici, il n'y avait pas de raison qu'il soit le seul à y être parvenu.

Plongé dans ses réflexions, il ne s'attendait absolument pas à ce que l'étranger s'intéresse à lui, à cette distance. Il sursauta donc légèrement, tandis qu'une voix forte s'élevait. Visiblement, ça... lui était destiné. Sauf qu'il n'avait rien compris... L'homme avait parlé dans une langue que Kuanshar était bien incapable de déchiffrer. Même si quelque part, ces sonorités, ces accents, lui rappelaient quelque chose... Azulaÿh, une fois encore..? Par le passé, il avait déjà entendu l'humain s'exprimer dans sa langue d'origine, et de ce qu'il pouvait se rappeler... Ca ressemblait fortement. Une coïncidence... Ou bien... Etait-il arrivé dans les terres natales de leur ancien hôte?? C'eut été ironique, quoique logique... leurs mondes devaient être liés d'une manière ou d'une autre, et ce portail rouge était peut-être l'explication.

Kuanshar hésita. Comment réagir? Fuir aurait été suspect. Le problème en fait... C'est qu'il n'y avait pas grande chose qu'il pût faire sans paraître suspect. Et comme il ne connaissait rien des coutumes de ce monde, il allait sans aucun doute se tromper. De plus, il devait rester sur ses gardes... On ne savait pas comment le brun l'accueillerait. Prêt à attaquer dès qu'il se sentirait menacé, Kuanshar respira donc longuement. Inspiration, expiration... Il lui fallait rester calme, et réfléchir de façon posée. Il décida de s'approcher, et se retourna donc, tentant de paraître naturel. Il n'était pas plus en sécurité à cette distance, et question communication, on avait déjà vu plus pratique. Au bout de quelques pas, ses doutes commencèrent à se changer en quasi certitudes... La tenue vestimentaire de cet homme lui semblait étrange, certes... Mais peut-être y avait-il plusieurs modes en vogue dans ce monde. Il était presque certain d'être tombé chez les humains, tout comme un humain était par le passé arrivé par hasard chez les anteversiens. Il s'arrêta d'avancer. Il gardait la moitié de son visage cachée dans son écharpe, car il ne voulait pas paraître plus étrange qu'il ne l'était déjà, avec ses cheveux rouges, sa peau colorée et ses vêtements qui peut-être n'étaient pas très communs dans cette contrée.

"O... hayo?"

Oui... Ohayo ça se disait le matin, et on était en pleine après-midi, mais Kuanshar ne connaissait pas toutes les manières de dire bonjour en japonais. En fait, il ne s'en rappelait que d'une seule. C'était même le seul mot qu'il avait retenu de la période où Audeaiah avait pris Azulaÿh sous son aile, et lui apprenait l'anteversien. D'un coup, il regrettait d'avoir été trop obnubilé par les manigances du premier garde, et de ne pas s'être plus intéressé à l'humain. Enfin bref. Dans tous les cas, si ce qu'il venait de baragouiner signifiait quelque chose pour son interlocuteur, il le saurait bien vite. De là, il aviserait... Il planta donc ses iris carmins dans les yeux du brun, et attendit.

Liff s'approcha de l'inconnu à grande enjambés, celui-ci s'étant arrêté près des bâtiments. Il amorça d'ailleurs un mouvement à sa rencontre et se retourna.
Le brun le détailla sans sourciller, un sourire avenant sur son visage qui aujourd'hui, portait une courte barbe (avec moustache). Il faudrait peut être qu'il se rase aussi, pensa-t-il distraitement, comme toujours lorsque ça concernait son hygiène personnelle. Pourtant il avait connu des gens sur Paris, entre autres, qui auraient pu lui apprendre à prendre un peu plus soin de lui, mais ils n'avaient pas osés (ou alors ils l'aimaient comme il était, même sale et hirsute?). Mais là n'était pas la question. Liff devrait prendre une bonne douche, en plus il avait encore des feuilles d'arbres dans les cheveux...Ce qui ne le gênait nullement, à vrai dire.

Cela dit, si il voulait se laver, il ne pourrait que difficilement le faire au lavabo. Il avait apprit à ses dépens que se mettre entièrement nu dans un lieu public était considéré comme de l'exhibitionnisme, et avait d'ailleurs été obligé d'aller faire un petit tour au poste, après s'être fait frapper par une fille avec un sac à main particulièrement lourd qui le traitait de pervers (la fille, hein, pas le sac).
Cela dit, les policiers l'avaient relâchés, puisqu'ils n'avaient strictement rien sur lui. Ils avaient aussi dû comprendre que l'acte n'avait pas été intentionnel. Kyrka, chanceux, s'en était tiré avec un avertissement. Ca c'était passé quand déjà? Kyrka ne s'en souvenait plus trop, à vrai dire. Peut être dans les années 80-90, mais où au juste? Il se rapellait juste qu'il croyait être seul au bord de cette cascade de montagne, mais s'était de toute évidence trompé.

Bah, ça n'avait pas grande importance, après tout. Il avait cela dit retenu la leçon, et avait aussi comprit qu'on ne propose pas un bain ou une douche à partager à n'importe qui. Mais ça, c'était une autre histoire.
Reprenant son examen de la personne en face de lui, il nota les cheveux rouges, les yeux carmins aussi.

Et cela ne l'étonna pas, car ces temps-ci, les marques de cosmétiques avaient fait de grands progrès en terme de teinture pour cheveux. Quand aux yeux, cela pouvait très bien être des lentilles. Pour tout dire, même si ce n'était rien de tout ça, Horphase s'en moquait royalement. Il comprit juste que la personne ne devait pas être japonaise, en vue de ses traits et donc était sans doute un peu perdue, si tant est qu'elle venait d'arriver.

"O... hayo?"
Lança le rouquin d'un ton incertain. Liff lui sourit à nouveau amicalement.

"Salut! Je suis désolé de vous avoir interpellé ainsi. Vous êtes nouveau dans le coin? "
commença-t-il, avant de se rapeller les règles de politesses élémentaires.

"Je m'appelle Lyff Kyrka. Mais vous pouvez m'apeller Liff. Ou Kyrka. "
Il en profita pour ranger son mp3 dernier cri, avant de passer une main désinvolte dans ses cheveux bruns, en faisant tomber une feuille. Décidément, il faudrait vraiment qu'il se lave les cheveux, prenne un bon bain ou quoi, car il doutait qu'on attendait d'un prof d'informatique d'avoir des feuilles dans les cheveux.

Des crayons, peut être. Il devrait essayer ça. Et puis il avait déjà vu des personnes avec des crayons dans les cheveux, qui maintenait un élégant chignon. Ce serait marrant de faire la même chose.

Euh... Bon. A en croire les réactions de son... interlocuteur, si l'on pouvait dire, Kuanshar ne s'était pas trompé. Ce "bonjour", exprimé dans l'étrange langage d'Azulaÿh semblait avoir un sens pour le brun. D'ailleurs, l'étranger continuait de baragouiner des trucs incompréhensibles, encouragé par la réponse de l'anteversien. Inutile de s'attarder, voire de s'acharner à comprendre le sens de ses paroles. Même si il avait essayé, il n'y serait pas arrivé de toutes façons.

A défaut, le roux se concentra sur ce qu'il pouvait comprendre avec ses yeux. Il se mit donc à observer le brun de la tête aux pieds, à tenter d'analyser ses gestes, sa façon d'être, les intonations qu'il adoptait... Dans ses yeux une curiosité retenue luisait. L'homme n'avait pas l'air d'être un gmork. On n'était jamais sûr de rien, certes, mais cette hypothèse commençait à devenir de moins en moins plausible. Il possédait un objet coloré étrange, qu'il avait rangé dans sa poche. Une arme? Hmm... Mieux valait faire attention. Gardant en tête cette possibilité, Kuanshar se promit de rester attentif à tout ce qui pourrait sortir de la poche de l'étranger. En tous les cas son sens de l'hygiène semblait relativement peu développé... et Kuanshar se demandait si c'était là culturel. En fait... Il lui était relativement difficile d'arrêter un quelconque jugement sur son vis-à-vis. Tout à son égard le laissait perplexe, comme il ne pouvait savoir ce qui était "normal", dans cet univers, et ce qui ne l'était pas.

L'anteversien cilla. Ca faisait bien... cinq à dix secondes que l'autre s'était tu, maintenant. Il avait laissé le silence s'étaler en longueur, ne sachant trop comment réagir face au fossé linguistique qui les séparait. Il allait pourtant bien falloir qu'il finisse par trouver quelque chose à faire... Comme son apparence ne semblait pas déranger l'inconnu, il décida de se risquer à lui montrer un peu plus de son visage. Il tira donc sur l'étoffe de son écharpe, pour la coincer au dessous de son menton de ce fait libérer son visage, à la coloration comme aux motifs étranges. Puis il secoua la tête de gauche à droite.

"Ce n'est pas la peine. Je ne comprends pas."

Cette phrase, qui cette fois-ci avait été prononcée en anteversien, aurait pour le moins le mérite de faire comprendre au brun que ce n'était pas la peine de s'évertuer à s'exprimer en japonais. Bon... Ce n'était pas le tout mais mieux valait qu'il se présente, si il voulait avoir une chance de passer pour un "visiteur amical". Il pointa son index sur son torse, et ajouta simplement:

"Kuanshar."

Il laissa retomber sa main et se tut. Mieux valait éviter d'en faire trop d'un coup, si il voulait rester compréhensible.

La réponse de l'étranger en face de lui tardait à se faire entendre. Pour la plupart des gens, ce laps de temps où le silence prenait place aurait été gênant. Mais Liff ne faisait pas parti des "gens".
Bon, en même temps, il ne faisait pas parti de l'humanité non plus. Tout ça pour dire qu'il n'était ni embarrassé par le silence, ni par la façon dont il se trouvait désormais examiné avec une attention curieuse. Cela dit, étant donné qu'il avait lui même fait subir cet examen à l'homme en face de lui, il n'allait certainement pas lui en tenir rigueur. C'eut été un peu mesquin de sa part. Après tout, lorsque deux animaux se rencontrent, ils s'observent et se jaugent.
C'est à peu de chose près la même chose pour le genre humain. Du moins c'est ce qu'il avait pu en juger à travers toutes ses années écoulées auprès d'humains différents. Décidément, il ne se lassait pas de les observer et de partager avec eux certains moments de leur existence, au détour d'une rencontre hasardeuse.

Parfois le hasard faisait bien les choses, et parfois non.

Mais l'individu qui intéressait à présent Kyrka semblait avoir adopté une nouvelle mode qui lui était étrangère, ce qui n'était pas très étonnant étant donné qu'il se souciait assez peu de ce genre de chose. Selon lui, la mode était subsidiaire. Cela dit, c'était tout de même assez intriguant ces espèces de tatouage de forme triangulaire qu'il présentait sur le visage.

D'une part parce que très peu de personnes (à moins que cela soit une part importante de leur culture, comme il avait pu le constater) se faisait tatouer sur le visage.
D'autre part, parce que des figures plus ou moins géométriques ou abstraites n'étaient pas les motifs de prédilections des tatoués. D'habitude, c'était plutôt des dessins, de bon goût ou non, ou alors des symboles, des motifs tribaux, qui avaient une signification ancré dans les siècles passés.
Ça devait donc être plutôt rare, ce genre de tatouage, cela dit, il ne trouvait pas cela désagréable ou laid, étrangement cela semblait correspondre parfaitement au personnage.

Bien sûr, il n'aurait sû dire pourquoi, mais malgré l'aspect peu commun de son interlocuteur, il y avait une certaine harmonie dans son aspect, qui lui donnait un air naturel.
Mais bon, là n'était pas le sujet, et encore une fois, Liff Kyrka se perdait dans les méandres sinueux de ses pensées.

Il vit l'atranger hocher la tête en signe de négation et dire quelques mots...qu'il ne comprit malheureusement pas. Pourtant, ça lui rapellait très vaguement quelque chose, mais ce quelque chose persistait à lui échapper.
De toute évidence, ce n'était pas du japonais, contrairement à la salutation qu'il avait effectué précédement. Il se demanda un instant comment notre ami roux avait pu débarquer au Japon sans connaître la langue.

"Ce n'est pas la peine. Je ne comprends pas."

Hum. Liff ne comprenait pas non plus, de toute évidence. Il fonça ses sourcils, concentré, mais échouant à comprendre. Cela dit, de part le geste, il saisit tout de même le sens: le gamin ne comprenait pas non plus le japonais.

"Kuanshar."

Bon, ça au moins, il saisissait le concept. Ca devait être son nom.

"Kuanshar? " répétat-il, hésitant, tout en désignant l'inconnu du doigt (ce qui était plutôt malpoli, en soi, mais passons).

" Liff Kyrka." fit-il tout en se désignant cette fois-ci. Il tenta tout de même l'anglais, au cas où:

" You don't speak japanese? " Puis en français:
"Vous ne parlez pas japonais? "

Et puis il s'arrêtait là, ayant quelque part l'intime conviction que si il ne parlait ni l'anglais ni le japonais, il y avait peu de chance qu'il arrive à se faire comprendre, malheureusement. Sans doute aurait-il pu tester l'espagnol, l'italien, ou encore le russe, le mandarin....
Mais cela aurait été sans doute inutile. Quelque part, il avait la sensation que cet étranger devait venir de sacrément loin. Ou pas.

Peut être que c'était simplement l'accent de Liff qui était nullissime, après tout.

Ou sa pronociation.

Ou....

Jusqu'à présent, aucun signe de menace n'émanait de l'étranger. Il avait au contraire l'air de s'intéresser au moindre geste de Kuanshar avec une innocence déconcertante. Son attitude ne trahissait aucune peur. C'était une chance inouïe que d'être tombé sur cet individu, car il semblait bien qu'avec lui, Kuanshar ne risquait rien... ou du moins pas grand chose. C'est ainsi que l'anteversien se contenta d'esquisser un léger pas en arrière, alors que son vis-à-vis pointait sur lui l'index. Oui... Kuanshar avait tout de même eu un très léger mouvement de recul. Question d'habitude, de réflexes... Trop habitué au danger, les nerfs du roux réagissaient avant même que l'information ait eu le temps d'arriver à son cerveau.

L'étranger répéta son nom. Il semblait comme vouloir confirmation. Kuanshar hocha donc la tête, ne voyant aucun autre moyen de se faire comprendre, sans risquer d'embrouiller son interlocuteur. Puis il suivit d'un vif regard le mouvement de sa main. Le brun se désignait lui-même du doigt. Il se contenta de prononcer deux mots. Son nom donc, vraisemblablement, si le message était passé correctement. Une fois encore, Kuanshar hocha la tête, puis il répéta:

"Liff Kyrka."

C'était noté. Maintenant, arrivaient les choses sérieuses. Il allait falloir réussir à se faire comprendre sans s'appuyer sur le langage... Autant dire que ça allait être ardu. Pile au moment où Kuanshar allait s'y essayer, il fut coupé par une double tentative de communication infructueuse, de la part de Liff. Il semblait avoir employé deux langages différents... Mais Kuanshar était bien incapable de comprendre l'un comme l'autre. Ses sourcils se soulevèrent. Inutile de s'évertuer à parler, car se serait forcément dans le vide...

"Je ne comprends toujours pas."

Ce qui serait réciproque. Le roux passa une main contre son menton, et regarda à droite, à gauche... Que pourrait-il utiliser pour se faire comprendre? L'écriture? Le résultat serait tout aussi peu probant qu'à l'oral. Le dessin alors? Oui peut-être... c'était limité, mais mieux que rien. Mais encore fallait-il qu'il trouve de quoi faire. Ses yeux tombèrent sur un caillou, à terre. Il se baissa, et le ramassa, tandis que son autre main se posait sur l'asphalte. Qu'était-ce que cette espèce de pierre noire et poreuse, d'ailleurs? C'était presque... un peu collant. Et sans aucune aspérité... Ces roches avaient-elles réellement été taillées d'une pièce, sur une telle surface? Ses doigts curieux tâtèrent la matière noire durant deux à trois secondes... étrange.

"Qu'est-ce-que c'est que ça..?"

Mais il se rendit bien vite compte qu'il avait d'autres priorités. Il leva donc les yeux et les plongea dans ceux de Liff pour attirer son attention, puis il approcha son caillou de la surface "rocheuse", en espérant que ses dessins s'y graveraient un minimum... Qu'allait-il demander au fait? Il ne pouvait se permettre des questions trop alambiquées, sinon ils allaient y passer la soirée. Pour commencer... Autant faire simple. Kuanshar dessina donc ce qui ressemblait à un être humain sur le sol, puis une flèche... Et à côté, ce qui ressemblait à un grand loup, aux yeux brillants. Quelques traits furent rajoutés autour des ronds qui servaient d'yeux à son loup, pour simuler la lueur qu'ils étaient censés émettre. Ce n'était pas génial mais bon... On devait à peu près reconnaître.

L'anteversien pointa du doigt la silhouette humaine... Puis le glissa sur le loup, pour simuler la transformation. Il releva la tête, et montra son oeil... puis son dessin, puis son oeil. D'un geste plus large, il désigna le paysage alentour, puis cessa de bouger. Son visage exprimait l'interrogation. Voilà... Si déjà il parvenait à savoir si des gmorks avaient été vus dans le coin récemment, ça ne l'avancerait pas beaucoup, mais il saurait à quoi s'en tenir. Puis c'était ce qu'il avait trouvé de plus simple à dessiner, il fallait dire. Il cherchait encore comment il allait réussir à poser ses prochaines questions...

Kyrka observa intrigué le mouvement de recul de l'étranger, alias Kuanshar. Il le nota dans un coin de sa tête. Le jeune homme était particulièrement méfiant, et apparemment il ne parlait aucun langage connus par Liff. Bon, ce dernier aurait pu s'acharner à essayer toutes les langues qu'il connaissait, mais ils risquaient d'y passer la nuit, c'est le moins qu'on puisse dire. Entre les langues officielles des différentes nations qu'il avait un jour parcouru, les dialectes anciens, déjà oubliés pour l'humanité mais gravé dans sa mémoire ad vitam eternam. Liff avait la chance d'avoir une bonne mémoire. Au moins il n'oubliait pas ce que perdait les humains. Un souffle imperceptible s'échappa de ses lèvres, presque un soupir à cette pensée.


Mais était-ce véritablement le moment de penser à ça? Sans doute pas.
Toujours est-il que le garçon semblait particulièrement méfiant. Peut être était-il déjà tombé sur des individus peu recommandables qui l'aurait brutalisé? Ou était ce juste la nature d'un individu qui avait l'habitude de vivre dans une contrée dangereuse?

"Liff Kyrka."

Bon au moins s'étaient-il comprit sur quelque chose. Kuanshar hocha la tête négativement suite aux tentatives infructueuses de Liff afin de se faire comprendre oralement. Il prononça quelques mots que le brun ne comprit pas, lui non plus. Le sens de ces mots lui échappait. Cette fois-ci, il se permit un léger soupir, amusé. Le roux resta immobile un instant, cherchant sans doute un autre moyen de se faire comprendre.

Il regarda donc Kuanshar s'affairer à chercher un moyen de se faire comprendre. Le roux attrapa une espèce de pierre noire grasse, peut-être était-ce une pierre volcanique ou tout autre chose. Liff n'en avait pas la moindre idée, mais suivit attentivement les gestes du jeune homme, qui releva la tête, croisant son regard pour avoir son attention. Puis il commençait à tracer sur la pierre des personnages.

Liff suivit son manège avec attention, et comprit enfin que Kuanshar lui demandait quelque chose comme "Avait-il rencontré des humains qui se transformaient en loup dans les parages?"

Bien entendu, la légendes des lycanthropes lui traversa l'esprit, mais sur le dessin, ce n'était pas exactement similaire. Ici, il s'agissait d'humains qui se transformaient en loup et non pas en loup-garou. Ce détail avait sans doute son importance. Parce que des loups garous, il en avait peut-être croisés par le passé, bien qu'il n'en ai absolument pas la certitude. Mais ce n'était pas ici, cela c'était certain.

Il hocha donc la tête négativement:
" Non " dit-il en japonais. Bon, il y avait peu de chance que Kuanshar comprenne ce mot, mais accompagné d'un signe corporel, il devrait saisir le message.

Non, Liff Kyrka n'avait pas vu de gorks, et ne savait même pas ce qu'était ces créatures. Le statu divin n'octroyait pas nécessairement l'omniscience, malheureusement pour Kuanshar.
Horphase se demanda tout de même pourquoi c'était la seule question qu'il posait, et sortit de sa besace un carnet et un stylo, tout en prenant soin de ne pas faire de grands gestes qui aurait pu effrayer son interlocuteur. Il sortir donc les objets lentement, et tenta de dessiner un personnage ahuri, avec un point d'interrogation au dessus de la tête.Il ne pensait pas que ce genre de signe était automatiquement universel, mais pourquoi ne pas tenter.

Il rajouta un autre dessin représentant Kuanshar (reconnaissable à la coupe de cheveux et aux tatouages, surtout, parce que sinon ce n'était pas du grand art). Il fit à côté un vague dessin représentant de la nourriture simple et fit une flèche les reliant, le tout avec un point d'interrogation.
Au pire, il mimerait, mais Liff n'avait jamais été très doué pour ce genre de chose.

Par contre, son dessin était assez comique.....

(voilààà je viens te sauveeer)

La réponse de Liff fut négative. Kuanshar le comprit relativement aisément. Le négatif, l'affirmatif, étaient des concepts qui s'exprimaient aisément via la langage du corps, via des signes relativement universels. Ton de la voix, expression du visage, sécheresse des gestes... Bref. En gros, le brun n'avait pas vu de gmork ici. Kuanshar soupira. Ca signifiait au minimum qu'ici la "guerre" n'avait pas commencé, ou alors à peine. Ca le confortait dans son idée... Monter un QG ici pourrait être fort profitable... A condition qu'il apprenne à manier la langue des humains, quoi. Pour l'instant c'était relativement mal parti.

Perplexe, il resta muet, et cligna des yeux avant de se baisser sur le dessin qu'était en train de faire Liff sur le sol, en réponse au sien. Un être vivant tout d'abord... Sur la tête du bonhomme... Un signe dont la signification lui échappait. C'était une courbe, qui s'annulait sur le bas. Au dessous de cette courbe... un point. Que cela pouvait-il bien signifie? était-ce censé représenter quelque chose en particulier... La lune? Une oreille ornée d'une boucle? Plutôt ça oui... Bon. Un bonhomme, sans doute Liff... Surmonté d'une oreille décorée. Comme celles de Kuanshar étaient largement pleines d'anneaux, il pouvait en déduire qu'il s'agissait de son oreille à lui. Donc... Il devait écouter Liff? A quoi bon si il ne comprenait rien..?

Kuanshar fronça les sourcils. Le dessin n'était visiblement pas fini, et ça l'inquiétait parce que sa signification lui restait FRANCHEMENT obscure pour l'instant. Il y eut bientôt un autre bonhomme à côté de premier. Il se reconnut rapidement, faute aux marques sur le visage de son double en bâtons. En temps normal il aurait pu esquisser l'ombre d'un sourire face à telle "œuvre d'art" mais bon. Quand on vient de perdre la femme qu'on aime, et que de longues centaines d'années de résistance menée dans l'ombre viennent d'être détruites en deux coups de cuiller à pot par un fichu traître, on a tendance à perdre le sens de l'humour.

Bon... Un gribouillis représentant ce qui ressemblait à de la nourriture fut enfin placé, en compagnie d'une flèche tirée entre la dite nourriture et l'homologue 2D de Kuanshar. Si il avait faim..? Euuh... Cette signification n'était pas cohérente, accolée à celle qu'il avait tiré de la première partie du dessin. Ses deux sourcils se levèrent, et il soupira, tandis qu'il essayait de comprendre où était son erreur. Faim.? Certes il avait faim, mais n'était pas assez imprudent pour daigner accepter la nourriture offerte par un quelconque étranger. Mieux valait éviter au possible que Liff ait l'occasion de lui proposer quoi que ce soit. Il pointa donc son double dessiné, puis la nourriture, puis encore son double, et hocha la tête négativement.

"Non. Pas la peine."

Puis... Il prit son menton dans sa main. Les questions qu'il avait besoin de poser n'étaient pas simples... Comment pourrait-il jamais les traduire en terme de dessin? Puis cette oreille dessinée sur la tête du premier personnage l'intriguait. Le vent se leva. Une grande bourrasque, dans laquelle s'était perdue comme une très légère nuée de paillettes dorées, qui vinrent fouetter le visage de Liff, et de Kuanshar.

"Bon... Ce n'est pas gagné..."

Tiens... Cette réflexion qu'il s'était faite à lui-même lui semblait euh... comment dire. Bizarre. Elle n'avait pas sonnée normalement... Comme si quelque chose clochait. Oh... Ce devait être son habituelle paranoïa. Ou pas... Il ne s'était même pas rendu compte qu'il ne s'était pas exprimé en anteversien, mais bel et bien en japonais. Liff lui devait en avoir bien conscience, par contre. Avec un air interrogatif, l'anteversien se pencha sur le dessin et pointa le signe étrange du doigt, tout en faisant mine qu'il ne comprenait pas sa signification. dans leur situation mieux valait être exigent et tatillon, et aller dans les détails. Sinon, ça allait finir sur un quiproquo.

Liff continua d'observer Kuanshar, qui semblait dubitatif quant à son art. Bon, c'est vrai qu'il n'avait jamais été très doué en dessin, mais bon, il faisait ce qu'il pouvait. Un psy lui aurait sans doute dit que c'était à cause de son manque de sérieux, ou encore de maturité, vis à vis du monde qui l'entourait. Liff pensait plutôt que c'était lié à son manque de compréhension des émotions humaines, qui s'exprimaient avec une puissance insoupçonnée dans les images comme les tableaux de maître ou autre. Oui, les maîtres savaient exprimer une idée, une émotion et la transmettre par le biais d'une œuvre. Du moins c'était comme ça que le ressentait le brun, qui n'avait pas le mérite d'être historien de l'art, malgré sa fréquentation plus ou moins assidue, selon les périodes, du milieu de l'art.

Bref, se recadra-t-il. Le rouquin n'avait pas l'air de saisir la portée du premier dessin, ce qui éliminait la thèse selon laquelle les signes comme les points d'interrogation avait une portée universelle. Cela risquait de prendre donc un certain temps avant qu'ils ne se comprennent, pensa-t-il, pas vraiment défaitiste mais plutôt réaliste. Forcément, si Kyrka n'arrivait même pas à se faire comprendre par dessin, cela ne risquait pas d'aider. Peut être devrait-il alors se lancer dans le mime, quitte à paraître un peu plus ridicule, autant y aller franchement.

Cependant, le brun n'eut pas à mimer le fait de manger puisque le second dessin avait atteint son but. Kuanshar devait pas avoir faim, alors. A en juger par le regard soupçonneux qu'il jeta au dessin, Kyrka n'avait pas recueilli son approbation. Il semblait à nouveau plutôt méfiant, mais cela dit, peut être qu'il avait juste fait une lamentable bourde. Après tout, accepter de la nourriture de la part d'un étranger était peut être interdit dans la culture du jeune homme. Peut être même que c'était très insultant, comme si Liff l'avait considéré comme quelqu'un de mal nourri ou quoi. Il frémit presque à cette pensée inquiétante.

"Bon... Ce n'est pas gagné..."

Ah ben ça, il ne lui faisait pas dire! Pour sûr, cette conversation promettait de prendre une tournure épique.

Attendez...Le gamin ne venait-il pas de parler, en japonais, qui plus est alors auparavant il n'y comprenais rien? Bon Liff devait désormais se résoudre: son accent devrait être absolument pitoyable. Cette pensée le déprima un instant. Il avait pourtant fait des efforts, depuis l'ère Meiji! Il se lança cela dit, un peu hésitant:

" Vous parlez japonais? Je suis Liff Kyrka, enchanté! " continua-t-il tout en souriant de toutes ses dents. Si le jeune homme comprenait finalement cette langue, cela allait grandement faciliter leur échange. Prit d'une impulsion subite, il traça en de lignes élégantes son nom en japonais, sur un morceau de papier, qu'il tendit à son nouvel ami (ou pas, d'ailleurs).

Étrangement, contrairement à son dessin, les kanjis étaient dignes d'un maître en calligraphie, si tant est qu'il ait eu un pinceau en main et non pas un bête crayon. Comme quoi avec Liff, on pouvait s'attendre à tout....Lui même ne s'expliquait pas sa facilité déconcertante avec les langues, quelles qu'elles soient. D'autant plus que cela se traduisait aussi dans son écriture, large, élégante, généreuse même.

Il se passa une main dans les cheveux, tout de même un peu surpris d'être aussi nul en Japonais, pour une fois.

Kuanshar tiqua, très étonné. Liff venait de parler anteversien? Le roux banda ses muscles, et recula de quelques pas, méfiant. Un inconnu qui parlait l'anteversien passait de suite dans la catégorie des personnes à risque susceptibles d'être dans le camp des gmorks. Pourtant, cette fois encore, les paroles qu'il avait entendues et comprises lui semblaient... Étranges. C'est comme si elle sonnaient... différemment, à son oreille. Machinalement, il répondit:

"Japonais? Je ne parle pas cette langue. Je ne connais rien des dialectes humains. Mais...?!"

Il venait de s'en rendre compte... Il ne parlait pas anteversien, là..? Pourtant c'était bien la seule langue qu'il connaissait....... Qu'est-ce que cela pouvait-il bien signifier?

Perplexe, il hésita, puis tendit la main pour attraper le papier qui lui était tendu par Liff. Il y avait écrit son nom, là encore dans un dialecte qui n'aurait du absolument rien dire pour lui. Pourtant, il comprenait. Et il reconnaissait ces signes... C'était là de l'humain, non? Ohayo... Konichiwa... Kombawa... Oui. Le japonais n'avait plus de secrets pour lui. Il tentait de se poser des colles, en passant en revu son dictionnaire cérébral... Mais, et c'était purement incompréhensible, le dit dictionnaire semblait s'être rempli de façon solide, en moins de trois secondes. La langue nipponne n'avait plus de secrets pour lui.

"Hein..?!"

Il laissa retomber sa main, et lâcha le papier, jusqu'à le laisser tomber. Yeux grands ouverts, bras ballants, Kuanshar se demandait bien ce qu'il lui arrivait!

"... Je vous comprends? J'avoue que je ne vois pas comment j'ai pu apprendre votre langue en l'espace d'un instant..."

... Il en oubliait toutes les questions qu'il aurait voulu poser, et qu'il avait l'occasion de poser pour une quelconque et hallucinante raison. Il cligna des yeux, et se força ceci dit à regarder autour de lui, à sortir de sa stupeur... A tenter de faire avancer les choses, même si là il avait juste envie d'émettre un immense cri de surprise.

"Quelle est cette magie? Les humains connaissent-ils le secret de la connaissance spontanée? Ou bien ces terres sont-elles enchantées..?"

Son regard s'affina, et il leva sa main, pour approcher ses doigts de quelque chose qui ressemblait comme à un... fragment de lumière? Une paillette, qui passa au travers sa main avant de disparaître. Une énergie spéciale baignait ces terres. Elle venait comme d'apparaître en fin de compte... Et cette énergie lui rappelait quelque chose de déplaisant, sans qu'il parvienne à savoir quoi. Tout était très certainement lié...

"... Il se trame quelque chose."

Redevenu on ne peut plus sérieux, il avait presque oublié Liff, concentré sur cette simple idée... Il se passait quelque chose, et il avait intérêt à déterminer quoi.

Hum.
Définitivement, il se passait quelque chose d'étrange sur le campus de l'université. Le roux fut surprit par la question pourtant tout à fait normale, même pas indiscrète pour une fois (enfin c'est ce qu'il supposait a priori, puisqu'une fois encore, il ne connaissait pas les mœurs et coutumes de son interlocuteur, ne sachant pas d'où il pouvait bien provenir). Il recula même, les muscles tendus, pareil à un animal sur la défensive qui a repéré un prédateur sur son chemin. Mais pourtant, Kyrka n'avait rien d'un prédateur, enfin, quand même pas tout de même? Il savait bien que sa stature pouvait impressionner, mais tout de même, il pensait avoir réussi à se débarrasser de cet aspect là que lui donnait son physique. Il faut dire qu'il était particulièrement grand, sans compter son côté fortement négligé, qui faisait que parfois on le prenait pour un sdf.

Cela dit, ce n'était pas ça qui l'ennuyait le plus, puisqu'il ne se sentait pas insulter par cette comparaison peu flatteuse qu'on pouvait parfois lui faire.
Non, ce qui ennuyait le plus Liff, c'était bien de faire peur aux gens. Quelqu'un de normal se serait sans doute senti vexé du comportement de Kuanshar, mais Liff se sentait surtout triste. Enfin, un peu, il ne le connaissait pas depuis des siècels non plus. Cependant, c'était déplaisant pour lui, principalement parce que ça lui rapellait la différence qui ne cesserait jamais d'exister entre lui et les humains. Peut être parce qu'ils n'étaient pas de la même nature.

Surtout parce qu'ils avaient raison de le craindre.

Pourtant...ne leur avait-il pas prouvé à maintes reprises que tout ceci était inutile? Il n'avait jamais voulu que son culte soit impregné de crainte.

Enfin, là n'était pas la question. Kuanshar parlait parfaitement japonais, ce qui contredisait sa propre thèse selon laquelle, décidément il n'était pas si doué que ça avec cette langue.
Alors soit le gamin le prenait pour un idiot, ce qui n'aurait pas été nouveau, soit il plaisantait. A moins que ce ne soit tout autre chose, et qu'il dise effectivement la vérité. Tout ça méritait plus ample réflexion. Ainsi, tout comme Kuanshar qui était plus que perplexe, Horphase s'interrogeait, alors que l'autre contemplait le morceau de papier d'un air absent avant de le laisser retomber au sol.

"... Je vous comprends? J'avoue que je ne vois pas comment j'ai pu apprendre votre langue en l'espace d'un instant..."

"Moi non plus, mais il se trouve que vous parlez véritablement le japonais. Et je ne vous mens pas." ajouta-t-il sérieusement. Après tout quel intérêt aurait-il eu à mentir? Liff n'était pas ce genre de personne.

Il lui arrivait juste d'omettre la vérité. Et parfois seulement.

"Quelle est cette magie? Les humains connaissent-ils le secret de la connaissance spontanée? Ou bien ces terres sont-elles enchantées..?"

"Il ne me semble pas que les humains disposent de la science infuse, non. C'est très étrange en effet....Cela dit, cette découverte comporte au moins un point positif: nous pouvons désormais nous comprendre!"

Il sourit largement alors que Kuanshar était perdu dans ses pensées, contemplant une espèce de pailette qui s'évanouit en traversant sa main. Le brun tourna la tête pour avoir une vision plus complète du parc. Il semblait que cette matière flottait doucement dans les airs tout autour d'eux, et peut être même au delà, avant de disparaitre. On aurait dit des pailettes jetés en l'air pour fêter quelque chose. Si ça se trouvait, c'était juste une quelconque farce d'un étudiant qui avait mit ça en place subreticement.


Cependant, lorsqu'une pailette rentra en contact avec sa propre main il abandonna cette hypothèse rationelle.

Ce n'était pas l'oeuvre d'un humain, en tout cas c'était le sentiment qu'il en avait. Mais c'était définitivement hors de sa portée. Liff ne parvenait pas à comprendre ce que ça pouvait bien être, et ça avait quelque chose de particulièrement frustrant.

" Qu'est ce que c'est....?" s'interrogea-t-il, avant de relever la tête et de demander à son vis à vis:

"Au fait, pourquoi me demandiez vous tout à l'heure si j'avais vu des hommes se transformant en loup dans le coin?"

Oui, Liff pouvait être obstiné, parfois lui aussi.

(arf pardon >< manque d'inspiration)

Oui... Kuanshar voulait bien croire Liff pour cette fois. Il parlait le japonais. Il reconnaissait ces accents tout à fait particuliers qu'il avait eu l'occasion d'entendre pour la première fois il y a bien longtemps de cela, lors de l'arrivée de l' "Humain" en Anteversus. Il acquiesça en silence.

Si les humains n'avaient pas la science infuse, et si aucun phénomène de ce monde pouvait expliquer ce qui venait d'arriver à Kuanshar, alors la raison devait venir d'ailleurs. Et en l'occurrence ces paillettes, cette énergie que Kuanshar sentait, lui faisait penser que strictement tout était lié à Anteversus. Et peut-être aux gmorks. Autant dire que tout ne faisait que commencer...

L'anteversien échappa à sa torpeur rapidement après que Liff lui ait posé une question.

"Je ne sais pas... Mais l'énergie que cette lumière dissipe ne m'est pas inconnue. Hmm.."

Prudent, il gardait ses réflexions pour lui. L'énergie en question provenait sans doutes de vieilles connaissances... et si c'était le cas ce n'était pas bon signe. VRAIMENT pas bon signe. Une image, en particulier... Un portrait obnubilait sa pensée. Si c'était LUI... Ca voulait dire que l'avenir de ce monde était fortement en danger. Il inspira longuement, expira, puis laissa retomber sa main avant de tourner son visage vers l'humain - pour Kuanshar, Liff devait vraisemblablement être humain. En parlant du loup... Ou plus précisément en parlant DES loups:

"Ces créatures sont des gmorks. Là d'où je viens, elles ont tout détruit, tout envahi. Elles répandent le néant et sont nos ennemis jurés. Comme j'ai réussi à m'infiltrer dans ce monde j'imagine qu'elles puissent aussi être arrivées ici... ce qui ne serait plaisant pour personne."

Toujours sérieux, Kuanshar posa les mains sur ses genoux, puis se releva. A bien y réfléchir, ce Liff acceptait les origines plus qu'étrangères de Kuanshar avec une facilité étonnante... Ca lui mettait la puce à l'oreille. Peut-être avait-il eu de la chance de tomber sur quelqu'un de particulièrement ouvert d'esprit... Mais peut-être aussi était-ce un traître.

"Comment s'appelle ce monde? Où sommes-nous?"

Il y avait tant de questions à poser... Mais comment se résoudre à le faire, alors qu'il ne savait même pas si il pouvait croire les réponses de son interlocuteur?

(Ne t'inquiète pas, je manque aussi d'inspi XD)

Pour n'importe quelle personne qui se serait retrouvé par hasard dans le parce à cet instant précis, la situation pouvait paraître des plus étranges, à moins qu'on ne considère ça comme absurde ou cocasse.
En effet nos deux comparses étaient plantés comme des piquets (pour Liff, puisque Kuanshar s'était accroupi), une feuille préalablement arrachée d'un quelconque carnet à leurs pieds. L'un deux, le plus grand, brun, franchement négligé, mais avec style s'il vous plait, tenait d'ailleurs encore à la main le dit carnet, tandis que l'autre était tendue dans le vide. En face de lui se trouvait un homme, un peu plus petit, roux, dont la peau était d'une délicieuse nuance caramel. Ses vêtements ne semblaient en aucun cas provenir d'ici, et les tatouages qui parsemaient son visage lui donnait un aspect des plus singuliers.

Enfin, autour d'eux se trouvaient des bâtiments parfaitement normaux et appropriés aux abords du parc, si ce n'est bien entendu la fine pluie de paillettes qui flottait doucement dans les airs, avant de s'estomper tel un songe au réveil. Cette conversation, de loin tout du moins, aurait pu paraître banale, si ce n'est nos deux protagonistes n'étaient pas si atypiques, et même dépareillés. Et si on omettait les espèces de petites paillettes presque lumineuses. Tout ça pour dire qu' heureusement que personne n'était dans le coin en train de flirter gentiment ou de se réveiller d'une sieste sous un arbre.

La réflexion de Kuanshar plongea Horphase dans des abîmes de perplexité. Effectivement, si cela ne provenait pas du monde humain, tout comme le roux visiblement, cela prenait un sens. Mais ce n'était pas une certitude, et de toute manière, ce sens là ne lui disait rien qui vaille.

"Des gmorks dites-vous? Je n'ai jamais eu le loisir d'en rencontrer, mais votre théorie pourrait malheureusement se révéler exacte. Si vous avez réussi à venir, il se pourrait qu'ils vous précèdent....Ou encore vous suivent-ils, et ce n'est guère plus rassurant." conclut-il. Si cet homme avait en effet apporté une menace sur terre malgré lui, les choses allaient vite se compliquer, à son grand dam. Il devrait....Non, c'était inutile.

"A vrai dire, vous êtes ici sur la planète terre, petite planète bleue du système solaire, perdue au confins d'une galaxie....Je pourrais sans doute entrer dans les détails, mais cela prendrait beaucoup de temps et ne me semble pas des plus utiles pour l'instant. Il y a sans aucun doute plus urgent à faire.
Ces gmorks....avez vous un moyen de vous assurer de leur présence sur terre? Et vous, qui êtes-vous au juste? Liff avait prononcé ses derniers mots d'un ton tranchant, presque froid. Son expression s'était durcie, ce qui le changeait du tout au tout. Son côté bienveillant était remisé au placard, et lui aussi se tenait à présent sur ses gardes (ce qu'un être humain censé aurait sans doute fait plus tôt)

L'expression qu'il arborait avait quelqe chose d'étrange. De moins humain, somme toute. Il avait l'air d'une de ces statues de culte, solanelle et grave, le tout ponctué par un air mi méfiant, mi inquiet.

Kyrka était prêt à le croire. Mais comment pouvait-il lui faire confiance ainsi? Lui aussi, avait été trompé et abusé par les hommes. Après tout, il était tout à fait possible que la situation que lui décrivait le garçon n'était pas aussi simple qu'il n'y parassait, ou qu'il se trouvait être en fait un envahisseur et détournait son attention en employant les gmorks comme menace potentielle. Comme cela pouvait être tout autre chose, ou encore la vérité.

Mais Liff n'était sans doute pas la personne la plus indiqué à duper, alors peut être que Kuanshar n'avait aucune raison de lui mentir.
Oui, Liff Kyrka n'était pas aussi bête qu'il parassait de prime abord.

"Comment puis-je savoir si vous me dites la vérité?" demanda-t-il alors franchement.

Ou pas.

Liff prenait conscience du problème. Ou bien faisait semblant de prendre conscience du problème, ça, Kuanshar était pour le moment bien incapable de le savoir. Oui... l'anteversien suivait peut-être bien les gmorks, ou bien les précédait. Il hocha la tête en silence pour approuver.

"Peu rassurant oui... c'est un euphémisme. Il faut que les habitants de ce monde se préparent au pire si ils comptent l'éviter... Pas comme nous..."

C'était le moment où jamais de fonder une Résistance solide dans ce monde, dans ce pays... Avec l'aide des humains, le peu d'anteversiens dont l'esprit restait encore sain pourraient peut-être repousser l'invasion... Une fois fait, il faudrait songer à sauver anteversus. Mais si ce monde devait être leur forteresse, la priorité serait à le préserver. Kuanshar allait devoir faire preuve de patience, encore et toujours...

Bien... avant de réaliser ses ambitions nouvelles, il fallait bien évidemment que Kuanshar en apprenne plus sur son lieu d'arrivée. La planète Terre. Planète bleue... système solaire. Certaines notions lui échappaient, mais il avait quand même compris que cet endroit s'appelait la Terre. C'était peu mais c'était déjà ça. Oups? D'un coup, l'étranger s'était rebiffé. Son air méfiant, son ton froid... C'était une réaction normale. Kuanshar avait même trouvé étonnant qu'elle n'arrive pas avant. Mais peut-être ce retard signifiait simplement qu'elle n'était que simulée..? Méfiance, méfiance, là encore... Kuanshar se frotta l'arcade sourcilière, puis se releva, fatigué. Toutes ces précautions qu'il devait prendre, incessamment... C'était éreintant.

"M'assurer de leur présence sur Terre? Si l'un approche, je sentirai son aura. Sauf si il parvient à la cacher. A moins de posséder le pouvoir de sonder les esprits, vous n'avez aucun moyen de savoir si je vous dis la vérité, c'est vrai. Mais c'est réciproque... pourtant, j'ai besoin d'alliés."

Il ne pouvait pas tout dire. Mais il pouvait en dire un minimum... On verrait comment les choses évolueraient. Son instinct le trompait rarement, et son instinct lui disait à l'heure actuelle que Liff était un humain étrange, qui cachait peut-être bien son jeu. Son instinct lui donnait aussi l'impression que Liff n'avait pas intérêt à pactiser avec les gmorks, et à voir ce monde s'écrouler. Il s'était déjà trompé lourdement avec Vehnmiah. Il avait beaucoup de mal à accorder l'importance qu'il avait accordé à son instinct avant cette traîtrise, et la chute de Tamdit'an Aruzc, de ce fait... Mais il pouvait se permettre de lui en dire un minimum. Pour le reste, on verrait plus tard.

"J'ai trouvé une passerelle... Un portail rouge... Je l'ai passé, et je suis arrivé ici. Je viens d'un monde nommé Anteversus. Il y a longtemps, un être malfaisant à usurpé le pouvoir. Sa cupidité l'a amené à libérer des créatures qui jusque là vivaient enfermées dans les confins de notre monde. Elles l'ont dupé, elles ont tout envahi et tout détruit. Presque tous les anteversiens ont succombé à leur pouvoir, je fais partie des rares à avoir résisté, même si j'ai dû... pactiser avec eux, dans l'espoir d'obtenir le pouvoir de les éradiquer."

Un frisson désagréable parcourut son échine... Ce qu'il avait du faire pour que les gmorks ne se rendent pas compte de sa traîtrise... La façon dont son corps était corrompu... tout ça le dégoûtait. Maintenant sa couverture était foutue... Au moins, il n'aurait plus à faire semblant. Houlà... penser à ça n'était pas bon. Sa carapace mentale se fendait... Le néant en lui se répandait, manquant d'effacer ses espoirs, et sa santé mentale. Une aura néfaste s'échappa de son corps soudainement. ll passa une main contre l'arête de son nez... Il fallait qu'il se reprenne... Les marques sur son visages le brûlaient, comme si la chair était à vif.

"J'ai fondé un groupe de résistants. Mais choisir des membres de confiance est une affaire complexe... Nous avons fini par intégrer un traître. Nous avons été découverts par les gmorks, et au moins une moitié de notre groupe a été éradiquée. Dans la fuite, j'ai perdu les autres. Et j'ai fini par trouver un chemin jusqu'à ce monde... Libre à vous de me croire ou pas..."

Il avait besoin de marcher... Il était mal, là. La présence d'une multitude de petits animaux terrestres lui parvenait. Ses pouvoirs échappaient à son contrôle... Il y eut un bruissement dans un fourré proche, où un mulot venait de rendre l'âme. Sans doute le fait de la radioactivité qu'il émanait... Il serra les dents, et se mordit la langue. La douleur l'aidait à réfléchir sans se laisser parasiter.

"Auriez-vous des sources d'eau pure, sur Terre?"

Il devenait moins prudent... tant pis. Tant qu'il en avait conscience, il pourrait se rattraper.

Oui, Liff avait raison de se méfier, tout comme il avait raison de ne pas accorder sa confiance à n'importe qui. Malgré tout, il gardait une foi presque inébranlable en l'humanité.
Cependant, son nouvel ami ne faisait sûrement pas parti de cette grande humanité que formaient les hommes et les femmes des différentes nations peuplant cette bonne vielle planète terre, qui en avait vu de toutes les couleurs, et continuerait d'ailleurs d'en voir pour un bon paquet de temps (à moins que le soleil ne décide de s'éteindre inopinément, mais bon! Liff avait peut être des pouvoirs, mais il n'était pas devin, tout de même. Ce qui n'était sans doute pas plus mal, car il aimait découvrir des choses, encore et oujours.) Mais trêves de tergivertions, il fallait qu'il reste concentré, d'autant plus qu'il ne faisait pas confiance à l'individu en face de lui. Enfin ça, il l'avait décidé arbitrairement en pensant qu'il était peut être en train de se fourrer dans les ennuis plus que d'ordinaire, ce qui n'était pas peu dire. Et puis son dernier séjour en prison n'avait pas été des plus agréables, même si il n'avait pas duré longtemps. Liff ne comprenait toujours pas pourquoi on l'avait prit pour un révolutionnaire anarchiste, d'ailleurs.

Peut être qu'il aurait dû saluer les memebres du gouvernement comme tout le monde, en poussant des cris de joies, au lieu de baîller et de regarder sa montre, pourvue d'un ancien mécanisme qu'il avait lui même trafiqué.

Kyrka fit mine d'acuiéser aux paroles de Kuanshar. Il n'était pas sûr de comprendre où il voulait en venir, en réalité. Et d'un coup retrouva son sérieux. Si la Terre était menacé...non, il ne permettrait pas qu'un nouvel mal s'infiltre insidieusement sans rien faire. Il hocha la tête à ses paroles, son visage adoptant une expression calme et résolue.

"J'ai trouvé une passerelle... Un portail rouge... Je l'ai passé, et je suis arrivé ici. Je viens d'un monde nommé Anteversus. Il y a longtemps, un être malfaisant a usurpé le pouvoir. Sa cupidité l'a amené à libérer des créatures qui jusque là vivaient enfermées dans les confins de notre monde. Elles l'ont dupé, elles ont tout envahi et tout détruit. Presque tous les anteversiens ont succombé à leur pouvoir, je fais partie des rares à avoir résisté, même si j'ai dû... pactiser avec eux, dans l'espoir d'obtenir le pouvoir de les éradiquer."

"Une passerelle...Cela me rapelle certaines anciennes légendes...Mais passons. Vous qui n'êtes pas humain, vous avez dû faire des sacrifices...peut être que...

Liff s'interrompit. Lui non plus n'était pas humain. Mais il venait de découvrir que certains faits, certains actes et sentiments se retrouvaient au delà de cette chère planète bleue. Pourquoi fallait-il alors qu'il soit en dehors de tout ça? Vainement, il avait essayé, il essayait encore de comprendre.
Peut être qu'un jour il saurait. Savoi ce qui les poussait, tous autant qu'ils étaint, à agir, à vivre et à mourir au gré de leurs convictions.


Kyrka allait rajouer quelque chose, mais Kuanshar semblait se sentir mal. Son visage s'était figé en une expression quelque peu crispé, et il paraissait souffrir, sans que Liff ou quiconque puisse en déterminer la cause. Il allait poser sa main gauche sur l'épaule du roux, mais se ravisa au dernier moment, quelque chose de froid émanant soudain de sa personne. Il recula précipitament, ses lèvres s'inclinant vers le bas. Qu'est ce que c'était que ça? Ses quelques instincts de survie lui disait maintenant de fuir...Mais il n'allait pas l'abandonner ici. Il eut l'impression que son propre corps se raidissait, et qu'une sueur froide coulait le long de son dos.

"J'ai fondé un groupe de résistants. Mais choisir des membres de confiance est une affaire complexe... Nous avons fini par intégrer un traître. Nous avons été découverts par les gmorks, et au moins une moitié de notre groupe a été éradiquée. Dans la fuite, j'ai perdu les autres. Et j'ai fini par
trouver un chemin jusqu'à ce monde... Libre à vous de me croire ou
pas..."

La résistance. Encore et toujours, pour protéger, garder, préserver un monde, les personnes qu'ils aimaient...

"Des sources d'eau pure?" répéta-t-il, bêtement. A vrai dire il ne comprenait pas ce qui se passait, mais il commençait à s'inquièter.
"Vous voulez dire, de l'eau potable? Oui sans doute, il doit bien avoir des robinets pas loin...ou peut être une fontaine d'eau...."

Liff le scrutait d'un air inquièt cette fois-ci. Si Kuanshar ne se décidait pas rapidement, il y avait de forte chance qu'il se fasse traîner de gré ou de force à l'infirmerie ou quelque chose de ce genre. Manque de bol, Liff ne savait pas où se trouvait la dite infirmerie. Il faudrait sûrement se contenter d'eau. Il aperçut un évier le long du mur, pas loin de là où ils se trouvaient. Il y avait aussi n robinet avec un tuyau d'arrosage à côté. Ca ferait peut être l'affaire, se dit-il.

"Là, il y a de l'eau potable" fitil en désignant l'endroit.
"Nous n'avons qu'à nous y rendre? " commença -t-il, un peu incertain.

Des sacrifices... Ha. Ca, des sacrifices, Kuanshar avait du en faire, c'était certain. Il avait sacrifié sa pureté... Sacrifié la vie de son fils, et vendu son âme à deux reprises. La première fois en commettant l'irréparable, et en "ressuscitant" au travers du corps de son propre enfant. Intolérable. La seconde fois, en se livrant aux gmorks, et en leur obéissant parfois lorsqu'il le fallait pour garder intacte sa couverture. Mais Liff s'était interrompu, et n'avait pas terminé sa question. Tant pis. Kuanshar était trop mal en point pour avoir de la suite dans les idées à l'heure actuelle. L'humain intégrait rapidement la non-humanité du roux. Il semblait relativement ouvert à la discussion, malgré sa réaction méfiante. Si il ne s'agissait pas d'un piège, alors tout cela s'annonçait plutôt bien... En attendant, Kuanshar avait besoin d'eau. Pour une raison quelconque parfois l'emprise du néant le terrassait, tandis qu'il parvenait à la contenir la plupart du temps. Il avait besoin de se purifier... Ou du moins, d'avoir l'impression de le faire. Il était souillé jusqu'à la moelle, et plus rien ne pourrait changer quoi que ce soit à cet état de fait.

Sa main glissa sur le bas de son visage, jusqu'à retomber. Un regard inquiet, si ce n'est nerveux, croisa celui du prétendu humain.

"Fontaine... Ce que vous voudrez... J'ai besoin d'eau... qui soit consommable, et dénuée d'énergies impures..."

Alleluia... Après un bref temps de latence qui sembla interminable à l'anteversien exténué, l'homme aux longs cheveux pointa du doigt... Quelque chose sur un mur. Un robinet. Etait-ce vrai..? De l'eau pure? A portée de main? Kuanshar ne prit pas le temps de répondre. Il en allait de sa santé mentale, et de celle, physique, de Liff. Il fonça sur le mur en question comme un affamé - ou en l'occurrence un assoiffé - et s'agenouilla, avant d'actionner le mécanisme salvateur. Un filet d'eau s'écoula. L'anteversien passa ses mains au dessous, et à quelques reprises, avala de grandes gorgées fraiches. Puis il lava son visage à grandes eaux de la même manière, quitte à être complètement trempé, de la tête au pied. C'était froid... Agréable, et pur. Mais rien ne parvenait à nettoyer sa salissure interne. La sensation de froid humide et tachant qu'il avait était toujours là... Comme si il avait été un morceau de néant. Il détestait cette sensation, il ne la connaissait que trop bien...

"Je n'aime pas ça... Je crois que... Tout près..."

Etait-ce bien son propre néant qu'il ressentait..? N'y avait-il pas autre chose, qu'une quelconque créature émettait de... pas si loin que ça? Les yeux écarquillés, le "jeune homme" releva la tête, non sans éjecter de l'eau un peu partout au passage. Il n'aimait vraiment, VRAIMENT pas du tout ça. Surtout quand son crâne lui donnait l'impression de se fendre en deux et que... oh non.

¤C'est ici que tu te cachais petit enfoiré..? Les traîtres comme toi méritent de finir les tripes à l'air... On devrait peut-être jouer au loup, hm...? Hérisson d'amour...¤

Une voix mentale, ironique. Et il la connaissait en plus... N'était-ce pas celle d'un gmork qu'il pensait pourtant avoir semé quelques heures avant de passer le portai... nom d'un chien. Il y avait de grandes chances pour qu'il l'ait suivi d'une manière ou d'une autre.

"Ils sont là..! Il y en a un tout près! Si je l'ai amené... Bon sang dans l'hypothèse où il n'y aurait que lui il ne faut pas le laisser prévenir les autres... Vous devriez partir, ça va devenir dangereux."

Alertée, la chose rousse et maintenant mouillée que constituait l'amas de chair de tissu et de cuir anteversiens dénommée Kuanshar se releva, vivement, d'un coup. A peine arrivé sur cette planète qu'il avait du pain sur la planche... Quelque chose lui disait qu'il n'en avait pas fini.

L'homme aux longs cheveux brun admira Kuanshar se précipiter sur la dite source, ou plutôt le robinet, qu'il ouvrit laissant l'eau s'échapper à grands jets. Puis il le regarda boire tel un assoiffé dans le désert, avant q'uil ne plonge carrément la tête sous l'eau, profitant quelques instants de la fraîcheur du liquide bienfaisant. Ca dura un petit moment, avec que le corps désormais fort mouillé du jeune homme ne se raidissent, comme si il prêtait attention à quelque voix intérieur. L'éclat de ses yeux qui s'écquarquillèrent alors de surprise inquièta Liff, qui fronça les sourcils, se tenait prêt à tout et n'importe quoi. Car il semblait que ni l'un ni l'autre n'étaient au bout de leurs suprises.


"Je n'aime pas ça... Je crois que... Tout près..." fit le roux en se relevant vivement, projetant de l'eau un peu partout.

"Ils sont là..! Il y en a un tout près! Si je l'ai amené... Bon sang dans l'hypothèse où il n'y aurait que lui il ne faut pas le laisser prévenir les autres... Vous devriez partir, ça va devenir dangereux."

Le visage de Liff se durcit. Il était résolu....non pas à fuir, mais à aider ce presque inconnu, comme seul Kyrka le ferait. S'il avait été un tant soit peu raisonable, il en aurait profité pour prendre les jambes à son coup: après tout, rien de ceci ne le concernait directement, lui n'était pas en danger à la base, ni poursuivit.

Mais avait-il jamais abandonné quelqu'un au combat? Pourrait-il laisser un ennemi de sa chère planète en fouler le sol sans rien faire? Et puis Liff avait envie de voir.
De mettre une image sur cette menace, de la graver dansz son esprit, de l'imprimer sur la surface de sa rétine, afin de ne pas l'oublier. Il ne comptait pas tolérer une telle présence ici, si il pouvait l'en empêcher. Et puis, il était parfaitement de taille à se défendre et ne comptait tout de même pas laisser Kuanshar, qui avait l'air tout à l'heure plutôt mal en point, se défendre seul face à l'adversaire. Les deux ennemis connaissaient sans doute leur point faible, Liff était une troisième force qui débarquait sur le champ de bataille. Il avait certes tout à apprendre, mais les gmorks aussi ne connaissaient rien de lui. Et il ne comptait pas leur laisser en apprendre.

Lorsqu'on en a l'occasion, il faut la saisir. Eliminer la menace immanente était désormais sa priorité.

"Jamais de la vie! Je ne vais pas vous laisser seul ici, alors que vous ne connaissez même pas le terrain! D'ailleurs, il vaudrait mieux trouver un endroit d'où nous pourrons le voir arriver. Mais d'abord..."

Il se saisit de son pinceau et s'approcha dangeureusement de Kuanshar. Alors qu'il étaient désormais si près l'un de l'autre, ce qui en soit pouvait être plutôt gênant et que Kuanshar ait eu le temps de protester, Liff appliqua doucement à l'aide de son pinceau un petit dessin représentant un soleil sur la joue du jeune homme, tout en murmurant des paroles qui de toute évidence, n'était pas du japonais.

"Bon, ça ne sera peut être d'aucune utilité, mais vous êtes désormais sous la protection du soleil."

En quoi ça consistait? Juste en un appui de la lumière. D'ailleurs si on y regardait plus près, Kuanshar semble posséder désormais une aura divine, ce qui était plutôt drôle, en y songeant. Il serait même plus juste de dire qu'il était sous la protection du Semeur...Cela faisait tellement longtemps qu'il n'avait pas employé ce nom....Ni ce vieux symbole d'ailleurs.

Kuanshar sursauta, et surpris, tourna les yeux sur Liff. Qu... Quoi? Il avait bien entendu? Peut-être n'interprétait-il pas si bien cette langue qu'il venait d'apprendre par miracle... Le japonais. Liff voulait aider. Ah... D'accord. Mais... qu'est-ce qu'un humain seul et mal renseigné pourrait faire contre un gmork? Liff avait dû mal le comprendre. Il ne pourrait rien faire contre cette créature, qui aurait tôt fait de manipuler sa pensée, de lui faire perdre toute envie de se battre, voire de le faire se retourner contre Kuanshar, ce qui était encore le pire des scénarios imaginables. L'anteversien n'avait aucune envie de prendre inutilement des vies... Déjà, devoir utiliser ses pouvoirs pour se défendre allait mettre en danger la population de cette planète. Autant éviter de faire d'inutiles dégâts... Qu'il connaisse ou non le terrain cet humain ne pouvait strictement rien faire pour lui! Ou alors... Cette confiance dont il semblait déborder, cette aide proposée si promptement... L'hypothèse du piège enflait de nouveau dans l'esprit du roux, dont les yeux se fermèrent légèrement, trahissant son doute. Il n'eut pourtant pas le temps de se récrier...

Liff lui fonça littéralement dessus, pinceau en main. Enfin... Kuanshar n'avait pas eu le temps de voir qu'il s'agissait d'un pinceau en fait. Ce qui amena sa réaction à être doublement plus violente. C'est par chance si Liff parvint à finir son dessin sans que cela ne ressemble à rien... Car derechef Kuanshar sauta en l'air, et recula de quelques bons pas, tout en portant la main à sa ceinture pour en tirer une dague courte, qu'il leva entre Liff et lui-même. Son coeur avait fait un bond. Son sang n'avait fait qu'un tour. Ses cheveux se durcirent. Leurs mèches se firent légèrement hirsutes.

"ARRIERE!"

L'autre main gagna sa joue pour se poser approximativement à l'endroit où le brun avait apposé la marque. Mince... Kuanshar s'était-il fait avoir? Roulé une seconde fois, et berné si grossièrement...Une lueur hagarde dans les yeux, il s'attendait à tout et à n'importe quoi. Une brûlure... Le néant qui l'envahirait... ou bien...

Une sensation agréable? Il n'avait plus froid... Il ne se sentait plus entaché de crasse humide jusqu'à l'os... C'était comme si... Il se sentait presque pur. Ce pouvoir n'avait rien de néfaste... La protection du soleil, hein..? Ce pouvoir n'avait rien à voir avec celui des gmorks. C'était même tout le contraire... La lumière était ce qu'ils craignaient le plus. C'était même une chance qu'ils aient laissé Kuanshar entrer à leur service alors que cette lumière était justement à la source de ses pouvoirs... Sa main armée retomba mollement, et il soupira. Il en laissa même tomber sa dague, rassuré. Sa main tremblait presque, signe de nervosité. Il avait vraiment eu peur... Il avait cru qu'il était fini. Il n'avait pas le droit de mourir... pas maintenant.

"Vous n'êtes pas humain... N'est-ce pas? Qui êtes-vous? Les humains n'ont pas de pouvoirs. C'est quelque chose que j'ai eu l'occasion de constater..."

... Il se reprit, se baissa, et ramassa sa dague pour la ranger. Il pouvait faire un minimum confiance à cet individu alors..? Bien. On allait en profiter.

"Quoique... On verra ça plus tard. Le temps presse. Les gmorks sont faibles face à la lumière. Il doit être certainement être caché dans un coin sombre, à moins qu'il se serve d'un anteversien pour se déplacer. Mieux vaut ne pas attendre que la nuit tombe pour l'éliminer... Il faut le trouver et l'entraîner... Peut-être..."

Du regard, il cherchait un coin exposé à la lumière, et tout à la fois isolé. Il n'y en avait pas beaucoup... Mais il y avait bien le toit de ce grand bâtiment, là-bas... Le toit de l'université. Kuanshar ne savait bien entendu pas qu'il s'agissait d'une université. Il ne savait pas ce qu'était une "université" pour tout dire...

"Peut-on aller là-haut?"

Que Liff le suive ou qu'il ne le suive pas, il était parti... Quel drôle d'oiseau il pouvait faire quand il s'y mettait.... Quelques secondes avant cela il était dague en main, sur le qui vive... Et maintenant il était calmé. Il partait en direction de ce bâtiment pour l'inspecter. La concentration se lisait sur son visage tendu. Ce gmork ne verrait pas la prochaine nuit... Ca ne devrait pas être trop dur de le tuer, car il était sans doute stupide. Ou arrogant. Ne l'aurait-il pas été qu'il ne l'aurait pas prévenu de sa présence. Encore moins en pleine journée.

Kuanshar semblait surprit. A croire que personne ne lui avait jamais proposé son aide, mais comme il avait parlé d'une résistance qu'il avait mené contre les gmorks, ce ne devait pas être le cas. Mais Liff comprenait surtout, malgré tout, que le jeune homme avait davantage tendance à ne compter que sur lui même qu'à s'appuyer sur les autres. En même temps, avec une trahison pareille, ça pouvait se comprendre non? Ce qui lui servait de coeur se souleva, un peu, légerement, se rapellant à son souvenir de manière désagréable. Il n'avait jamais compris pourquoi entre eux, les individus en venaient parfois à se faie autant de mal. Il ne se souciait guère du mal qu'on pourrait lui faire, à lui, peut être parce qu'il ne comprenait pas toujours les tenants et les aboutissants des choses, peut être parce que le temps ne lui étaient que guère compter, et que tout glissait sur lui, comme la pluie glissait sur les pavés avant que le soleil ne la sèche à nouveau, encore et toujours.

Quelque part, ils avaient eu raison: il était stupide. Liff ne s'attachait à rien, et c'était peut être ça qui lui manquait. Mais perdre était si douloureux....Il 'n'arrivait toujours pas à s'y faire. Alors il ne se mêlait que superficiellement à ces humains qu'il enviait, quelque part de vivre pleinement.

Si jamais il en avait eu le temps ou l'envie, Liff aurait rit au changement d'expression qui traversait le visage de Kuanshar. Sa main, après avoir tracé le dessin, ne s'attard pas sur la joue de Kuanshar, comme ses yeux qu'il détourna, évasif. Cela dit, il recula tout de même de surprise lorsque le rouquin le menaça d'une dague et tout à fait prêt à s'en servir, d'après son air déterminé.

"ARRIERE!"

Si Liff avait été un être humain normal, il aurait sans doute été vexé. Ou peut être même blessé. Mais là il avait juste envie de dire "What the fuck?"
La réaction l'avait surprise, et peut être était-il u peu blessé, c'est vrai mais ce n'était pas la première fois qu'on le traitait en ennemi, comme ce ne serait sûrement pas la dernière. Mais Liff, à défaut d'être blasé ne s'en souciait guère.

Cela dit, il fut soulagé quand l'autre arrêta de gesticuler et lâcha sa dague. Il faut dire que Liff n'avait jamais testé les potentielles limites de son "immortalité" possible. Voyant le visage de Kuanshar se détendre, il se dit qu'il avait eut raison quand même de ne pas employer un charme plus puissant, auquel il avait pensé, bien sûr, mais qu'il s'était interdit d'utiliser à cause des "conditions requises". Il fallait dire que ça avait tendance à créer des quiproquos qu'il n'était pas capable de gérer, malheureusement.

"Vous n'êtes pas humain... N'est-ce pas? Qui êtes-vous? Les humains n'ont pas de pouvoirs. C'est quelque chose que j'ai eu l'occasion de constater..."

Liff eut un sourire énigmatique, qui trahissait plus que de coutume sa non appartenance à l'humanité. Il avait apprit à cacher tout ça, mais parfois ça ressortait sans qu'il puisse y faire grand chose. Il n'eut pas le temps d'y répondre cependant, puisque Kuanshar était déjà reparti vers son idée première: éliminer le gmork tant qu'il en avait l'occasion. Apparement, la bestiole craignait la lumière, ce qui était déjà en soit un bon point, nota-t-il tout en suivant son vis à vis en courrant, afin de ne pas se faie distancer.

"C'est le toit de l'université par là! Il y a peut être un escalier de secours à l'extérieur pour y accéder...Sinon il faudra entrer dans le bâtiment."

indiqua-t-il à Kuanshar, tout en vérifiant que toutes ses petites affaires étaient bien rangés dans sa besace. Avec un peu de chance, tout ceci ne serait pas si difficile. Il espérait juste qu'il y avait bien un gmork, et que ceci n'était pas un piège pour leur tendre une embuscade...mais si la bestiole avait été plus intelligente, elle aurait attendue le moment où elle avait le plus de pouvoir à sa disposition, c'est à dire la nuit.

Bon. Liff suivait... A sa guise, puisqu'il semblait capable de faire face au surnaturel. Kuanshar espérait seulement que cet homme savait à quoi s'attendre, et qu'il ne lui mettrait pas de bâtons dans les roues en cours de combat. Les gmorks n'étaient pas des ennemis à prendre à la légère. Maintenant qu'il avait la quasi-certitude que Liff n'avait rien à faire avec eux, il lui restait une inquiétude. Il allait d'ailleurs vite en faire part au brun. C'était fou... Ca faisait longtemps qu'il n'avait pas autant parlé. Lui qui n'était bavard que pour donner ordres et instructions, à l'origine... Lui qui ne parlait longuement qu'à Shayndar, restant la plupart du temps renfermé... Lui qui se contentait de broyer du noir seul dans son coin avait drôlement raconté sa vie depuis le début de cette entrevue. Mais il aurait été difficile de faire autrement tout bien réfléchi... Comment Liff aurait-il pu comprendre quoi que ce soit sans explications précises? Tandis qu'il tenterait d'étendre l'emprise de Tamdit'an Aruzc sur ces terres, il lui faudrait encore de nombreuses fois réitérer ces explications, pour joindre les humains à sa cause... Beaucoup d'humains, car en petit nombre, ils étaient inutiles.

"Leur plus grande force consiste à vous saper toute envie de résister... Ce sont les maîtres de la manipulation mentale. Ils tenteront de nous faire perdre espoir pour prendre l'avantage. C'est ainsi qu'ils nous font perdre l'esprit... C'est ainsi qu'ils nous ont asservis. Qui que vous soyez et quoi que vous soyez, préparez-vous car si ils vous ont vous ne serez plus qu'un boulet pour moi..."

Ca, c'était direct. Mais Kuanshar n'avait que faire de la politesse soyons clair... Tout ce qui comptait, c'était les résultats. Il avait appris à être pragmatique à force de temps... Et de toutes les manières il ne pouvait plus racheter ses péchés, alors un de plus, un de moins, hein... Il avait enregistré l'information donnée par Liff ceci dit. Un escalier de secours, hm..? C'était mieux que de mettre en danger les potentiels humains postés à l'intérieur du bâtiment, c'était certain. A la recherche d'un potentiel escalier, il commença donc à tourner autour du pavillon principal... Jusqu'à ce qu'une sensation froide le traverse. Son regard opaque s'anima d'une faible lueur, signe que sa garde se renforçait. Sur le qui-vive, il se baissa, et posa deux doigts au sol, pour l'inspecter d'un œil vif. Il restait des traces de cette aura néfaste qu'il ne connaissait que trop. Il y en avait un qui venait de passer ici récemment... TRÈS récemment... Son côté sauvage reprenait le dessus, et il lança une main en arrière, pour faire signe à Liff de ne pas continuer d'avancer.

"Sauf si il n'est pas seul... Il est tout près d'ici..."

Ce n'était pas l'heure de se soucier des détails... Il inspecta les alentours. Rien de spécial... La bestiole était sans doute cachée dans le parc, sous le couvert des arbres. L'anteversien sonda donc la zone. Il captait la présence de petits animaux, tels des mulots, des écureuils... Cas d'urgence faisant, il prit le contrôle de la vision de l'un d'eux, dont le rythme cardiaque semblait particulièrement élevé. Ses mains se relevèrent, jusqu'à ce qu'il les porte au niveau de son torse. Ah... Oui c'était bel et bien un écureuil qu'il parasitait. Comme à l'habitude, il s'imbibait des réflexes de l'animal... Et par ses yeux, il voyait...

L'adrénaline monta dans ses veines. Bingo... La créature n'était pas loin. Elle se cachait dans un fourré épais, que l'écureuil venait de fuir, alors qu'il avait bien failli se faire tuer par la patte de la bête. Elle n'était même pas avec un esclave anteversien... Quel gmork idiot! Un sourire dément s'étira sur les lèvres de Kuanshar. Houlà... Il faudrait qu'il pense à ne pas trop forcer la dose. Ce pouvoir était dangereux pour sa santé mentale. Déjà, de son corps émanait un néant épais qui lui faisait tourner la tête...

"Dans le parc... quel imbécile. A moins que cela ne soit un piège et qu'ils soient plusieurs... Ne manque plus qu'à l'acculer..."

Mais ce n'était pas ce que semblaient signifier les présences des animaux terrestres du périmètre. Bien... C'était déjà une bonne chose de faite! Et maintenant il fallait trouver le moyen de monter sur ce fichu toit. Était-ce une impression? La luminosité semblait baisser. L'anteversien se releva, chancelant. Il n'avait pas quitté l'esprit de l'animal, dont il suivait toujours la course. La raison en était simple: il aurait peut-être besoin de ses dons, et tant qu'à sacrifier des vies... Autant n'en sacrifier qu'une seule. Cet écureuil n'allait sans doute pas survivre longtemps.

Liff suivait effectivement à vive allure son comparse, afin de ne pas se faire distancer. Bon, grâce à ses longues jambes, ce n'était pas trop difficile, mais Kuanshar semblait avoir de l'endurance, et surtout, être diablement pressé de retrouver ce gmork. Ce qui était plus que compréhensible, quand on connaissait un tant soit peu les griefs qu'il avait contre cette race, ou espèce, peu importe. Il fallait avouer qu'asservir tout un peuple d'ordinaire pacifique, à cause de la faute d'un seul, et ravager leur monde, c'était impordonable, et jusque là, Liff comprenait bien les réactions d'urgence de son nouvel "ami". Mais pas (entièrement) dupe, il sentait bien qu'il y avait quelque chose de plus là dessous. Quelque chose de plus personnel aussi, qui avait peut être un lien avec l'étrange vague de froid qui avait violement jailli du roux, lorsque celui-ci s'était sentit mal.

Il hocha la tête aux paroles du dit rouquin. Il était peut être froid et sans détours dans ses paroles, mais il avait raison. Désormais sur la piste d'un ennemi, ils n'avaient plus le temps de s'embarasser de politesses, certes parfaitement d'usage en d'autres circonstances, mais ici, plutôt inutiles. Il ne s'en chagriant donc pas, bien au contraire, puisqu'au grand déplaisir de certain, Liff avait la fâcheuse tendance à être plus franc que ce que la bienséance autorise. Ils fonçaient, couraient tel le vent même, à la recherche d'un escalier de secours tout en contournant le bâtiment, lorsque Kuanshar stoppa net. Liff faillit lui rentrer dedans mais s'arrêta tout juste alors que le jeune homme se baissa, examinant une trace que lui seul pouvait voir, ou ressentir.

"Sauf si il n'est pas seul... Il est tout près d'ici..."

A partir de là, l'homme aux longs cheveux bruns ne comprit pas franchement ce que pouvait bien faire son compagnon plus ou moins forcé. Il examina d'un air un peu inquièt Kuanshar, qui semblait concentré sur quelque chose au delà des perceptions humaines habituelles, comme l'indiquait son regard lointain. Liff jugea bon de ne pas intervenir, car il savait que ce genre d'exercice pouvait nécessiter une attention particulière, du genre qu'il n'était pas bon de distraire, au risque de produire une catastrophe. Cea dura un ourt instant, qui lui sembla pourtant s'éterniser avant que l'antéversien ne prenne à nouveau la parole.

"Dans le parc... quel
imbécile. A moins que cela ne soit un piège et qu'ils soient
plusieurs... Ne manque plus qu'à l'acculer..."

"On va devoir trouver cet escalier, alors. Quant à savoir si ils sont plusieurs...On verra bien quand on y sera."

Pour le coup, Liff pouvait sembler un peu tête brûlé, mais ce n'était qu'une impression. Ce n'était pas non plus qu'il accordait une confiance sans borne à ses capacités, quelles qu'elles soient, d'ailleurs. Non, c'était tout simplement qu'il savait qu'à deux, ils auraient plus de chance déjà que seuls contre un groupe, et qu'ils disposaient déjà d'un avantage de taille: la lumière du soleil. Pour le reste, il savait gérer un groupe d'ennemis à lui seul, mais ce n'était pas le problème. Ce qui lui fit tirer un sourire était simplement qu'il avait un tour dans son sac qui leur ferait un effet certain.

"Ca va aller?" demanda-t-il tout de même à Kuanshar, tout en effleurant presque timidement son épaule. Le voir chanceler l'avait un peu inquiéter tout de même. Il ne savait pas de quels pouvoir le roux disposait, mais leur utilisation lui paraissait dangeureuse. Cela dit, si il lui touchait "timidement" l'épaule, ce n'était en aucun cas du à une quelconque gêne, mais plutôt parce qu'il avait la nette impression que Kuanshar n'était pas très tactile, contrairement à lui et n'appréciait guère les contacts physiques.

Kuanshar acquiesça. Il était parfaitement d'accord avec Liff: maintenant que l'ennemi était localisé, il leur fallait avant tout trouver le moyen de gagner le point qui devrait leur servir de champ de bataille, pour éviter de mettre en péril les potentiels passants, quels qu'ils soient.

"Tout à fait. Et si cet escalier n'existe pas, il faudra se contenter de l'arrière du bâtiment... Si il n'y a pas trop de passage."

L'anteversien se releva. Son pouvoir lui montait à la tête... Il devait se dépêcher d'en finir, avant que cela ne devienne risqué. La main de Liff s'était posée sur son épaule, doucement, mais suffisamment pour le faire sauter en l'air: une vie de fuite et de combats l'avait rendu extrêmement nerveux. On avait déjà eu l'occasion de constater qu'il démarrait au quart de tour. Un vif regard sur cette main intruse... Qui se tourna sur le brun tout aussi vivement. ll allait sans doute falloir qu'il s'habitue à ce comportement. Après tout... Le mode de vie sur cette planète était sans doute extrêmement différent de celui auquel ils étaient tous forcés dans son monde d'origine... Sans un sourire, Kuanshar entreprit de rassurer son euh... nouveau compagnon de bataille? Ils s'étaient à peine rencontrés qu'ils allaient devoir se serrer les coudes pour anéantir un gmork... Parfois, la vie réservait de drôles de surprises.

"J'en ai vu d'autres. Faites attention à vous plutôt qu'à moi... Quand ça aura commencé, restez loin de moi, si vous tenez à votre santé. Même si..."

Un coup d'œil suspicieux. Oui... Cet homme n'était pas humain. Il n'était pas dit qu'il soit sensible à ces espèces de... radiations que Kuanshar émettait lorsqu'il se battait. Mais dans le doute mieux valait prévenir. Bon... c'était pas le tout, mais il fallait trouver cet escalier. Kuanshar se tourna donc sans un mot de plus. Il reprit son avancée, toujours sans broncher. Il ne courait plus. La vision de cet écureuil dans un coin de sa tête le déstabilisait trop pour qu'il se le permette... Il aurait bien été capable de se mettre à avancer en faisant des bonds, sans même s'en rendre compte.

Vint le coin du mur. Le roux tourna donc et... Tomba nez à nez avec ce qu'il cherchait. Un escalier en colimaçon grimpait le long de la façade jusqu'à gagner le toit du bâtiment, protégé par une grille métallique. Ses yeux s'ouvrirent un peu face à ce spectacle réjouissant, mais ce fut là sa seule réaction. Il était trop concentré pour que quoi que ce soit d'autre vienne. Il s'approcha de la structure, et leva la tête.

"Ca devrait aller."

Fallait-il encore vérifier que là haut, tout était bien pour accueillir un combat. Kuanshar posa ses mains sur la rampe d'escalier, puis sans crier gare, il choisit une manière plutôt originale de grimper les marches... Il voulait faire vite, et surtout, les instincts de cet écureuil commençaient à effacer sa raison. Il prit son élan, et bondit. Et il alla plus haut qu'on aurait pu s'y attendre... S'envolant de deux bons mètres suite à cette prise d'élan, il se rattrapa à la bordure extérieure de l'escalier une fois encore... Sauf que ce coup-ci il était bel et bien perché. Les pieds rapidement posés sur la dite bordure, il recommença, une fois, deux fois... Jusqu'à arriver au niveau du toit. L'altitude ne l'effrayait pas. A vrai dire, le danger auquel il s'exposait était le dernier de ses soucis à l'heure actuelle... Il était en train de réfléchir. Tout ça semblait trop simple. La manière dont ce gmork l'avait prévenu de son attaque prochaine... Le peu de prudence dont il faisait preuve... Et si le gmork avait prévu le coup? Et si quelque chose les attendait déjà là haut, Liff et lui..? Après tout ce toit était stratégiquement parlant le meilleur endroit pour démarrer un combat en journée... Ça voulait dire qu'on pouvait toujours s'attendre à avoir de la visite. Kuanshar fronça les sourcils. Si un quelconque ennemi attendait, là, alors il devait déjà avoir senti son aura. Pour cette raison, il se devait d'agir vite.

Sa pupille se dilata. Plus précisément, le noir de la dite pupille se perça d'un point blanc, point blanc qui s'élargit jusqu'à remplacer la prunelle, et écarter les bords de l'iris. Soudain l'air sembla grésiller devant ses yeux, puis la grille métallique du toit commença à rougir, à l'endroit où il la regardait. La grille incandescente ne mit qu'une à deux secondes à fondre. Sans perdre de temps, Kuanshar banda ses muscles... Et bondit à nouveau. Hors de question de se laisser cueillir les capacités de l'écureuil étaient plus que bienvenues... Après un "vol plané" de plus de trois mètres, Kuanshar atterrit sur le toit, et se retourna non sans déraper un bon coup. Vivement, ses yeux qui avaient retrouvé leur allure habituelle se tournèrent en direction de l'escalier... Où attendait un homme. Cheveux bleus, grande stature... Il avait l'air absent. Et pourtant, Kuanshar venait de le surprendre en passant au dessus de lui...

"Espèce de..."

Il venait de parler anteversien, très clairement. Un sourire acide gagna le visage de Kuanshar: il en faudrait plus pour le surprendre.

"Je te le retourne... Pantin décervelé."

Il suffisait de voir les yeux de l'ennemi pour comprendre qu'on ne pouvait plus rien attendre de cet esprit faible qui avait cédé face aux gmorks. Sans aucune pitié, Kuanshar laissa donc ses iris reprendre cette forme particulière. L'onde lumineuse malsaine qu'ils émettaient fonça droit sur l'ennemi, lequel hurla tandis que la moitié de son visage se changeait en caramel, mélange de chair brûlée et d'os noircis. Il avait esquivé d'un pas sur le côté, ceci dit... Kuanshar avait voulu viser les yeux. A croire que l'ennemi connaissait son pouvoir. La radioactivité commençait à grimper, autour du fugitif. Il cessa donc de suite d'utiliser ses pouvoirs. Aussi pragmatique qu'il put être, Kuanshar préférait éviter d'irradier tout ce qui l'entourait tant qu'il avait la possibilité de faire autrement. L'anteversien déjà bien amoché lui fonçait dessus... Peut-être allait-il pouvoir en finir juste avec une arme blanche après tout? Le roux se prépara donc à intercepter l'ennemi. Concentré, il sortit sa dague de sa ceinture. Au cas où ça tournait mal, il avait toujours la possibilité d'en finir d'un simple regard après tout, tant que son adversaire ne s'éloignait pas à plus de quatre mètres... Ce qu'il ne semblait avoir envie de faire pour l'instant. L'idiot. Où était Liff? Kuanshar était aussi plutôt curieux de voir comment réagirait son "compagnon" dans cette situation. Histoire de jauger ses capacités en se servant pour cela de ce combat peu sérieux - l'anteversien n'allait pas être dur à tuer.

Bon ils étaient d'accord sur le déroulement des opérations (si l'on peut dire) ce qui était déjà une bonne chose en soi. Bon, Liff aurait dû se douter que la réaction de Kuanshar serait tout aussi vive que précédemment, mais il ne put s'empêcher de reculer d'un pas lorsque ce dernier se retourna vivement, pareil à un gamin prit sur le fait.

"Tout à fait. Et si cet escalier n'existe pas, il faudra se contenter de l'arrière du bâtiment... Si il n'y a pas trop de passage."

Mais il n'y avait pas de quoi se sentir fautif, pourtant. Il ne pouvait s'empêcher de se demander si le roux supportait tout simplement très mal le contact, si c'était dû à sa nature méfiante ou encore à sa culture, qui n'encourageait peut être pas ce genre de contact, surtout entre hommes. Quoique comme toujours, Liff n'avait bien sûr aucune idée derrière la tête. Mais il savait bien que longtemps sur terre, les hommes ou les femmes avaient dû cacher leurs préférences sexuelles jugées immorales, immondes ou tout autre adjectif péjoratif par la société. Bon, ce dernier siècle, tout ceci avait beaucoup évolué, mais que pouvait-il en être dans la contrée d'origine de Kuanshar?

"J'en ai vu d'autres..Faites attention à vous plutôt qu'à moi... Quand ça aura commencé, restez loin de moi, si vous tenez à votre santé. Même si..."

Liff ne le savait pas, et espérait juste que son geste n'avait pas été mal interprété.Avec ce regard suspicieux qu'il lui avait lancé, c'était difficile à dire. De toute façon, ce n'était pas comme si il n'avait jamais rien compris à ces histoires. Malgré sa culture générale importante sur le sujet, particulièrement en ce qui concernait la littérature, qui est truffée de romans d'amour plus ou moins bien, Kyrka ne voyait pas vraiment où était le problème, puisqu'il aimait tout le monde. Bon, peut être pas tout le monde.
Par exemple, malgré toute sa bonne volonté, il n'avait pas pu apprécié les parents de Clément, qui avait peut être des qualités. Liff n'aimait pas juger sans connaître, mais il devait avouer que le peu qu'il en avait vu lui avait amplement suffit.

Un jour, une fille qui l'aimait lui avait rétorquer qu'il ne pouvait pas comprendre ses sentiments. Et c'était malheureusement vrai. L'homme, ou plutôt la divinité saisissait bien la base, mais pas la profondeur que pouvait avoir l'amour exclusif d'une personne à une autre.
Il acquiesça, l'air un brin absent aux paroles du jeune homme, qui semblait déterminé au possible.

Trouvant l'escalier, ils se précipitèrent donc dessus. Quelle ne fut pas sa surprise lorsque son coéquipier le franchit en quelques bons, digne d'un chat agile. Ce qui eut le mérite de le réveiller un peu, tout perdu dans ses pensées qu'il était (et guère attentif à ce qu'avait bien pu lui dire le rouquin, en fait!)

"Oh! C'est drôlement pratique comme pouvoir!"

Il regretta un peu de ne pas pouvoir faire quelque chose d'aussi amusant, mais poursuivit son chemin sans s'arrêter, tentant de rattraper son restard en gravissant les marches quatre à quatre, ce qui était un peu plus pénible, mais pas très fatiguant pour lui, puisqu'il était en excellente condition physique (malgré ce qu'on aurait pu croire).

Lorsqu'il arriva enfin en haut, il avisa Kuanshar, qui semblait aux prises avec un individu qui avait déjà un peu souffert. Il les entendit parler dans une langue qu'il ne connaissait définitivement pas. Tout cela était troublant, mais l'homme chassa ses doutes, balayant ses encombrantes pensées d'un grand vent. Maintenant, il n'avait plus qu'à se concentrer sur ce qui les occupaient: l'élimination du gmork. Qui ressemblait à s'y méprendre à un humain. Attendez...Non, c'était l'antéversien, manipulé.

Alors qu'il fronçait ses sourcils, il sortit de sa besace son carnet, dont il arracha prestement des feuilles. Non, cet homme n'était pas humain. Ce qu'il ressentait à son approche n'avait rien d'humain, il pouvait en être certain à présent. Il effectua aisément un pliage compliqué, avant d'allumer ses papiers en forme de grue à l'aide d'un vieux briquet.

"Et maintenant, brûlez."

Prononça-il, à nouveau dans une langue ancienne, qui roula cette fois-ci comme le grondement du tonnerre sur sa langue. Il profita du fait que le type, occupé par Kuanshar ne faisait pas attention à lui. Les nombreuses grues s'enflammèrent et formèrent une ronde autour de l'inconnu et avant qu'il n'ai eu le temps de comprendre, elles se collèrent à lui.

"Intensément."

La flamme se raviva, formant un brasier et transformant le pauvre antéversien en torche vivante. Si il n'avait pas moyen d'éteindre le feu magique, il allait certainement y passer. Liff le regarda se tordre de douleur et hurler de ses yeux verts froids et indifférent. Il ne grimaça même pas lorsque parvint à ses narines l'odeur de la chair brûlée.
Pour l'heure, il observait, très semblable à une divinité appliquant un châtiment. Sauf que lui ne punissait pas les mortels. Son air grave et indifférent, ses yeux qui s'étaient fait de glace et sa voix profondes aux accents étranges reforçaient cette impression de quelque chose d'inhumain, définitivement.

Sur le qui vive, Kuanshar restait concentré sur sa cible, même s'il ne l'attaquait plus. Il esquiva une attaque puisque l'ennemi lui fonçait dessus sans réfléchir. N'allait-il pas user de son pouvoir..? Ca pouvait arriver à tout moment, et comme ce pouvoir lui était encore inconnu, Kuanshar faisait bien de garder ses distances. Mourir était une chose qui dans ce genre de situation pouvait advenir au moment où l'on s'y attendait le moins... Son ennemi n'avait par exemple certainement pas prévu de se faire brûler une moitié de visage avant même que le combat commence vraiment. Le hurlement rageur de l'anteversien amoché retourna au fond de sa gorge, alors qu'il se retournait, vivace. Sa main tendue en arrière semblait vouloir tout dire: il préparait quelque chose... Mais quoi? Il avait eu le temps de baragouiner trois syllabes alors même que Kuanshar s'apprêtait à recommencer l'offensive, pour cette fois-ci ne pas lui donner le temps de faire une démonstration de ses capacités.

Ceci dit, quelque chose arriva. Kuanshar avait bien fait d'attendre: comme il le souhaitait, il allait avoir un aperçu de ce dont ce mystérieux Liff pouvait bien être capable. Et une chose était sûre... Il n'allait pas être déçu. Il recula de quatre ou cinq pas tandis que les figurines enflammées fonçaient sur l'ennemi, et se collaient à sa peau. Son souffle lui faisait défaut. Il avait du mal à respirer et la tête lui tournait... Mince. Pourtant, il était endurant. Avait-il trop tiré sur les ressources de son organisme ces derniers jours? Ne pas manger, ne pas dormir, à peine boire... Il était évident qu'il mettait son corps à rude épreuve. Mais pour survivre, il n'avait pas pu faire autrement. Tamdit'an Aruzc ne pouvait pas perdre son leader... Pas dans un moment pareil, pas juste alors qu'elle avait presque été démantelée.

Pourquoi cette pensée à un moment pareil? Ses yeux semi-fermés voyaient dans un film opaque une silhouette enflammée, qui titubait. Il perdit l'équilibre et se rattrapa grâce à un pied posé à la sauvette en arrière. Puis il se força à regarder. Ce spectacle l'intéressait... Il cligna des yeux jusqu'à ce que le monde paraisse de nouveau clair. L'homme brun, dont l'identité lui semblait de moins en moins claire, n'avait pas tout à fait terminé. Sa voix, transformée par des mots qui n'étaient vraisemblablement ni japonais ni anteversiens, sonnait comme le glas d'une malédiction sacrée. C'était austère, et relativement impressionnant. C'était tout... ce que cet individu n'émanait pas en temps normal. Les pupilles du roux se dilatèrent, avant de se tourner sur Lif...

Ah non. Dans une dernière tentative désespérée, la torche humaine fonçait sur Kuanshar, vraisemblablement dans le but de l'emporter avec elle dans les flammes de l'enfer... Bénissant le sacrifice de ce pauvre écureuil qui n'allait décidément pas survivre à cette affaire, le rouquin se baissa, puis fit un grand saut sur le côté, qui lui valut d'atterrir contre la barrière métallique du toit. Il ne se laissa pas démonter: accroché à cette dernière comme le rongeur que ses profonds instincts du moment faisaient de lui, il tourna la tête. Ses yeux se modifièrent à nouveau pour présenter à la place de leur iris habituel un disque blanc entouré d'un fin cercle rouge... L'air grésilla, et il y eut même une étincelle, qui enflamma un instant durant l'oxygène qui le séparait de l'ennemi. Un gargouillement d'agonie... La carcasse cessa d'avancer, alors même que sa boîte crânienne éclatait comme un fruit mûr, vraisemblablement à cause des radiations qu'émettait la lumière de Kuanshar. Son visage n'était plus que bouillie, et son cerveau se répandit sur le sol dans un bruit de mouillé peu ragoutant. Le corps s'étala sans plus de manières. Il n'avait pas eu le temps de réagir... Mais à quel prix?

Kuanshar soupira. Ses pupilles retrouvèrent leur aspect normal, et il descendit de son perchoir. Le calme était revenu sur le toit, ou du moins ça n'allait pas tarder d'être le cas maintenant que ce premier ennemi avait été annihilé. Il leva un regard troublé bien que très intéressé sur Liff, cet homme mystérieux, qui pouvait manier le feu. Kuanshar n'allait pas pouvoir le laisser tranquille, c'était évident. Tamdit'an Aruzc avait besoin d'alliés de cette trempe, et le roux allait faire son possible pour ne pas laisser passer la chance de devenir une menace plus conséquente contre l'invasion gmork...

"Joli travail... Quand tout ça sera terminé, je pense que j'aurai définitivement à vous parler, si vous n'y voyez pas d'inconvénient..."

Et pour la première fois à l'égard de Liff, Kuanshar sourit. Enfin... Il ne fallait pas rêver. Ce n'était pas là un sourire large ni bienveillant. Non... Plutôt, il y avait dans cette expression une part de mystère et de roublardise qui montrait clairement que Kuanshar n'avait pas l'intention de parler de pâquerettes et champs de blé avec son vis-à-vis. Kuanshar ne devenait pas stupide, ni même imprudent... Il devenait juste plus sérieux. Tiens mais par contre... Est-ce qu'il ne faisait pas drôlement noir, d'un coup..? Le visage du roux, d'une traite, s'assombrit. Il tourna un regard noir sur le soleil... Qui d'un coup avait bien pâle mine. Il devenait grisâtre... La luminosité baissait. Il jura, entre ses dents.

"Tss... Ce pantin était donc un feux... C'est donc ça qu'il a eu le temps de faire..."

Il s'approcha du grillage, du côté de l'escalier. Son visage grave voulait tout dire. Son air lointain montrait que son attention était ailleurs... et en effet, il se concentrait sur la vision de l'écureuil, qui était grimpé dans l'arbre au dessous duquel le gmork, dans son fourré, pestait. Il sentit une accélération du rythme cardiaque de la bête. Les yeux de l'animal se tournèrent vivement sur le fourré, dont sortait en trombe un grand loup noir.

"Préparez vous... Le plat de résistance arrive..."

Il s'attendait à voir sortir la créature du couvert des arbres, à tout moment. Le soleil continuait de perdre sa couleur... combien de temps cela durerait-il? Fichtre... Les autochtones, peu habitués à ce genre de magies, allaient être affolés...