Niveau de batterie critique...

Une soirée de plus qui s'écoulait, comme si de rien n'était... Et ce soir, Ayame avait décidé de rester seule. Etait-ce véritablement un choix? Elle était en froid avec quasiment toutes les personnes qui auraient pu alléger sa solitude il fallait bien dire... Qui plus est, depuis quelques jours, son état ne cessait de se dégrader. Elle ne voulait inquiéter personne inutilement. Elle savait parfaitement ce qu'elle aurait du faire, ce qui pendant un temps lui aurait permis de tenir la route à nouveau... Elle se demandait seulement pourquoi elle avait tant attendu. Cela faisait trois jours déjà depuis ce "tremblement de terre" n'est-ce pas..? Peut-être cette outrageuse procrastination tenait du fait qu'elle répugnait à l'idée d'informer Angra comme Kureno de ce qu'elle avait prévu de faire pour euh... Leur bien commun? Bref. Ce n'était pas non plus ce soir que "ça" arriverait... De un elle n'avait encore prévenu personne. De deux, elle était bien trop proche de se payer une crise pour ça... Ca aurait pu très mal se finir à l'heure actuelle. Elle préférait donc attendre de s'être éloignée du gouffre de ses propres abysses psychiques, plutôt que de courir gaiement sur le rebord au risque de tomber.

Arriverait-elle à se calmer ceci dit? Ca semblait de plus en plus compromis... Peut-être était-ce trop tard... oui. Peut-être avait-elle trop tardé. Cette hypothèse, plutôt probable, générait en elle une anxiété qui se matérialisait dans sa gorge sous forme d'une boule douloureuse. On n'était pas sorti de l'auberge... Quoique. Cette réflexion était plutôt ironique... Car justement, de l'auberge, elle en sortait. Enfin.. Certes, c'était plutôt un bar. Encore une fois ce soir... Ou plutôt cette nuit, elle avait ressenti le besoin de sortir, d'écumer les rues les plus sombres de la ville, pour évacuer tout ce qu'elle portait sur ses épaules, qu'elle tentait maladroitement de garder pour elle, et qui la faisait exploser de temps à autres. Ce soir en particulier, elle ne voulait rencontrer personne... Elle s'était plongée dans les quartiers de son adolescence, qu'elle n'avait en commun qu'avec quelques vieilles racailles qu'elle n'avait pas vu depuis des lustres.

Dès la porte passée, elle soupira. Elle s'appuya contre le mur à droite de l'entrée, non sans trahir son intense lassitude. Elle était extrêmement pâle ce soir... On aurait presque dit qu'elle souffrait d'anémie, même si ce n'était pas exactement le cas. La tête lui tournait légèrement. Pourtant elle n'avait pas bu beaucoup contrairement à ce qu'elle s'enfilait d'habitude lorsqu'elle n'était pas dans son assiette. La fatigue faisant, elle tenait moins l'alcool qu'en temps normal. Elle laissa retomber sa main, et de cette dernière, un mégot tomba. Elle venait à peine de finir sa clope... Mais qu'importe. La main retrouva un instant la vie, le temps disons de partir chercher une nouvelle cigarette dans sa poche, de la coincer entre ses lèvres, et de l'allumer d'un coup de pouce rapide. Elle n'avait même pas caché sa main le temps d'accomplir son forfait notons... Elle devenait imprudente, avec la fatigue.

Elle passa une main sur son front, ferma brièvement les yeux... Depuis quelques heures, ses pupilles n'avaient plus cessé de tressauter... De passer de rondes à allongées deux fois dans la même seconde.. Sérieux, elle ne pouvait même plus se permettre de lever les yeux sur quiconque, comme elle n'avait pas de lunettes de soleil... C'est pour cette raison, et aussi parce qu'elle avait commencé à se sentir encore moins bien qu'avant, qu'elle était sortie de l'établissement après avoir fébrilement payé son dû. Sa main, tenant la cigarette, retomba dans un geste large, tandis qu'un nuage de fumée échappait à ses lèvres. Elle se tourna, puis continua sa marche, sans trop savoir où elle souhaitait aller.

Se balader dans les ruelles malfamées, risquer de mauvaises rencontres, se mettre en danger tout en se délectant de ce sentiment d'insécurité, même si dorénavant qu'elle n'était plus la même, tout cela avait bien changé... Même ça, qui en général savait lui redonner assez de punch pour affronter n'importe quelle situation...Même ça n'arrivait plus à la faire revenir. Le sang dans ses veines battait fort, réclamait son dû... Merde. Ca allait mal se finir à ce rythme... Il fallait qu'elle s'éloigne de toute population... Limite, il y aurait fallu qu'elle soit attachée..! Ca n'allait pas le faire du tout...

Arrivée au coin d'une impasse, elle s'y engouffra, chancelante, pour à nouveau s'appuyer contre le mur. Son esprit devenait chaotique... Elle tomba à genoux, alors qu'elle échappait un son entre le hoquet et le grognement. Elle plaqua son dos contre la paroi, puis sa tête. Une énergie mauvaise tentait de s'échapper d'elle... Ses yeux se mirent presque à luire, leur blanc se tâchait de noir dans les coins. Elle tremblait. Le froid? Il fallait dire qu'elle était sortie en chemise, les bras de cette dernière relevés jusqu'aux coudes qui plus est... Elle n'avait toujours pas pris l'habitude de sa frilosité nouvelle. Là n'était pas la seule raison de ses tremblements ceci dit... C'était comme si elle était sur le point de se payer une crise de nerfs surnaturelle...

"Putain..."

Inspiration forte... Expiration. Elle ne pouvait pas se permettre de se laisser submerger... Pour une fois qu'elle s'était coiffée, même si elle gardait bien entendu son allure "négligé artistique" habituel, ça n'allait pas durer bien longtemps... Depuis quand prenait-elle soin de cette apparence au fait..? Depuis quand l'acceptait-elle pleinement..? Elle ne savait plus, mais chaque jour qui passait, elle reprenait ses anciennes habitudes et les appliquait à sa "nouvelle" forme, à croire qu'un jour viendrait où elle ne ferait véritablement plus la différence... Si ce n'était pas déjà fait. Bon. Allez... On se calmait... On se calmait... Il fallait qu'elle parvienne à retrouver son self-control, sinon elle ne savait franchement pas comment elle allait finir la soirée...

Vroum boumboumboum... C'est un peu ce que fit la Honda Hornet d'Han-Ryu en plein milieu d'une avenu tantôt. Jijin avait eut un petit problème cardiaque diront nous. C'est ainsi que l'anteversien avait fait le tour de la ville en poussant sa moto, afin de trouver le meilleur garage qu'il puisse fournir à sa dulcinée. Bien entendu, très pointilleux, il y avait passé cinq heures. Mais ça y'était, il avait laissé Jijin dans les mains de quelqu'un qui s'y connaissait; Bien entendu, c'était mal connaître Han-Ryu que de croire qu'il avait eut confiance en un humain pour s'occuper de sa moto. Oh que non, il avait laissé un petit pourboire dans la mécanique. Si jamais l'autre démontait sa moto ou changeait des pièces qui n'étaient pas malade, il aurait quelque soucis, et si il maltraitait Jijin, et bien il n'aurait plus qu'à choisir la couleur de sa pierre tombale !
Maintenant l'anteversien marchait, pas que ça l'enchantasse, mais il ne pouvait rien faire d'autres de toute façon. Il avait démonté une bande de cul terreux qui avait eut le malheur d'essayer de l'escroquer, et maintenant il s'ennuyait un peu.
Cela dit, il s'ennuya qu'un court moment car son regard capta quelqu'un au travers d'une ruelle. Il lui fallu trois pas pour se rendre compte que le destin lui avait livré Ayame sur un plateau d'argent; Cela dit, il devait faire quelque chose, car si il s'approchait avec cette dégaine, elle lui latterait la figure après l'avoir chamallowisé au feu de bois !
Il lui fallait un plan. Il lui fallait...
Jackpot ! Il avait trouvé. Il s'avérait qu'un type déboulait juste là et au bon moment. Han-Ryu sauta sur l'homme en question et le traina sous un porche pour l'assommer. Il ne lui restait plus qu'à trouver un endroit sûr où déposer Tae-Jin. Vengeance oui, mais Tae-Jin ne devait pas en faire les frais ! Le blob garda son humain sous la main, puis il cacha le squelette dans un bosquet, ^prenant soin de poser le même sort que sur sa moto, mais cette fois-ci en plus méchant. Celui qui s'approcherait perdrait tout bonnement la vue.
Bien, maintenant, bloby se liquéfia et pénétra dans l'humain. Il se leva, puis fit quelques pas, histoire de voir si c'était convainquant. Et ça devait bien l'être... Il fit un sourire pris un peu d'assurance et se mit en route.

Spoiler:

L'enveloppe lui plaisait bien, dommage qu'il ne pouvait pas la garder, cela dit, il pourrait toujours essayer de le retrouver si il en avait encore besoin.
Un loubard de la nuit, ça suffisait bien pour entamer sa phase « morflage Angraïen »

Tout, touloutou, le violacé avançait en sifflant, une main dans la poche, l'autre faisant sauter de son pouce un pièce argenté. Le jeune homme s'arrêta soudainement, son regard tourna vers Ayame puis il s'approcha avec un grand sourire.

- Ca va pas ? »

Un coup de tête sur la droite, puis sur la gauche, histoire de regarder si c'était pas un piège, même si Han-Ryu savait très bien que c'était LUI le seul piège, puis il s'approcha encore; Le visage du violacé se posa juste en face de celui d'Aya rempli de bienveillance.

- T'as besoin d'aide ? »

La main du violacé se posa sur l'épaule d'Aya. Elle ne semblait pas dans son assiette, justement, ça allait l'aider un peu.

Les secondes passaient, douloureusement longues. Cette torture ne semblait pas vouloir cesser... Tout allait de mal en pis alors qu'il aurait fallu que cette putain de semi-crise s'arrange. Tant qu'elle était dans cet état catastrophique, elle ne pouvait pas rentrer! Elle ne pouvait même pas se permettre de quitter cette ruelle déserte, sous peine de mettre en danger quiconque croiserait sa route!

C'était donc le moment pour tout... Sauf, SAUF pour faire une nouvelle rencontre. Quelle ne fut pas sa surprise, donc, lorsqu'une voix s'éleva, semblant s'adresser à elle. Elle n'avait même pas entendu les pas... Elle ne l'avait même pas vu venir. Elle sursauta un grand coup, si fort qu'elle manqua bien de lâcher sa cigarette. Ses yeux, écarquillés, se plongèrent dans ceux d'un jeune homme qu'elle ne connaissait absolument pas, le temps sans doute de lui donner l'impression d'être face à un animal effrayé. Puis elle se rappela de l'état actuel de ses pupilles et elle regarda délibérément ailleurs, tandis qu'elle balbutiait, dans la précipitation:

"B... Barre toi..!"

Elle avait eu un coup au coeur. Ce type avait un très, très léger air de ressemblance avec Kureno... Elle ne l'avait observé qu'à peine, mais son image s'était déjà gravée dans sa rétine. Son sang bouillonnait... C'était la cata totale. D'ailleurs, dans un état second, elle se tourna, pour cesser de lui faire face et mieux s'agglutiner toute seule contre son mur... Elle regardait dans le vide... Et le type ne semblait pas vouloir partir. La preuve, il était toujours là, et il s'inquiétait. Il posa même une main sur l'épaule d'Ayame, qui eut un tressaillement violent à ce même moment. La goutte d'eau qui faisait déborder le vase. Elle eut l'impression qu'un brasier s'était soudain allumé autour d'elle, mais bien heureusement ce n'était qu'une impression... Elle voyait juste rouge. Le dos de sa main heurta le bras de l'inconnu qu'elle repoussa presque avec méchanceté... Qu'il ait eu mal, elle n'en avait purement rien à faire... Enragée, elle oublia qu'il aurait mieux valu qu'il ne croise pas son regard-flammèche. Ce dernier se fit menaçant, et ce tandis qu'elle tentait de retrouver un minimum son self-control... Plus facile à dire qu'à faire.

"Je t'ai dit de te barrer, ducon..! J'ai l'air d'avoir besoin de toi? Maintenant tu déguerpis, ou bien je te démonte jusqu'à ce que tu te noies dans ta morve en appelant ta mère au secours.. Pigé?!"

C'était pas possible ça..! Si le type avait pas compris ce coup-ci elle... Ne répondait plus de ce qui pourrait arriver. Oups. Avait-il remarqué l'once de panique qui avait un instant remplacé la défiance de ses traits? Si ce n'était pas lui qui se barrait, ce devrait être elle, pour leur bien commun hein, une fois encore... Alors elle fit l'effort de se relever, quoi qu'elle continua de trembler comme une feuille... En serrant les dents on pouvait tout faire. Et c'est ainsi qu'elle entreprit de suivre le mur, pour trouver un coin encore plus calme et désertique encore... Nom d'un chien, pourvu que l'autre n'ait pas la mauvaise idée de la suivre, tiens...!

La ressemblance avec Kureno n'avait pas été voulue, après tout, celui là ou un autre, ça aurait été pareil !Et d'ailleurs Han-Ryu n'avait pas vu de telle ressemblance, enfin, il ne l'avait vu qu'une seule et unique fois, alors...
Le violacé regarda avec de gros yeux la réaction exagérée de la rouquine, elle semblait pas d'humeur joviale. Quoique quand on parlait d'Aya, on se rendait compte qu'elle était rarement en mode, youpiii la vie ! Quel dommage pour elle, elle passait à côté de grands moments de la vie. Le violacé collectionnait les moments youi la vie, aux vues de ses souvenirs très humoristiques !

- Ooooh, quelle grossièreté ! Tu sais, c'est pas la peine de te méfier de moi, mon grand, j'ai l'air d'un agresseur ? Sérieux ? Moi ? Désolé. Mon CV n'est fait que de tapage nocturne, pas ma faute si les gens sont trop coincé pour rire à deux heures du matin. Et puis sérieusement, j'ai pas envie d'en venir aux mains avec toi, c'est amicalement que je suis venu te voir. Et tu pourras dire tout ce que tu veux, je resterais près de toi, tant que tu sembleras pas mieux. J'ai pas envie d'avoir ta mort sur la conscience... »

L'homme fit un sourire, une main coula dan sa chevelure, histoire d'y voir quelque chose. Le look cheveux dans la figure, ça avait son charme, mais pour y voir correctement... c'était pas vraiment ça !
Par contre il ne retint pas une grimace de douleur à cause du choc. Et oui, Han-Ryu n'avait pas pour habitude de ressentir la douleur... enfin, il n'avait plus l'habitude !

- J'm'appelle Yuki. Et toi, crinière de feu ? C'est quoi ton petit nom ? »

Un nouveau sourire tandis que le violacé tendait une main espérant qu'Aya la lui serrerait, histoire de continuer à papoter avec lui, en tout cas, en attendant qu'elle aille mieux. Après tout, dans cette histoire, il était le bon samaritain, il se devait de tenir son rôle à la perfection.

Ayame échappa une plainte mentale, suivie d'une longue liste de jurons, tous plus sympathiques les uns que les autres. Son visage se crispa, dans une expression qui en disait long sur sa contrariété, même si son angoisse montante n'était pas encore clairement visible. Elle avait espéré que le type passe son chemin... Eh ben NAN. Raté. Elle ne semblait pas lui avoir fait peur, et il ne comptait pas se tirer... Bordel. Il ne savait pas ce qu'il risquait. Un sifflement passa entre ses dents, tandis que lasse, elle échappait un murmure agressif:

"Mais je m'en fous de ta vie... Je veux pas te voir alors barre toi, c'est tout..."

Si il restait ici, si il continuait de lui tenir compagnie plus longtemps... Ca allait mal finir. Très mal finir. Après un instant d'hésitation, elle continua d'avancer, même si elle n'allait pas super vite... Peut-être que si elle ne se retournait pas..? Peut-être que si il se lassait..?

La colère l'emporta, ceci dit, lorsque l'autre tenta d'engager des présentations. Ce mec ne comprenait-il pas le japonais, ou bien quoi?! Combien de fois faudrait-il qu'elle tente de le dissuader de rester?! Elle se retourna d'un coup, sous l'effet d'une de ses légendaires impulsions. Et, bien entendu, elle incendia le bonhomme d'un regard caractéristique, avant de lui gueuler dessus comme sur du poisson pourri:

"M'appelle pas comme ça bordel!! Tu veux pas savoir qui je suis, crois moi... Ca vaut mieux pour toi. Alors maintenant soyons clair: soit tu te tires pour de bon, soit tu vas avoir de graves problèmes, je répond absolument pas de ce qu'il pourrait se passer si tu restes dans les parages..!"

Elle avait appuyé le plat de sa main contre le mur. Non pas parce qu'elle ne tenait plus debout... Mais elle commençait vraiment à perdre pied, ce qui l'alertait au plus haut point. Son regard avait tendance à devenir plus stable mais... Dans le mauvais sens, soit le sens félin, du terme. Quelque chose de sombre, d'inquiétant, voire de dément, était en train de le gagner, alors même qu'en son for intérieur, elle se sentait changer... Partir... Eviter les rencontres... commençait à devenir nettement moins important. Cela dit elle avait conscience d'être en train de sombrer... Elle tentait de résister un maximum à son autre elle-même, qui demandait à émerger de façon de plus en plus imminente... Pourquoi cette sensation mitigée, entre l'effroi et le plaisir d'une occasion à saisir, voire à croquer sous la dent..? C'était... intéressant. Et un sourire non-moins inquiétant que son précédent regard apparut sur le coin de ses lèvres.

"Mais alors absolument pas..."

Elle manqua de passer l'extrémité de sa langue sur sa lèvre inférieure... Puis se rendit compte de ce qui était en train de se passer. Un grognement... Elle secoua la tête de gauche à droite, posa une main dessus, et ferma les yeux, incapable de faire grand chose de plus... Elle était à sa limite... Sa toute limite... Le moindre faux pas, et le violet passait à la casserole c'était certain...

"Pu...tain... de merde..."

Une impulsion. Qu'est-ce qu'elle foutait bordel..?!! Ces détestables instincts prenaient le dessus sur sa raison... Elle venait de se jeter à moitié contre le jeune homme qui lui faisait face, pour le plaquer contre le mur... Approcher ses lèvres de son cou, comme un vampire qui aurait été assoiffé... sauf qu'elle malheureusement (?) elle ne l'était pas de sang. Ses muscles se bandèrent tandis que de tout son être elle tentait de résister. Son visage coula; elle baissa la tête, le souffle rauque... Ce n'était pas le moment de craquer... Pas ici... Pas maintenant... Pas sans avoir mis les points sur les i avec les autres... Elle avait beau se mordre la lèvre jusqu'au sang, la douleur ne l'aidait absolument plus à revenir sur Terre.

Et ça couinait, et ça piaillait, et ça gueulait... comme d'habitude, quoi ! Ayame n'était pas du tout étonnante, non. C'était souvent la même rengaine. Il devait faire attention, car il jouait un rôle, et il ne devait pas faire celui qui était au courant de tout. Et quand bien même elle n'était pas dans ses baskets, ce n'était pas une raison, pour jouer la carte de l'imprudence.
Il ne savait pas où tout cela le mènerait, après tout, il ne connaissait que peu la rouquine et surtout son autre elle. Soit, il avait cru comprendre avec l'ange que c'était un ange déchu mâle qui avait de drôle de passe temps. Mais il n'étaient pas tellement rentré en profondeur, et Han s'en fichait éperdument. Maintenant, il était là, face à cette chose... une Aya en mode mâle, cheveux coupé, yeux pas franchement rassurant, et il se disait qu'il aurait mieux fait d'approfondir avec Maël.... et bien, tant pis... pour lui ! Trouverait bien un truc à faire pour scarifier un chouilla son ennemi juré !
Le violacé soupira sous le parlé de la toison rousse. Comme il couinait, il n'ajouta rien, mais ce n'est pas pour autant qu'il se désintéressa d'elle ou qu'il fit chemin inverse, bien sûr que nom. Et même le marmonnage diabolique ne le fit pas partir... Il attendit patiemment. C'était ce qu'il avait de mieux à faire !
Bon, et bien... Maintenant, il faisait quoi ?
Le jeune homme fit pour lui, puisqu'il se retrouva affublé d'une Aya. Ha... mais quoi qu'es-ce ? Il n'en savait rien. Han-Ryu handicapé des relations humaine haussa un sourcil circonspect, que devait-il faire ? Il eut un bug sévère, ne sachant pas où Ayame aller aller. Il s'était attendu à un coup, pas à ça ! Alors... heu...

- Tu te sens mal ? "

Le violacé fut p^ris de court, il paniqua un moment avant de refermer ses bras contre le corps de la rouquine. Où allaient-ils comme ça... Il n'en savait rien. Mais son plan premier à savoir faire souffrir Ayame semblait lui échapper des mains, quelle autre solutions allait-il devoir prendre pour en revenir au même résultat ? Hu !

Eh oui... Ayame avait la sympathique tendance à hurler sur tout et sur tout le monde à la moindre contrariété, et lorsqu'elle était sur le point de perdre les pédales et de commettre l'irréparable, ses gueulantes traditionnelles étaient encore plus promptes à sortir... La preuve, avec ce qu'il venait de se passer. Ceci dit le jeune homme, qu'elle ne pensait alors absolument pas connaître, allait avoir l'occasion d'expérimenter quelques effets de ses tous derniers changements physiques comme psychologiques, qu'il n'avait pas encore eu le temps de tester...

Elle se jeta littéralement sur lui avant d'avoir eu le temps de se rendre compte de ce qu'elle faisait. Et elle manqua bien d'aller plus loin, plongeant son nez où il ne le fallait pas. Ce n'est que par un effort surhumain - c'était le cas de le dire - qu'elle parvint à retenir ses instincts prédateurs, qui ne manquaient pas de la faire ressembler à une bête sauvage...

Manque de pot, le jeune damoiseau à l'odeur alléchante ne se doutait certainement pas des raisons profondes du malaise d'Ayame... Et du coup, eh bien il mit les deux pieds dans le plat, et aggrava le tout, en entourant son corps de ses bras. Elle eut un grand, long frisson, avant d'à peine réussir à grogner trois mots:

"Bas... les pattes. Tu vas finir à l'horizontale tu vas pas comprendre ce qu'il t'arrive, et moi non plus..."

Oups là..? Ca, ce n'était pas quelque chose qu'elle était censée partager. Paaas du tout même... Mais c'était sorti tout seul. Le violacé comprendrait ce qu'il voudrait bien... De toutes les manières ce n'était pas comme si elle lui avait clairement avoué qu'elle était la fusion d'une humaine et d'un ange déchu qui tendait à se redémoniser, elle lui avait pas encore grillé l'arrière train... Ca n'allait par contre peut-être pas tarder. Sans qu'elle puisse réprimer le plaisir malsain qu'elle ressentait face à cette situation, elle grimaça puis... La grimace fut remplacée par un sourire vicieux, suivi d'un rire nerveux qui s'acheva dans un grognement, et tandis qu'elle retombait, repliée sur elle-même,... Contre Yuki, oui. C'était comme si elle lui était tombée dans les bras. Tant pis pour lui, il l'avait cherché. Sa main devenait incontrôlable... Elle voulait... Il voulait... Il gagna la ceinture de son "interlocuteur", et passa à l'intérieur du pantalon, même si pour le moment il ne faisait grand chose d'autre que de frôler sa hanche. Puis...

Sursaut de conscience. Un bruit étranglé sortit de sa gorge, et elle repoussa Yuki violemment même si... Vu qu'ils étaient contre le mur, Il ne se passa pas grand chose. Sa main ripa contre le mur. Et heureusement pour l'humain notons, car la dite main gauche venait de lâcher une magnifique gerbe de flammes qui avait bien failli être généralisée sur l'ensemble de son corps, et avait donc bien failli griller l'ensemble de ses vêtements une fois de plus. Elle avait ceci dit réussi à se contrôler, et à limiter les dégâts. Pour ce qui était des autres dégâts par contre... C'était mort. Encore deux secondes et elle était en train de déshabiller Yuki, avec ou sans son consentement.

"Non, pitié pas ça... Pas encore..."

Sa tête.. Un véritable désordre. Elle allait exploser... Elle craquait. Elle se sentit basculer, mais refusa avec une tel force ce changement, à l'intérieur que... Elle lâcha un hurlement d'enfer. Et surtout, quelque chose d'inattendu se passa. Les flammes encore vivaces lui foncèrent littéralement dessus et s'effacèrent à l'intérieur d'elle avec un "SCHOUF" bruyant. Son crâne lui parut imploser, la tête lui tourna, douloureuse... Elle avait l'impression d'avoir comme avalé un surplus d'énergie, qui s'était condensé dans sa tête, laquelle était devenue lourde, lourde...

.............................
.. Hein..? Quoi..? Que se passait-il...? Où Ayame était-elle..? Elle... Ne savait plus ce qu'elle avait été en train de faire. Elle ne savait plus ce qu'elle avait prévu ni... Heu...? Quel était son dernier souvenir exactement..? Elle était contre un homme. Kureno? Son corps s'était décrispé. Quelques secondes de silence. Lorsqu'elle releva la tête, lentement... Ses yeux étaient de retour à leur forme première: ronde, et ce qu'il y a de plus humain.

"Que... Qu'est-ce que..?"

Deux turquoises complètement paumées croisèrent les yeux d'un type... Qu'elle ne connaissait pas. Euh..? Que faisait-elle dans ses bras? L'incompréhension, et l'incrédulité la gagnèrent, très visiblement. Puis dans un mouvement de recul vif, elle se décolla de l'autre gars là... C'était quoi ce délire?

"HEY?! T'es qui toi? Qu'est-ce que tu fous là?"

Il y avait un truc bizarre... Elle passa la main dans ses cheveux.. Absents. HEIN??! Hallucinée, ce fut ses deux mains qu'elle amena jusqu'à sa tignasse, pour en constater le raccourcissement soudain? D... Depuis quand? Qu'est-ce qu'il s'était passé? Les yeux écarquillés, elle commençait à croire qu'elle avait loupé un épisode... Un GROS épisode... Pourtant, elle se souvenait de tout, de tout le monde... Il n'y avait pas si longtemps, elle avait vu Han, et Angra... Comment en était-elle venue à être en froid avec le premier, et à sympathiser avec l'autre déjà? Et pourquoi était-elle à ce point mal à l'aise à l'égard de Kureno..? Elle secoua la tête de droite à gauche, n'arrivant pas à se remettre.

"... Dis, avant tout... On est.. quel jour? Il est quelle heure..? Je crois que j'ai un gros problème là... Qu'est-ce que je fais ici avec toi? D'où est-ce qu'on se connait?"

Son problème..? Oooh minime... Par refus de laisser ses instincts la dominer, elle avait JUSTE jeté tout ce qui concernait Samaël bien loin, scellé, et hop zappé. Elle n'avait bien entendu pas fait exprès. Et surtout, ce retour simulé à la condition humaine était des plus artificiels... Il ne suffirait que d'une pichenette pour que l'intégralité de son identité lui revienne, et avec, les problèmes qu'elle venait de contourner. Ayant oublié sa nature profonde une seconde fois, elle n'avait réussi qu'à se rendre plus vulnérable encore qu'elle ne l'était déjà...

Une chose était sûre: elle avait un super mal de crâne.

[Topic détourné, toujours en raison d'un problème technique majeur '_']

Sérieux..? C'était quoi ce délire?! Ayame ne parvenait véritablement pas à comprendre ce qu'elle foutait là, et pourquoi elle s'était retrouvée collée à ce... type. Inconnu. Manquait plus que ça... Après son "dédoublement" physique, elle allait quand même pas faire pareil mentalement et devenir schizo hein..? Non parce que là... Soit elle était somnambule.. Soit elle avait une seconde personnalité qui l'avait fait se couper les cheveux, et sortir avec n'importe qui l'espace d'une soirée... Soit... Nan elle voyait pas. Ses sourcils étaient froncés, et l'inquiétude pointait dans son regard turquoise. Ca devenait grave là... D'autant qu'il y avait des points de son passé proche qui lui semblaient... gravement flous. Pourquoi était-elle en froid avec Kureno? Pourquoi haïssait-elle Han-Ryu? Pourquoi... Grand dieu COMMENT en était-elle arrivée à devenir amie voir plus avec cet enfoiré d'Angra..? Et pourquoi... Pourquoi ce sifflement suraigu qui dans ses oreilles commençait à s'amplifier?

"Oh bordel... Y a un problème... Un GROS problème... C'est... Aaark!"

Une grimace passa brièvement sur son visage. Ses mains s'étaient plaquées contre son crâne. Cet acouphène insupportable était maintenant si fort qu'elle avait l'impression de s'être mis un mp3 à fond dans les oreilles. Un tournis terrible la prit, et avant d'arriver à reprendre son équilibre elle se retrouva à genoux. Le son... Se transformait en lumière blanche à rouge. La lueur la nimbait... Qu'est-ce que c'était que ce délire?!! D'un coup elle fut éblouie, et elle ne vit plus rien.

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Un monde de couleurs, de flux... Elle flottait... Son corps semblait comme avoir disparu. Elle n'était plus qu'une conscience. Elle passait dans les volutes d'énergie lumineuses, parfois plus sombres... Quelque chose de brillant, de rouge, attirait son regard. Elle se sentait aimantée par l'objet... Elle en avait besoin... Même si de là elle ne voyait ppas de quoi il pouvait s'agir... La chose changeait de forme, et restait de ce fait informe. Puis il y eut un éclair, et juste un temps, elle vit une plume carbonisée. Une liane de feu. Des os bruns. Puis elle fut aspirée et il n'y eut plus rien.

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Ou plutôt, la réalité réapparut, redevint consistante. Elle était agenouillée par terre, les mains sur les oreilles. L'humidité ambiante, la texture du sol, la fraîcheur de l'air, le bruit du silence... tout lui semblait étrangement authentique, solide, essentiellement vrai et présent. Elle ouvrit les yeux. Elle... était quelque part, à Hokubu. Il n'y avait plus personne... Ce type aux cheveux violacés avait disparu. Ou plutôt, elle était réapparue dans un endroit tout autre, à plusieurs centaines de mètres du précédent. Elle se releva.

"Waow..."

Hagarde, elle constata qu'elle était... Ah ben carrément. Sur le toit d'un petit immeuble. Elle s'approcha du bord, et se pencha. La rue au dessous était quand même à quelques bons mètres... Elle se tourna, tout en plaçant une main dans ses cheveux, qu'elle ébouriffa tandis qu'elle se frottait le crâne. La perplexité régnait...

"Mais qu'eeest-ce que c'est que ce bordel...!"

Si la porte du toît était fermée... Elle était dans la merde. Si quelqu'un passait par là il risquait bien de la prendre pour un cambrioleur, et vu sa couleur de cheveux on pouvait dire qu'elle passait aisément pour un voyou... Surtout que c'était ce qu'elle avait longuement été. Mais elle ne parvenait pas à prendre de décisions... elle cherchait encore à comprendre ce qui venait d'arriver. Comment avait-elle pu se téléporter? Et c'était QUOI ce rêve complètement dingue qu'elle avait fait, entre deux??!

Il était tard, ce n’était pas une heure ou Karme avait l’habitude de sortir. Mais il avait eut du mal à se nourrir ses derniers temps, les gens étaient de plus en plus suspicieux au fil des siècles. Et créer un silence total ne passait pas inaperçu dans une ville bruyante comme Hokubu. En ce moment il se nourrissait donc de nuit c’était moins voyant. Mais cela ne l’aidait pas vraiment à garder un rythme correct entre ses études et son boulot à temps partiel.

Il soupira. Ce soir il avait du aller jusqu’au quartier commerçant pour trouver ce qu’il cherchait. Il avait engloutit tout ce qu’il trouvait goulûment. On pouvait dire qu’il « crevait la dalle », même si ce n’était pas exactement ça. Non ce n’était pas une faim ordinaire qui vous prenait à l’estomac. C’était une envie irrépressible qui lui serrait le cœur, aiguisait ses sens pour qu’il consomme au plus vite. Ses oreilles toujours à l’affût du moindre bruit. Ce soir il avait mangé le son des voitures, les klaxons s’étaient évanouis dans l’air à son passage. Il était aussi passé près des bars, se délectant des relents de conversations qui parasitaient le presque silence de la rue.

Il avait aussi avalé les rêves éveillés de deux clochards. Ils les aimaient bien à vrai dire, c’était plein de désillusion et de cynisme. Les gens de la rue étaient assez plaisants dans leur style. Ils ne lui demandaient jamais rien, ne s’étonnaient presque de rien. Et puis cela lui rappelait ses années dans le théâtre de rue. Après tout il n’avait jamais été beaucoup mieux loti qu’eux. Tellement à part qu’il se coupait lui-même des gens normaux. Il s’était toujours mieux entendu avec les marginaux, en dehors des musiciens.

Il les avait même salué avec un petit sourire avant de partir sans un bruit. Il connaissait de vue ces deux là, ils étaient encore jeunes, peut être auraient-ils du être à l’université comme lui. Mais quelque chose avait fait qu’ils n’y étaient pas. Oui ils étaient dans la rue. Il les avait croisé à plusieurs reprises lors de ses pérégrinations nocturnes. Ils ne s’étaient pas parlés, non, juste regardés. De toute façon ils n’avaient pas eut besoin de parler. Qu’auraient-ils pu se dire ?

Il savait qu’il était facile d’atterrir dans la rue. Maintenant cela venait plus insidieusement peut être, mais la pauvreté était toujours là. Il avait aussi repéré quelques personnes louches, des yakuza peut être. Voilà pourquoi il ne traînait jamais longtemps dans ce genre d’endroits. Il partit bien vite sans un regard en arrière pour les deux jeunes interloqués.

Il avançait toujours repassant par les grandes rues, laissant loin derrière lui les ruelles mal éclairées. A cette heure il n’y avait presque personne, juste quelques taxis qui filaient à vive allure sur le macadam. Tout était calme. Il entendait juste ses pas rapides sur le sol résonner dans la grande rue. Soudain il s’arrêta net. Il avait entendu quelque chose.

"Mais qu'eeest-ce que c'est que ce bordel...!"

Ah ce n’était pas quelque chose. Plutôt quelqu’un. Il tourna la tête, mais il ne voyait personne. Le son était faible comme s’il venait de loin. Avait-il rêvé ? Il leva la tête, ne croyant pas trop à une possible hallucination auditive. Et c’est là qu’il l’aperçu. Une silhouette humaine sur un toit. Qu’est ce qu’un homme pouvait bien faire là à cette heure ci ? Cela ne semblait pas très normal, même lui pouvait le sentir…

Bon allez... Qui ne tente rien n'a rien, et il fallait bien qu'Ayame descende de son perchoir quand même... Sans quoi elle n'allait pas aller bien loin, si ce n'est au poste de police le plus proche pour faute d'entrée par effraction dans une résidence privée - voire pour tapage nocturne si ça finissait par trop l'énerver. Dans un gros soupir bien lourd elle se releva donc. Quelque part, elle ne le sentait pas. Et elle avait raison... Elle posa la main sur la porte qui donnait accès à la cage d'escalier. La poignée céda mais... Pas le battant, qui resta fermement planté à sa place.

"Et merde..."

Son juron acide avait du s'entendre jusqu'en bas. Il allait falloir qu'elle joue les singes à ce rythme si elle voulait descendre. Ses deux mains passèrent dans ses cheveux tandis qu'elle grinçait des dents intérieurement, et reculait de trois pas. Après avoir un moment observé la porte sans trop pouvoir faire grand chose à son état définitivement scellé - elle n'allait pas s'amuser à tenter de la défoncer vu que ça aurait été pire qu'autre chose - elle retourna au bord du toit. Là, elle s'agenouilla, et passa encore la tête au dessus du vide histoire de regarder ce qu'il y avait au dessous, à la recherche d'un point d'accroche quelconque. Y avait un peu trop de mètres à sauter d'un coup... Même elle aurait risqué de se casser une patte en y allant à l'arrache. Du mur plat... une fenêtre... du mur... encore du mur... Une silhouette...
.. Euh..? Silhouette?! Oups là. Elle redressa le nez et se recula de quelques pas. Si ce type ne l'avait pas vue, c'était pas passé loin. Elle se pencha plus prudemment, et tenta de détailler la silhouette. On ne savait jamais hein... Avec un gros coup de chance, peut-être qu'elle était tombée sur l'une de ses connaissances, plus ou moins récentes, plus ou moins anciennes? Dans le noir, elle ne voyait que dalle. Elle parvint à se concentrer suffisamment, pourtant, pour se rendre compte que le jeune qu'elle avait sous les yeux n'avait rien à voir avec elle. Mais d'un autre côté, il semblait n'avoir rien à voir avec les gens de cet immeuble non plus... Mais d'un autre côté... Qui, franchement, l'aurait crue, si elle racontait qu'elle ne savait absolument pas comment elle en était arrivée à être perchée là haut HEIN ? Nan. Elle ne pouvait pas l'interpeler, et encore moins lui demander si il avait pas une corde ou une échelle qui traînaient chez lui. Et elle ne pouvait pas non plus descendre de ce côté de rue, tant qu'il y était... Elle se releva, et après une brève hésitation décida de voir ce qu'elle pouvait faire au niveau du pan de mur de l'immeuble qui débouchait dans une petite ruelle, adjacente à la rue principale. Elle avait des chances de finir la gueule dans les poubelles, mais c'était toujours mieux que de se retrouver entourée de poulets, sans avoir aucune explication sensée à leur servir.

Bon. Elle se pencha une nouvelle fois par dessus le toit. On y voyait encore moins ici, vu que même la lumière de la lune semblait galérer pour filtrer entre les deux murs rapprochés de son perchoir, et de l'immeuble voisin. Du mur, du mur... Encore du mur... Une benne à ordures close. Un léger ricanement lui échappa, alors même qu'un sourire pâle, mais victorieux tout de même, éclairait son visage d'une lueur roublarde. C'était peut-être son jour de chance finalement? Elle avait peut-être troqué la moitié de ses souvenirs contre un karma un peu moins pourri... Mais le fait était que dès qu'elle rentrait, qu'importe l'heure, elle réveillait Kureno. Elle avait vraiment beaucoup de questions à lui poser. Et... Ouais. Même si c'était pas bien recommandé, elle irait voir Angra aussi. Mais ça, on verrait demain.

Bref. Elle prit ses précautions, histoire d'éviter de réveiller tout le quartier, même si elle se doutait bien que vu le métal dans lequel était faite la benne, elle allait dans tous les cas faire un sacré boucan en descendant. Elle se laissa glisser... Il y avait quand même quelque 3 à 4 mètres à parcourir entre la benne et elle. Ca faisait haut, mais comme elle savait amortir une chute, elle devrait s'en sortir sans trop de bobos. Elle se laissa donc glisser.

BAM. La chute fut rapide. L'atterrissage aussi... Mais il fut malheureusement plus bruyant qu'elle ne l'aurait espéré. Ce qui l'étonna ceci dit, c'est la facilité avec laquelle son corps avait accepté la chute. Elle n'avait pas eu mal. Le sang avait à peine fouetté ses jambes lorsque ses pieds avaient touché le couvercle métallique. Le dit couvercle métallique était en tous les cas euh... humide. Glissant. Pas tout à fait remise de sa surprise, elle perdit l'équilibre, et acheva sa chute par terre. Elle se rattrappa au mur et au bord de son "marche-pied", et parvint à sauver son honneur de taekwondoka chevronnée en restant à peu près debout malgré tout(je tiens à préciser, selon Wikipédia, ça se dit... '_')...

"..."

Elle tourna les yeux sur la gauche, ceci dit, et arrêta de bouger, quoiqu'elle continuât de respirer. Le type de tout à l'heure n'avait sans aucun doute pas pu manquer ça. A voir maintenant, si il allait s'intéresser à elle, ou bien passer son chemin sans lui faire plus de problèmes.

Karme ralentit le pas et tendit l’oreille. Il se rapprocha un peu de l’immeuble, se nourrissait du bruit qu’il faisait en marchant. Il ne savait pas bien pourquoi, mais il sentait qu’il valait mieux être furtif. L’homme en haut l’avait peut être aperçu et quelque chose lui disait que ce n’était peut être pas quelqu’un de fréquentable. Même si cette notion lui passait un peu au dessus de la tête.

Tout ce qu’il savait c’était que son instinct lui soufflait qu’il y avait quelque chose d’anormal chez cette personne. Oui quelque chose clochait même. Il ne parvenait pas à définit exactement cette impression, mais il pouvait sentir l’adrénaline monter dans ses veines. Ce n’était pas vraiment de la peur, juste une angoisse diffuse qui lui disait qu’il valait mieux s’éloigner discrètement.

"Et merde..."

Pourtant cet homme semblait en difficulté. A priori il ne pouvait pas descendre du toit en passant par la porte de secours. Peut être était-elle bloquée ? Cela ne lui disait vraiment rien qui vaille en tout cas, il ferait mieux de se dépêcher de rentrer chez lui vite fait. Il pourrait boire une tisane bien chaude et se coucher gentiment sous ses couvertures. Le lendemain il aurait sans doute oublié cet étrange incident. Et puis il devait se lever tôt pour aller faire les courses, il n’y avait plus rien dans son frigo.

Oui il avait encore oublié d’aller faire les courses la semaine dernière. Et il avait vraiment finit toutes ses provisions. Ce n’était pas comme si il pouvait stocker énormément de nourriture dans ses placards de toute façon. Et puis il n’avait pas mangé hier. Bon c’était un peu comme d’habitude, il pensait à se nourrir de son, mais cela l’ennuyait toujours de manger normalement. Il avait encore perdu du poids. Il l’avait compris en enfilant son vieux jean. Il avait du rajouter un trou à sa ceinture. Ce n’était pas bon signe. Il fallait vraiment qu’il fasse plus attention. Sinon il risquait de faire un malaise en pleine rue. On l’aurait sans doute amener à l’hôpital ensuite. Merci bien, mais non merci. Il n’avait pas envie de se faire à nouveau traiter comme un anorexique.

Karme tenta donc de continuer sa route, ignorant totalement l’intrus sur le toit. Mais le bruit que celui-ci fit en atterrissant sur les bennes le surprit. Ah donc il avait sauté. Était-il totalement idiot ou inconscient ? En tout cas il n’avait pas peur de réveiller les voisins. Il soupira. Décidément il y avait des ahuris à tous les coins de rue. A moins que…l’homme devait être assez sûr de lui pour sauter d’un toit comme ça. Ce qui voulait dire qu’il était peut être assez doué en sport. Ou en sport de combat ? Était-il tombé sur quelqu'un ‘un qu’il n’aurait pas du voir ? Oh non, ce n’était pas un yakuza quand même ? Bon il se faisait sans doute des idées. Juger les gens comme ça n’était pas très sympa. Ce type était peut être tout à fait normal.

Peut être qu’on l’avait enfermé en haut exprès même. Il avait remarqué cette tendance à martyriser les autres chez les jeunes. A croire que c’était le sport national. Les hommes aimaient écraser les plus faibles, ou se sentir supérieurs à ceux qui ne le leur revenaient pas. C’était pathétique. Il n’aimait pas trop les humains, mais lui ne s’était jamais abaissé à faire ce genre de choses. Il avait des principes. Bon peut être pas des principes très moraux, mais taper sur les gens n’était en tout cas pas son truc.

Il ferait mieux d’aller voir si le type était mal en point, après une telle chute il s’était peut être cassé quelque chose. Et puis bon a priori il n’était pas hostile. Cela ferait au moins une « bonne action » dans l’année. Il se dirigea donc vers l’intrus.

Euh..? Et merde. Des pas approchaient, signe que le mec de tout à l'heure avait finalement décidé de s'intéresser à elle. Un sifflement énervé passa entre ses dents, et elle se redressa. Elle n'allait pas y couper... Mais bon. Peut-être que ce type ne lui voulait pas de noises après tout. Dans le pire des cas elle lui casserait la gueule vite fait bien fait hein ça n'allait pas la saouler bien longtemps...

Elle soupira, agacée. Puis elle se détacha de son mur parce que si l'autre la trouvait en mode laser game et/ou espionnage dans son coin de ruelle tout pourri, il allait vraiment se demander quoi.

Un pas, deux pas. Elle lança un regard à la silhouette. Ce type semblait plutôt jeune. En fait sa tête lui disait quelque chose, maintenant qu'il était plus près. C'était... un élève de l'université d'Hokubu. Plutôt nouveau sans doute parce qu'elle ne voyait sa tête que depuis peu. A moins qu'elle ne l'ait jamais croisé avant pour une raison X ou Y, c'était aussi possible. Bon il allait pas la faire suer de là n'est-ce pas..? Il avait pas la gueule d'un délinquant, et sans doute pas le physique pour lui tenir tête, alors on allait simplement tenter de passer à côté sans un mot, quand bien même l'autre devait être venu pour voir ce qu'il se passait.

L'air de rien, elle sortit une clope de sa poche, s'approchant de la sortie de la ruelle. Elle coinça le bâtonnet toxique entre ses dents, et plongea à nouveau la main dans sa poche à la recherche de son briquet. Sauf que... rien. Que dalle. Elle n'avait que son paquet de clopes... Bon sang! Elle ne l'avait pas perdu quand même? Elle n'avait pas pu l'oublier..?! Loin d'elle l'idée que depuis quelques semaines, elle n'avait plus besoin de briquet pour allumer ses cigarettes. Perplexe, elle arrêta d'avancer, et fouilla ses poches à deux trois reprises, tâtonna son pantalon, pour être sûre de ne pas se tromper.

"Merde..."

Décidément... Elle avait oublié sa tête ce matin. Cette histoire de souvenirs morcelés... Et maintenant son briquet qui se faisait la malle, alors que c'était bien l'une des seules choses qu'elle transportait sur elle de tout temps. Bon ben... Y avait plus qu'une solution. Et c'était toujours l'occasion de lancer une discussion sur un thème différent de celui qu'elle craignait de voir se lancer. Le dit thème se résumant à "Qu'est-ce que tu foutais sur ce toit?" ou un truc similaire... Elle retira sa cigarette de sa bouche, et tourna les yeux sur le jeune homme en approche, avant d'elle-même venir vers lui. Sa mauvaise humeur légendaire revenait en force. Elle n'avait jamais besoin de raison pour ça... Et c'est donc avec un air particulièrement blasé qu'elle fit face à ce jeune qui n'était en fin de compte pas très impressionnant... pas à son goût du moins. Ca ne risquait pas grand chose.

"Hey... T'aurais pas du feu par hasard?"

Oui oui la situation était presque burlesque tant elle semblait improbable. Rien à foutre. Elle voulait juste allumer sa putain de clope, qui devenait nécessaire. L'ensemble des trucs incompréhensibles qui lui arrivaient depuis tout à l'heure la mettaient sur les nerfs.

Karme se dirigea donc vers l’origine du bruit, situé approximativement au fond d’une ruelle sombre. Cette ruelle séparait les deux immeubles et c’était là qu’on avait choisit de mettre les bennes à ordures du quartier. Il fronça les sourcils, l’odeur n’était pas très agréable quand même. Décidément les humains avaient toujours de drôles d’idées. L’homme n’avait pas choisit le meilleur endroit pour atterrir. Etait-il tombé dans les poubelles ? Il eut un rictus. Cela n’aurait pas été de la plus grande classe, mais il aurait au moins amorti sa chute.

Il s’avança lentement, ayant abandonné le mode furtif, mais pas sa méfiance habituelle. Il distinguait vaguement une silhouette, mais il faisait sombre et Karme ne voyait pas dans le noir. Dommage là ç’aurait pu être sacrément utile. Enfin la silhouette était debout, et ne semblait donc pas avoir subit de gros dégâts.

La personne inconnue s’avança un peu, et il pu enfin voir son visage. Bon comme il s’en était douté c’était un homme, jeune, peut être même un étudiant. En tout cas Karme ne se souvenait pas l’avoir déjà vu. Ou peut être que si, mais il avait une mémoire très sélective. Il tenta de se concentrer. Ah si ces cheveux rouges lui disaient vaguement quelque chose. Il était plus grand que lui, plus musclé sans doute, mais surtout il y avait quelque chose d’arrogant dans son allure. Quelque chose qu’on retrouvait chez une certaine catégorie de personnes, assez sûre d’elles. En fait il avait un air de délinquant que sa couleur de cheveux accentuait sans doute. Bon lui il avait bien les cheveux verts, mais le rouge c’était bien plus agressif non ? A eux deux ça faisait un peu sapin de Noël quand même.

Karme passa une main dans ses cheveux. Il espérait qu’il n’était pas aussi voyant que l’autre garçon. En tout cas il ne semblait pas avoir besoin de lui tout compte fait. Il n’était pas blessé pour ce qu’il pouvait en voir, il cherchait juste son briquet. Ah en plus il fumait ! Décidemment il ne faisait pas partie de la catégorie des gens « fréquentables » pour Karme. Bon il avait quand même fait son devoir, il avait été voir s’il ne s’était pas tué en sautant. Maintenant il ferait mieux de partir. Plutôt que rester ainsi planté comme un piquet. (Vert le piquet)

"Merde"

Même pas poli en plus. Il ferait mieux de se barrer, après tout il devait se lever tôt demain, il avait beaucoup de choses à faire et…

"Hey...t'aurais pas du feu par hasard?"

Ah. Mince. Il était censé répondre là. Mais il sentait que sa réponse n’allait pas plaire à Inconnu aux cheveux rouges n°1. Ben oui il ne fumait pas lui, donc il n’avait pas de briquet. Il avait vraiment eut une mauvaise idée en fait. La prochaine fois il laisserait ces crétins d’humains sauter des toits et se tuer tous seuls. Non parce là il sentait que la chance qu’il n’avait sans doute jamais eut venait de se barrer en riant.

« …Non…Je ne fume pas. »

Sa voix grave n’avait pas tremblé, mais il sentait que ce n’était pas le cas de ses genoux. De près il pouvait sentir comme une aura malveillante entourer Inconnu aux cheveux rouges n°1. Un jour il avait vu un dessin animé. Comment ça s’appelait déjà ? Le héros était super fort, il voyait à travers les murs, il pouvait voler, lancer des rayons laser avec ses yeux….et surtout courir super vite….

Non mais vraiment tout allait mal c'était pas possible! Déjà Ayame ne pigeait plus rien à sa vie depuis qu'elle avait euh... Repris conscience? Contre cet individu bizarre aux cheveux violacés, tout à l'heure; et maintenant elle était privée de clope! C'était le pompon! Dépitée, elle laissa retomber son bras, tandis que l'autre mec lui précisait qu'il ne fumait pas. Et donc qu'il n'avait pas de briquet. Punaise mais il était inutile en plus de l'avoir fait flipper!

"Ah... Génial..."

Sous le coup de l'énervement, elle soupira un grand coup, et sortit son paquet de clope d'une main nerveuse. Elle y replaça celle qu'elle avait préalablement sortie, et rangea le tout toujours avec humeur. La nicotine lui manquait sérieusement... Puisque le type semblait ne rien lui vouloir de spécial, elle décida de passer son chemin. Elle était plutôt pressée de rentrer. Il arrivait trop de trucs bizarres, puis il lui fallait son briquet. Sans un mot, elle contourna donc la silhouette aux cheveux verts. Elle fourra les mains dans ses poches, et recommença à avancer. Fallait pas croire... Même elle qui pourtant était prompte à raquetter les passants quand elle avait besoin de monnaie ou d'autre chose ne passait pas son temps à les traumatiser. Elle avait un cerveau quand même, et n'agissait que lorsque ça l'arrangeait. Et ce qui l'arrangeait en l'occurrence c'était de laisser cet étudiant tranquille. Il pourrait toujours dire à ses potes qu'un mec de l'université s'amusait à jouer à Spiderman sur les toits, en pleine nuit... Ca lui faisait une belle jambe.

De toutes les manières vu la réponse du type, il avait dû tilté sur sa couleur de cheveux et son attitude qui ne trompait guère quant à son passé. Si ça se trouve il avait un briquet sur lui et n'avait même pas daigné l'indiquer, soucieux de rompre au plus tôt la conversation par peur de se faire attaquer.

Elle en était à cette constatation quand soudain... léger tournis. Elle s'arrêta trois secondes. Tiens? Pourtant elle n'avait pas faim... Ce ne devait pas être de l'hypoglycémie. Et vu qu'elle présentait sa forme masculine sous laquelle elle était bloquée depuis perpette, ce ne devait certainement pas être l'un de ses malaises passés, qui jusqu'à peu lui avaient indiqué l'heure de ses crises trangenderesques. Elle posa une main sur sa nuque sans faire plus attention que ça à ce symptôme mineur. Sauf que ça n'allait pas en rester là bien entendu, sinon c'était pas drôle.

"Que...?"

La base de son coup, ses cervicales... Une sensation glaciale. Le tournis version verre de champagne se transforma en tournis version machine à laver. Et là, elle perdit pied, se sentant à peine chanceler, et s'étaler contre le mur à sa gauche, auquel elle se rattrapa tant bien que mal. Des images semblaient comme s'ancrer dans sa rétine. Des images de souffrance... Une fresque rouge: un paysage. Un lac? Non... un fleuve. Un long fleuve lumineux. Un cri presque métallique, terrible. Elle ouvrit les yeux, estomaquée. Tout ça n'était que dans sa tête... A l'exception de ce malaise. Qu'est-ce qye ça voulait dire..?

"Je deviens folle ou quoi..."

L'autre l'avait entendue...? Ah bah tant pis pour lui. Elle ne se rappelait même plus qu'il était là en même temps. Elle retrouvait difficilement la vue... L'ombre d'une douleur qui pourrait facilement devenir intense lui tiraillait le dos. Samaël n'était pas une identité qu'on pouvait si facilement masquer visiblement... Mais ce n'était pas encore l'heure pour elle de se rappeler. Heureusement pour les fesses de Karme, notons... A l'heure actuelle, Karme devait sentir une aura définitivement non-humaine s'échapper du rouquin... Youpi, c'était la fête.

Ah oui, le dessin animé cela devait être Superquelquechose. Voilà c’était ça ! Superman. Ben il était très très loin derrière lui au niveau pouvoir et capacités de bastonnade. Si Karme avait été un jour à l’école il aurait sans doute été dans les nuls en sport. Les gens qu’on choisit toujours en dernier pour faire les équipes. Ceux qui se prennent le ballon au moins une fois dans la tête, une fois dans le ventre et une fois dans le dos. A croire qu’ils étaient des cibles vivantes….

"Ah... Génial..."

Lui ne trouvait pas vraiment ça génial mais bon il se passa de commentaire. Il n’allait pas l’énerver un peu plus, ce n’était sûrement pas une bonne idée. Enfin le jeune homme rangea sa cigarette, au moins il n’irait pas pourrir les poumons de Karme avec sa fumée. Ce n’était pas plus mal. Karme n’aimait vraiment pas cette odeur. En plus il était plus ou moins imunisé aux maladies courantes, mais il n’était pas sûr qu’il le soit aussi pour le cancer. Et les humains en mourraient continuellement. Avec le peu d’argent qu’il avait il n’était pas sûr qu’il serait soigné correctement. Et pour une fois il était possible que cette maladie le détruise lui aussi. Ce qui n’était pas une perspective amusante.

Il laissa l’inconnu aux cheveux rouges le contourner, toujours planté là comme un piquet. Celui-ci semblait vouloir partir. En tout cas il ne l’avait pas frappé et c’était une assez bonne chose. Sa chance ne l’avait peut être pas définitivement abandonné tout compte fait. Oh il s’était peut être fait des idées à son sujet aussi. Bien qu’il ait l’air de mauvaise humeur, c’était peut être un garçon tout à fait charmant d’ordinaire, qui avait juste eut une très mauvaise journée. Ca arrivait à tout le monde, même à des gens très bien.

Karme se retourna pour le regarder partir. Il s’en irait lorsque l’autre serait hors de vue. Il n’avait pas envie de rester plus longtemps dans les parages à vrai dire. Il était tard et il avait déjà perdu du temps. Enfin cette fois ci il avait bien mangé c’était déjà pas mal. Il avait rechargé sa batterie comme qui dirait. Lorsqu’il rentrerait il irait se coucher directement, il n’avait pas vraiment sommeil, mais s’il se couchait trop tard il n’allait jamais réussir à se lever demain matin.

"Que...?"

Il en était là dans ses réflexions quand soudain l’inconnu aux cheveux rouge n°1 sembla s’étaler sur le sol, se rattrapant tant bien que mal au mur. Ah. Il devait avoir un problème. Faisait-il un malaise ? En tout cas il n’avait pas l’air d’aller bien du tout. Il devait avoir mal quelque part. Il avait vu une fois une série à la télé sur des médecins. Le héros n’était pas le genre de type sympa à vous réconforter, même s’il sauvait des vies. Il aurait été médecin il aurait su quoi faire. Mais il avait les médecins et hôpitaux en horreur. Sans doute à cause de la fois ou on l’y avait traîné de force. Il y avait passé un petit moment quand même. A être traité pour l’anorexie…Brrr…il ne se souvenait même pas comment il avait atterrit la bas.

"Je deviens folle ou quoi..."

Hum en effet il parlait de lui au féminin, il y avait de quoi se poser des questions sur sa santé mentale. Karme s’approcha, méfiant. Il s’agenouilla à côté, prenant l’autre par les épaules. Il n’aurait pas du s’approcher en fait. Maintenant qu’il était tout près il sentait clairement une aura malsaine entourer l’autre homme. Et ce n’était définitivement pas humain. S’il avait pu traduire son impression en sons, il aurait entendu des cris horribles, des grognements et des raclements métalliques. Un peu comme des chaînes traînant sur le sol. Il frissona, tentant que calmer son angoisse. Il sentait la sueur rouler dans son dos, il avait chaud, comme à chaque fois qu’il était angoissé. Enfin là c’était plus de la peur que de l’angoisse. Il aurait bien voulu crier en fait. Appeler sa maman. Mais il n’en avait pas trop dommage.

Il tenta de se ressaisir, chantonnant dans sa tête une musique qu’il aimait bien. Ses mains sur les épaules du jeune homme étaient crispées, tremblotantes. Dans quelle merde c’était-il fourré encore. Enfin il n’allait pas rester là sans rien faire, peut être qu’il devait l’aider non ?

« Hey, est ce que ça va ? Je voudrais pas me mêler de tes affaires, mais je crois que tu ferais bien d’aller voir un médecin. J’y connais rien en malaise alors je vais pas pouvoir t’aider… »

Il avait prononcé ça dans un murmure, il espérait que l’autre avait entendu. Sinon qu’est ce qu’il devait faire ? Il sentait la panique monter en lui.

Bon... Doucement, mais sûrement, Ayame regagnait l'usage normal de son corps. L'impression qu'elle avait de ne pas avoir les yeux en face des trous faiblissait. Et la douleur aussi. Des mains se posèrent sur elle, ce qui eut le don de la surprendre. Elle se crispa... Avant de se rappeler de l'autre type. Ah oui... Lui. Il avait dû tout voir, et peut-être même l'entendre parler toute seule. Cool... Ca en ferait toujours un de plus qui la prendrait pour un cinglé. Quoique... A l'heure actuelle ça devait même être pour un fou furieux qu'il la prenait, étant donné la manière dont ses mains tremblaient contre ses épaules.

C'était plutôt étonnant ça d'ailleurs... Elle n'en avait un peu rien à faire et elle n'allait pas se vexer pour ça, vu qu'en tant que délinquante chevronnée elle effrayait pas mal de types volontairement et quotidiennement... Mais quand même: Elle n'avait rien fait pour faire flipper ce type, d'autant plus qu'elle tentait de ne pas trop pourrir la réputation de "Kenji", l'identité qu'elle arborait en tant qu'homme. Il réagissait à l'extrême quand même, non? Ok elle avait sauté d'un toit, elle lui avait demandé si il avait du feu pour allumer sa clope... Mais quoi d'autre? Elle aurait jamais pensé qu'elle puisse provoquer une trouille pareille chez l'individu lambda... A part peut-être côté "petites mémés qui ont peur au moindre détail pas aux normes".

Alors, ne cachant pas sa surprise, elle tourna les yeux sur lui, quitte à se tordre le cou et se faire une crampe des yeux pour réussir à apercevoir quelque chose. Un bout de cheveux verts. Verts? Ah bah tiens elle avait pas remarqué... Elle n'était pas la seule à faire preuve d'excentricité finalement!

"Hey calme toi un peu tu veux... Je vais pas te bouffer.."

Mais peut-être qu'il paniquait juste à cause du malaise qu'elle venait d'avoir finalement..? L'idée ne lui était venue que tardivement... Dans le doute, c'était dit. Maintenant... Se relever, et tenter de réfléchir à ce qu'il venait de lui raconter. Elle s'appuya au mur. Elle se sentait à bout de force, et ça, c'était vraiment très bizarre, parce que ça ne lui arrivait vraiment pas souvent, elle qui pétait toujours le feu! Un médecin hein... Peut-être qu'un médecin saurait lui dire d'où elle sortait ses amnésies partielles et ses malaises débiles... Mais ça l'aurait étonnée qu'il puisse faire quoi que ce soit contre ses problèmes de téléportation spontanée, et de changements de sexe aigus! Et comme tout semblait lié, autant dire que ça aurait été comme de jeter de l'argent par la fenêtre.

"Je pense pas qu'un médecin puisse faire grand chose pour moi donc on va dire que j'ai pas besoin d'aide ok..? T'as rien vu rien entendu et ça sera parfait..."

Facile à dire, hm..? N'empêche que si elle ne voulait pas impliquer ce type, ce n'était pas pour autant que tout roulait. Dans la vague, ses yeux se voilaient comme d'une inquiétude... ou d'un doute opaque. Tout ça commençait à sérieusement la déstabiliser. Dos contre son mur, elle soupira, et posa une main sur son crâne. Pourquoi fallait-il que ses souvenirs soient si morcelés?

".... Dis... On est quel jour déjà, il est quelle heure? J'ai un trou de mémoire..."

... Euh ouais, pas top pour ce qui était de ne pas impliquer l'étranger dans ses affaires, mais là... Il fallait qu'elle sache instamment. Elle n'allait pas attendre de faire un second malaise, ou d'être retournée au bahut, pour tenter de grappiller quelques informations quant à la situation.

Karme essaya de faire redescendre la pression. Oui il avait chaud et oui il avait peur. Mais bon ce n’était pas comme si l’autre type lui avait fait quoique ce soit en fait. Il n’avait même rien fait du tout à part lui avoir demandé du feu. Ce qui n’était pas encore un crime à ce qu’il savait. Non l’ennui c’était quand même l’espèce de malaise que le mec faisait. Et surtout l’aura malsaine qui l’entourait. Il se serait presque sentit nauséeux.

"Hey calme toi un peu tu veux... Je vais pas te bouffer.»

Ouais ben c’était plus facile à dire qu’à faire. Il tenta de respirer calmement, inspirant de grandes bouffées d’air frais. En plus c’était la nuit, en hiver, il ne faisait franchement pas très chaud. Il devait vraiment avoir l’air con là. Ses mains tremblantes posées sur les épaules d’un inconnu. En train de lui déblatérer des conneries sur le fait -sans doute évident- qu’il n’était pas médecin. Ah décidément il avait l’art de passer pour un con.

Il retira donc ses mains, tentant tant bien que mal de paraître naturel. Accroupi en face du type il le regarda s’adosser au mur. Si lui avait eut l’air stupide son camarade aux cheveux rouges avait plutôt l’air malade. Il n’avait pas l’air dans son assiette comme qui dirait. Karme l’observa attentivement. Yeux bleus ou verts, cheveux rouges, belle gueule. Et bien foutu avec ça d’après ce qu’il pouvait en voir. Il devait avoir du succès auprès des filles. Elles aimaient bien le genre bad boy. Lui comparé…et bien il n’avait jamais eut vraiment de succès. Ou alors il ne l’avait jamais remarqué. Pas que ça l’intéresse de toute façon. Il n’avait pas que ça à faire de sa vie franchement. Oh et puis ce n’était pas le moment de penser à ça.

"Je pense pas qu'un médecin puisse faire grand chose pour moi donc on va dire que j'ai pas besoin d'aide ok..? T'as rien vu rien entendu et ça sera parfait..."

Ben si a priori malgré sa gueule de mec canon-et-je-le-vaux-bien il avait du souci à se faire. D’une il ne tenait presque pas debout, de deux il avait faillit faire un malaise, et de trois…on n’était jamais sûr qu’il ne se soit rien cassé en sautant du toit. Peut être même que c’était le choc de l’atterrissage brutal qui lui faisait tourner la tête. Enfin tout ça n’expliquait pas l’aura qui émanait de cet étrange personnage. Karme poussa un léger soupir. Sa journée avait bien commencé pourtant. Il fallait croire qu’il avait un donc pour s’attirer les ennuis aux moments les plus inattendus.

En tout cas il ne pouvait pas le laisser là comme ça. Il n’avait jamais été très charitable mais il doutait que l’inconnu se sente aussi bien qu’il le disait. Que pouvait-il faire de celui-ci ? Il ne voulait pas aller à l’hôpital, lui non plus d’ailleurs. Et à cette heure ci les médecins de garde mettraient sans doute du temps à arriver. Et puis ils ne se déplaceraient sans doute pas si ce n’était pas une urgence. Et puis il ne savait pas ce que l’autre avait. Il se voyait mal leur expliquer la chute du toit, et la survie miraculeuse du gars. Tout était trop compliqué ce soir. Il lui fallait pourtant prendre une décision et vite. Sinon il risquait de laisser l’autre repartir dans la nature. Et il s’en voudrait si il crevait à cause de son manque de réaction.


".... Dis... On est quel jour déjà, il est quelle heure? J'ai un trou de mémoire..."

Il avait raison pour une fois. L’inconnu ne semblait pas vraiment en état de se débrouiller tout seul. C’était la première fois qu’il rencontrait un amnésique. Il faudrait qu’il fasse une crois sur son calendrier tiens. Bon déjà il allait lui répondre ensuite il verrait ce qu’il ferait de lui.

« Nous sommes le 15 février et il est 2h23 du matin. »

Karme se releva et passa son bras autour de l’épaule du rouquin. Il espérait ne pas rencontrer de résistance. Toujours est il qu’il commença à entraîner l’autre avec lui, mine de rien il était plus fort que ce qu’il paraissait. Sans doute parce qu’il avait bien mangé aujourd’hui.

« Tu n’as vraiment pas l’air bien. Si tu ne veux pas voir de médecin je pense qu’il vaut mieux que je t’emmène chez moi. Au moins tu pourras te reposer. »

Il tint l’autre fermement, ne lui laissant pas vraiment le choix. Il espérait avoir pris la bonne décision. Et surtout que l’autre ne lui en voudrait pas trop d’avoir pris une telle initiative.

Ayame cligna des yeux... Waow... Le.. quoi? 15 février..? Sérieux..? C'est pour ça qu'on se les gelait comme ça? Elle n'aurait pas pensé que l'année scolaire était si avancée... Vraiment là il lui manquait quelques mois, comme si elle avait loupé un gros épisode... Pourquoi ses souvenirs lui semblaient-ils cohérents alors? Il y avait des trous dans sa mémoire, mais elle n'arrivait même pas à déterminer où... Interdite, elle resta silencieuse. Son malaise avait beau être passé, maintenant qu'elle réfléchissait à la situation, elle se rendait compte qu'elle avait VRAIMENT un GROS problème. Et ça se voyait visiblement, parce que le gars en face venait de le lui faire remarquer, sans compter qu'il venait de passer son bras autour de son épaule. Tiens... il croyait qu'elle était malade, et il voulait même la traîner chez lui.

Elle releva la tête et surtout les yeux, le temps de croiser son regard. Bien entendu, Ayame se crispa, et présenta une certaine résistance, alors que l'autre type faisait mine de vouloir avancer. Elle n'était pas SI mal que ça... Et surtout elle voulait rentrer... Retourner à sa piaule... Ou plus précisément réveiller Kuro et essayer de comprendre ce qu'il lui arrivait. Elle n'était pas du genre à faire copain copain avec un inconnu, et encore moins à le suivre chez lui. SURTOUT lorsqu'elle avait d'autres projets.

"Attend là deux secondes... Je vais bien, faut juste que je rentre à l'u... urgh..."

Ah? Raté. Une douleur du tonnerre venait d'exploser dans sa boîte crânienne, une fois encore. Sérieux elle faisait quoi là... Un AVC? Un AVC surnaturel alors car tout ce qui lui arrivait depuis tout à l'heure était bien évidemment lié... Enfin bon. Avec ça, elle avait encore perdu l'équilibre, et s'était donc considérablement... appuyée sur son aide "inespérée". Son esprit qui avait du mal à rester concentré voire même cohérent cédait, progressivement... Et son envie de lutter de même. Elle n'avait pas le choix là... Si elle ne suivait pas ce type elle allait finir par terre. Si ça se trouve, elle allait même crever, ce qui n'était pas la plus agréable des perspectives. Nan mais... Mais qu'est-ce qu'il pouvait bien lui arriver?!

"Bor... del..."

Sa vision redevenait floue... En plus, il lui semblait voir des trucs qui se superposaient à sa perception de la réalité... Des mouvements secs... Une foule d'êtres inquiétants, qui se mouvait derrière un rideau dansant de flammes... Ses jambes avançaient et avanceraient au rythme imposé par l'inconnu, car elle n'était plus capable de grand chose d'autre que de mettre un pied devant l'autre. Absente, elle fixait le sol. Comment en était-elle arrivée là exactement..?

Puis les visions cessèrent, et ses yeux papillonnèrent un instant, avant qu'elle ne recouvre une conscience à peu près claire. Ce second "accident" l'avait épuisée... Elle avait des sueurs froides, et n'avait qu'une seule envie: s'effondrer par terre, fermer les yeux, et dormir jusqu'au lendemain matin. Mais elle n'allait pas pouvoir faire ça... Nan. Elle allait même devoir changer ses plans... Vu qu'elle ne voulait pas demander à sa rencontre du soir de l'aider à regagner l'université, n'ayant aucune envie de se sentir redevable, il allait falloir qu'elle pense à recouvrir un minimum de santé avant toute autre chose. Ah oui? Elle aurait du se sentir redevable malgré tout? Peut-être mais hein... C'était lui qui avait pris l'initiative de la traîner chez lui alors niet! Quoi qu'il en soit, maintenant qu'ils étaient condamnés à rester ensemble plus de cinq minutes, et même si ça la faisait grincer des dents, étant donné son taux d'asociabilité affolant...

"Tu travailles à l'université d'Hokubu nan? Je t'ai déjà croisé je crois... Je sais plus..."

Sa phrase se termina dans un souffle éreinté. D'ailleurs, elle semblait purement exténuée, fatiguée, et blasée, en plus d'être pâle comme la mort. De mieux en mieux. Pourquoi tremblait-elle, en plus..? Elle n'avait jamais été frileuse..? Pourtant... Le froid de l'extérieur lui glaçait les sangs, comme si il lui avait pompé son énergie vitale, doucement mais sûrement. Elle était loin de se rendre compte qu'elle était une créature de flammes qui ne supportait pas les basses températures...

Karme nota l’air interdit du jeune homme. Il avait l’air surpris par la date. En même temps ça pouvait se comprendre s’il était amnésique. Lui non plus n’aurait pas aimé se retrouver perdu, sans souvenirs précis, à la merci du premier gars venu. Enfin Karme n’étais pas exactement n’importe qui. Mais peu importait, il fallait surtout qu’il ramène le gars chez lui.

Il se tourna légèrement pour l’observer. L’inconnu ne lui opposait pas de réelle résistance, mais il ne semblait pas non plus enchanté par son initiative. Pourtant c’était sans doute le mieux à faire. Et puis il n’allait pas le laisser tomber maintenant, après tous ses efforts. Après tout autant s’enfoncer pleinement dans les problèmes plutôt que de les survoler succinctement. Et là Karme sentait les ennuis arriver à plein nez. Il ne savait pas exactement pourquoi, mais il avait l’intuition qu’il aurait mieux fait de ne pas croiser cet individu louche. Maintenant c’était bel et bien trop tard. Et il n’allait pas revenir sur sa parole, il serait passé pour un inconstant en plus d’un crétin. Il ignora le juron de l’autre, mais choisit de répondre à sa question.

« Oui je travaille à l’université…Enfin à la bibliothèque plus précisément. Mais là, je crois qu’on ferait mieux de juste rentrer chez moi…C’est plus près.

Karme n’osa pas ajouter quoi que ce soit, mais il n’en pensait pas moins. Du genre « J’adorerais discuter de ce genre de chose avec toi, mais chez moi et autour d’un bon thé, d’accord ? Parce que là, c’est vrai que ça pourrait être le lieu idéal pour une discussion palpitante, hormis le fait qu’on est au bout milieu de la nuit, qu’il fait froid et qu’il n’y a pas de thé. » Bref, si il le fallait, Karme emploierait les grands moyens pour le convaincre. Quoi qu’il n’était pas très sûr des moyens dont il disposait. Mais malgré tout, il ne pouvait pas laisser ce type faire un malaise au fond d’une rue douteuse, tout de même.

Quoique ces dernières minutes, il commençait sincèrement à regretter de lui avoir accordé son attention. Il aurait mieux fait de passer son chemin. Mais c’était trop tard désormais. Sa bonté naissante le perdrait un jour, si ce n’était pas déjà fait en ce moment même, se dit-il non sans une certaine ironie.

« Tu as l’air d’avoir froid.. » fit-il remarquer presque timidement. « On peut toujours faire un détour par chez moi puis lorsque tu iras mieux, tu pourra retourner à l’université, si c’est ce que tu souhaite. »

Karme raffermit donc sa prise sur le rouquin et décida qu’il allait le traîner chez lui de gré ou de force. Parce que c’était bien joli tout ça, mais il n’allait pas se cailler le cul pendant des heures à essayer de le convaincre. Il avait l’air un peu trop obstiné pour son propre bien. Karme continua donc sa marche, Soutenant l’inconnu, il marchait même assez vite. Peut était-ce l’énergie du désespoir ? En tout cas il n’avait qu’une envie : poser ce type chez lui et se fourrer sous sa couette bien chaude.

[J'ai eu une idée marrante j'espère que tu m'en voudras pas XDDD]

Bon... La bonne nouvelle, c'était qu'Ayame semblait avoir encore quelques neurones fonctionnels. Ca ne devait pas être Alzheimer, elle se rappelait de ce type alors qu'elle ne l'avait vu qu'à de très rares reprises. La mauvaise nouvelle, c'est qu'elle ne savait pas exactement combien de temps elle allait tenir à ce rythme, et elle avait envie de tout, sauf de lui dégobiller dessus. Pitié, pas ça. Sa dignité ne s'en remettrait pas, déjà que de devoir se faire à moitié porter par un parfait inconnu, ça craignait sérieux. Elle serra les dents. Elle n'avait plus le courage de lui résister.

"A ta guise... Mais si tu veux pas redécorer ton plancher, je te propose d'y aller mollo..."

Il venait de lui faire remarquer un truc bizarre... Oui. Elle avait froid. Etrangement froid... Comme si ça lui avait été à peine supportable, alors pourtant qu'elle était loin d'être frileuse. Ca l'intriguait, et son étonnement mêlé d'intérêt se trahit de lui-même: elle n'avait franchement pas pensé à cacher ses émotions pour le coup, elle avait d'autres chats à fouetter. Elle était en train de se payer une crise de vieillissement spontané, ou quoi...?

Mais son ouïe était toujours aussi fine. Elle manqua bien de s'arrêter d'avancer brutalement... Heureusement, elle avait assez d'expérience pour continuer de faire comme si de rien n'était. Simplement, ses yeux s'ouvrirent plus, et l'adrénaline monta doucement dans ses veines, comme une drogue agréable. Aurait-elle été dans son état normal, ce qu'elle venait d'entendre lui aurait fait un plaisir fou. Les prémisses de la bagarre... Elle tourna les yeux comme pour regarder derrière elle mais bien entendu son champ de vision était limité. Sans changer de ton - elle était consciente que sa faiblesse du moment la faisait de toutes les manières parler si bas qu'à deux mètres on ne l'entendait déjà plus - elle tenta de préparer mentalement sa toute nouvelle connaissance à entrer un peu trop brutalement à son goût, sans doute, dans son monde à elle. Un monde de violence.

"... Tu sais quoi? Ma malchance communicative nous joue un putain de mauvais tour... Ne te retourne pas, et surtout ne RÉAGIS pas. Continue d'avancer comme si de rien n'était. On est suivi, or on sera d'accord pour dire que c'est pas le moment que je tente de mettre KO l'abruti qui nous a pris en filature, hein..?"

Ils étaient fort heureusement dans le quartier où bars et restaurants poussaient comme des champignons dans une forêt pluvieuse. Ca voulait aussi dire que l'appart du verdâtre ne devait pas être dans le coin. Ca voulait aussi dire que pour éviter l'affrontement, ils devaient rapidement trouver un autre refuge. Un refuge où il y aurait du monde, et où une poule mouillée de type "racaille wannabe" n'oserait pas les attaquer, ni les aborder. Bon sang, pourquoi fallait-il qu'ils ne soient pas dans la meilleure des rues pour ça..? Ils auraient pu être dans un coin avec des bars innocents, des restaurants, populaires ou même chics, des trucs potables quoi... Ben nan. A l'horizon, un océan de clubs. Elle haïssait sa malchance de l'avoir attirée dans LE coin sérieusement douteux qu'elle aurait préféré éviter. Tant pis quoi... ça allait être un sacré calvaire, mais c'était mieux que de se faire tabasser, voler, et peut-être même trouer par un charmant canif. Une enseigne lumineuse rose et bleu clignotait à leur droite. L'entrée n'était qu'à deux mètres. Une lumière tamisée violette éclairait l'extérieur - et l'intérieur s'entend, sauf qu'à cette distance Ayame comme Karme ne pouvaient pas en voir grand chose. Avec ses airs d'étudiant modèle, son nouveau pote qui n'en était pas un risquait d'être content tiens! Sans doute pas le genre d'endroits où il aimait passer ses nuits...

"On va devoir revoir nos plans. Ca me fait autant plaisir qu'à toi je tiens d'avance à préciser... Mais dès qu'on arrive à côté de la porte d'entrée là-bas... On tourne, et on entre, pigé?"

Une respiration saccadée lui échappa, et pendant un quart de seconde, un voile opaque recouvra ses yeux. Elle faillit tomber: manque d'oxygène. Il fallait qu'elle respire... Respiiiiiirer, une fois, deux fois... Bon. Elle tenait sur ses jambes. Normalement.

"A ta guise... Mais si tu veux pas redécorer ton plancher, je te propose d'y aller mollo..."

Bon l’inconnu n’avait pas l’air vraiment content de sa proposition. Karme ralentit un peu le pas, laissant son cher camarade s’habituer à son rythme. S’il avait envie de vomir, il valait mieux qu’il ait le temps de s’arrêter près d’un caniveau, plutôt qu’il rende son déjeuner sur Karme. Oui parce que se faire vomir dessus n’était pas franchement son passe temps favori, loin de là d’ailleurs. En même temps il se demandait bien quel type bizarre aurait aimé se faire vomir dessus. Il frissonna de dégoût, il y avait sans doute des pervers qui appréciaient ce genre de traitements…Il préférait ne pas y penser.

Les hommes avaient parfois des penchants plus que malsains. Heureusement, lui il ne vomissait pas. Contrairement à ce que certains avaient pensé un jour, il n’aurait jamais pu être anorexique, simplement parce que vomir ne semblait pas faire partie de ses fonctions disponibles. Peut être y avait il eut un loupé lors de sa création ? Toujours est-il qu’il n(attrapait pas les maladies courantes, et qu’il ne vomissait pas. C’tait plutôt un bon point pour lui.

Il continua d’avancer, presque désespéré par leur lenteur. Si ça continuait comme ça ils arriveraient chez lui au petit matin ! Il poussa un soupir résigné, il fallait sans doute dire adieu aux courses qu’il avait prévu de faire demain. Ou plutôt aujourd’hui vu l’heure tardive. Pourtant ils n’étaient plus si loin du tout petit appartement qu’il occupait. Soudain il sentit une légère tension chez son camarade d’infortune, il avait l’air encore plus bizarre comme ça, concentré sur un mystérieux bruit derrière eux. Karme l’avait aussi entendu à vrai dire, mais en pleine réflexion sur les belles patates qui n’achèteraient pas il n’y avait pas vraiment fait attention. Il haussa un sourcil intrigué lorsque l’autre pris la parole.

"... Tu sais quoi? Ma malchance communicative nous joue un putain de mauvais tour... Ne te retourne pas, et surtout ne RÉAGIS pas. Continue d'avancer comme si de rien n'était. On est suivi, or on sera d'accord pour dire que c'est pas le moment que je tente de mettre KO l'abruti qui nous a pris en filature, hein..?"

A cela il ne pouvait qu’acquiescer, surtout que ce n’était pas lui avec son 1m65 qui allait faire le poids. Déjà qu’il avait du mal à traîner le rouquin…Il reprit donc sa marche comme il le lui avait recommandé, ignorant totalement les emmerdes potentielles qui les suivaient avec un peu trop d’assiduité à son goût. Franchement il commençait à en avoir marre. Il n’avait rien demandé pourtant, pourquoi c’était toujours sur lui que ça tombait ?

Karme grogna de manière fort virile pour un freluquet comme lui. S’il avait eut cent ans de moins il se serait sans doute mis à jurer dans sa barbe qu’il n’avait pas. Mais bon il avait passé l’âge de ce genre de caprices. Caprices qu’il n’avait jamais fait d’ailleurs, mais ce n’était pas vraiment le moment pour se rouler par terre en hurlant. Bien qu’il aurait plutôt pleuré de dépit en criant « pourquoi ?!» d’un air théâtral. Il avait vu ça à la télé, et ça avait un peu plus de classe que se rouler par terre. Bon ok, c’était pas forcément du meilleur goût non plus il fallait avouer. Ah comme il aurait voulu être dans son lit en train de dormir bien au chaud !

"On va devoir revoir nos plans. Ca me fait autant plaisir qu'à toi je tiens d'avance à préciser... Mais dès qu'on arrive à côté de la porte d'entrée là-bas... On tourne, et on entre, pigé?"

Karme fit un léger signe de la tête pour signifier qu’il avait compris. Il regarda la rue, apercevant la rangée de clubs tous plus douteux les uns que les autres. Ce n’était vraiment pas son jour on dirait. Il pouvait sentir d’ici l’odeur moite de la transpiration tandis qu’il s’approchait de l’entrée. Il soutint son fardeau qui peinait à respirer. Un léger « ça va ? » s’échappa de sa gorge. Si il clamsait ici, Karme aurait vraiment l’air con. Et puis honnêtement ça n’arrangeait pas ses affaires. Il n’aimait pas vraiment faire des choses pour rien. Et se retrouver avec un cadavre sur les bras n’était pas dans ses priorités. Ebloui par les néons roses et bleus, il parvint à peine à distinguer le nom du bar, « Deep inside », tandis qu’il entrait. La fumée et les relents d’alcools agressèrent ses narines. Il toussa un peu, ses yeux le piquaient atrocement. Il se reprit se dirigeant vers une table d’un pas qui semblait assuré…

Bon... Elle avait peut-être un peu plus de chance qu'elle ne le pensait: elle était tombée sur un type qui visiblement n'était pas bien bavard. Même dans une situation pareille, il ne disait rien. Soit il était vraiment du genre impassible... Soit il jouait vraiment bien la comédie. Dans les deux cas ça l'arrangeait: ils allaient pouvoir entrer dans ce fichu club sans heurts. Le type derrière n'allait pas remarquer qu'il avait été repéré, et n'allait pas presser l'action. Ca n'allait pas se finir dans le sang, quoi. Nickel.

Une sorte de grognement échappa ceci dit à son verdâtre compagnon... ce qui lui arracha un sourire. Impassible, mais pas trop, hein..? Simplement très réservé, du genre à pas trop parler ni à exprimer ses sentiments? Si elle n'avait pas été aussi irascible et impulsive c'est peut-être comme ça qu'elle aurait été elle aussi... Quoiqu'il en soit il allait falloir qu'il contienne son énervement quelques minutes supplémentaires... Le temps de vivre un cauchemar dans le club puis de sortir avec la quasi certitude d'être tirés d'affaire. Elle avait bien du mal à respirer mais elle faisait des efforts considérables pour rester consciente... Ce que son compagnon d'infortune avait remarqué, étant donné la question qu'il lui posa une fois qu'ils furent arrivés à l'entrée du club. Elle leva la tête, pour inspecter l'enseigne... rose et bleue. Omondieu.

"Ouais ouais, contente toi d'entrer, on va se chercher une place dans un coin isolé... Quoique je sais pas si c'est le plus malin tout compte fait. Deep Inside..? Ils ont bourriné sur l'humour salace eux au moins... Je le sens pas."

Renfrognée, elle soupira, puis raffermit sa prise sur l'épaule de Karme, histoire de se redresser un chouilla et de s'appuyer un peu moins sur lui pour avancer. Z'allaient avoir l'air fin tiens sinon... Dès qu'il furent entrés, le froid de l'extérieur fut remplacé par une bouffée de chaleur moite et écrasante, imprégnée d'odeurs de transpiration et autres relents épicés, fruités, qui ne disait VRAIMENT rien de bon à Ayame. Malheureusement pour elle comme pour Karme, la partie "bar" du club était purement et simplement... Bondée. Plus une seule place. Pourtant ça avait l'air presque décent sur les premiers mètres... Voire sur le premier étage. Presque. L'ambiance tamisée empêchait de voir clairement à plus de deux mètres... Les seuls éclairages, sur les murs, diffusaient une lumière violette à peine éclairante. Les tables basses, entourées de banquettes rondouillardes qui avaient tout l'air violettes elles aussi, étaient emplies d'une quantité de gens peu fréquentables assez hallucinante... En plus, c'était quasiment que des mecs. COMME c'était ÉTRANGE... Ce fut au tour d'Ayame d'échapper un grognement caractéristique entre ses dents. Ses nerfs et son self-control allaient être mis à rude épreuve.

Une jeune employée, dont la tenue n'était pas loin d'être celle d'une soubrette en mini-jupe, s'approcha d'eux avec un grand sourire. Elle leur indiqua un escalier qui menait à l'étage au dessous. L'étage au dessous? Omaygaude.

"Bonsoir messieurs! Nous sommes complets sur le rez de chaussée, je vous invite à descendre... Une serveuse viendra passer commande."

Un regard de vache sur la jeune femme - c'était toujours mieux que de la détailler - puis Ayame acquiesça vaguement, avant de se laisser traîner par Karme jusqu'à l'étage du dessous, qui sentait encore plus le stupre et la luxure que celui du haut si telle chose était possible. C'était clair que là ils étaient rentrés "deep inside". Et ils étaient bien "deep inside" dans les emmerdes aussi. Et ils l'avaient bien "deep inside". Queue de jeux de mot sur ce simple et très suggestif nom...

Bref. Ils arrivèrent bientôt à l'une de ces tables basses rondes... Et s'assirent sur l'une de ces banquettes violettes qui après test étaient drôôôlement confortables tiens. C'était même dommage de ne les utiliser que pour poser ses fesses et boire un coup... Sauf que Ayame se doutait, à l'heure actuelle, que les banquettes avaient déjà dû être baptisées pour un tout autre usage. Elle allongea son dos bien sur le fond du dossier, et posa ses coudes sur le haut du dit dossier, tandis qu'elle expirait longuement. Fiouu.. Malgré cela ça faisait du bien de s'asseoir. Elle se sentait presque mieux.

"Bon. Je te propose de sortir dès que je serai en état... Si "il" est toujours là quand on sort je lui fais sa fête. J'y crois pas d'avoir été forcé de rentrer dans ce..."

"... Bonsoir messieurs! Tiens donc, vous avez perdu un pari? A moins que ce soit juste histoire de tenter le coup..."

... Agah. Ayame tourna la tête lourdement, pour observer, du bout des yeux, la "serveuse" qui s'était approchée d'eux. Européenne, avec un fort accent anglais. Elle était naturellement brune, avec des cheveux légèrement ondulés, qui couraient en de belle boucles sombres le long de ses épaules, et de son dos. Ses yeux couleur chocolat étaient illuminés d'une lueur taquine si ce n'est mutine qui ne présageait rien de bon. Son corps fin portait une poitrine plutôt opulente dont on voyait une bonne partie vu son large décolleté en coeur... Le ras de cou pompon, le body, les résilles et le bunny hairband qui allait avec. UNE BUNNY GIRL???! Naaaaaan c'était quoi ce délire..?! Ils n'étaient quand même pas tombés sur CE genre de club?! Ouais... Enfin bon vu le nom... Fallait s'y attendre aussi. Le pire, c'était que la petite était armée d'un sourire aguicheur et un peu pervers sur les bords qui faisait le même effet à Ayame que si elle avait été sur le point de faire une chute de trente mètres dans des montagnes russes.

"Euuuuuuh..."

Le stylo que la serveuse avait posé sur sa lèvre pulpeuse voleta jusqu'à atteindre le petit carnet qu'elle tenait dans sa main. Puis elle prit un air affligé qui n'en était pas moins joueur.

"Quelle calamité, deux beaux mecs comme vous... Vous devriez avoir honte de faire ça aux filles vous savez? Mais ma foi on va peut-être réussir à vous faire changer d'avis... Surtout toi le roux là-bas. Ton copain a l'air plus calme lui... J'espère pour toi que c'est pas un défi? Bref. Vous prendrez quoi?"

Ayame manqua presque de rougir, elle dont ce n'était pas le truc. Les sueurs froides coulaient le long de son dos... Son malaise était parti, mais pour une raison ou pour une autre elle se sentait... Vraiment, vraiment bizarre. Et ses yeux avaient un peu trop zyeuté la madame lapin qu'elle avait face à elle faute à une sorte de fascination doublée de... Hooulàlà, qu'elle n'avait pas du tout su gérer. C'était quoi ce délire? Il lui semblait que son cerveau voulait ouvrir une porte fermée, scellée, coincée dans ses gonds rouillés... Elle n'avait même pas pris le temps de regarder la carte. Sans faire exprès, elle posa les yeux sur Karme, l'air d'appeler au secours, puis d'une voix blanche...

"Euuuh... Un scotch. Le moins cher..."

... Le whisky c'était dégueulasse, mais ça avait le don de lui remettre la tête sur les épaules... Ce dont elle avait bien besoin, là. Hey... Au fait, qu'est-ce qu'elle allait imaginer cette fille, entre elle et Karme..? ... Bon sang, ils avaient involontairement donné à ces filles une raison de se surpasser. Et elle n'avait même pas essayé de la tirer de l'erreur... Cette situation lui rappelait dangereusement sa première sortie avec Han-Ryu.

"Ouais ouais, contente toi d'entrer, on va se chercher une place dans un coin isolé... Quoique je sais pas si c'est le plus malin tout compte fait. Deep Inside..? Ils ont bourriné sur l'humour salace eux au moins... Je le sens pas."

Karme tenta tant bien que mal de s’habituer à l’obscurité des lieux. La fumée ne l’aidait pas vraiment à voir clair, il parvenait à peine à distinguer les personnes affalées sur les fauteuils. En tout cas la salle avait l’air bondé. Vraiment pleine même. La chance avait-elle décidée de se barrer une bonne fois pour toutes ? Et puis vraiment ces gens n’avaient-ils pas mieux à faire à cette heure de la nuit que traîner dans ce bar plus que louche ? Ils ne pouvaient pas dormir tout simplement ? Mais non ç’aurait été trop demander.

Il se retint de soupirer bruyamment, allez ce n’était qu’un (très) mauvais moment à passer. Dans quelques heures tout au plus il serait chez lui, seul, bien au chaud sous sa couette. Ce désagrément n’allait pas durer, rien ne durait n’est ce pas ? Et qu’étaient quelques heures en comparaison des siècles qui lui restaient à vivre ? Franchement il n’allait pas s’énerver pour si peu, ç’aurait été indigne de lui. Karme avait l’art de paraître impassible en n’importe quelle situation. Aussi froid et morne qu’un pantin. Après tout on ne lui avait jamais appris à sourire. Ou il avait peut être oublié…Il ne savait pas vraiment être heureux de toute façon, c’était bien trop compliqué. Mieux valait suivre son chemin tranquillement sans s’attacher à personne.

Il se contenta donc de hausser vaguement une épaule, pour ne pas déstabiliser son compagnon. Oui ce nom ne lui disait rien qui vaille, mais bon ils n’avaient pas vraiment le choix de toute façon. C’était ça ou se coltiner un gars, qui d’après le rouquin, en avait après eux. Il ne pensait pas vraiment qu’un voyou aurait voulu l’attaquer, c’était sans doute son camarade qui était visé en fait. Parce qu’il avait l’air louche quand même, sauter d’un toit et tout…Karme n’oublierait pas cette soirée de sitôt, c’était certain.

Il tentait de se repérer dans cette marée humaine lorsqu’une serveuse fit son apparation. Le premier mot qui lui vint à l’esprit en la voyant fut « vulgaire ». Un peu comme ce lieu en somme. Les gens, la lumière violette, les banquettes rondes et obscènes, la moiteur de l’air, l’odeur de sueur aigre ajoutée à la fumée…Tout le révulsait intérieurement. Rien qu’à la voir en mini jupe, un sourire aguicheur aux lèvres, il aurait pu s’évanouir. Ou plutôt s’enfuir en courant. Il aurait bien aimé, mais il ne disposait pas de cette option.

"Bonsoir messieurs! Nous sommes complets sur le rez de chaussée, je vous invite à descendre... Une serveuse viendra passer commande."

Il se força à ne pas grimacer de dégoût, ne trouva rien à dire et descendit donc, le rouquin toujours accroché à son épaule. Ils devaient avoir l’air fin comme ça…Sa dignité avait sans doute elle aussi pris des vacances très loin, le laissant seul, seul et pathétique. Arrivé en bas la chaleur le saisit de plein fouet, puis il distingua de nouvelles odeurs rances. Il se sentit un peu mal tout d’un coup et la tête lui tournait presque. Il s’assit à la première table libre qu’il vit, déposant son fardeau à côté. Il fit mine de ne pas remarquer les traces blanches suspectes sur la banquette, s’asseyant là ou cela semblait propre.

Il se sentait tout d’un coup épuisé, il avait mal à l’épaule, et il aurait donné beaucoup pour boire un peu d’eau bien froide. Il releva la tête pour le fixer aussitôt sur la table, leurs voisins ne semblaient pas gênés par la proximité d’étrangers pour échanger leurs miasmes…

"Bon. Je te propose de sortir dès que je serai en état... Si "il" est toujours là quand on sort je lui fais sa fête. J'y crois pas d'avoir été forcé de rentrer dans ce..."

Il allait acquiescer, toujours le nez fixé sur la table noire, quand son cher camarade se fit grossièrement couper la parole par une greluche en rut. Peut être même pire que la première.

"... Bonsoir messieurs! Tiens donc, vous avez perdu un pari? A moins que ce soit juste histoire de tenter le coup..."

Karme faillit s’étouffer avec sa salive (c’est dire s’il était tombé bien bas), lorsqu’il aperçut la jeune fille. En soi elle n’était pas moche, non loin de là même, mais pourquoi était-elle aussi, aussi…nue ? Il se renfonça précipitamment dans son siège, oubliant les traces blanches, cherchant juste à être le plus loin possible de ce…prédateur.

Il ne comprit pas un mot de ce qu’elle racontait, si cela avait été un pari, il n’aurait jamais été jusque là. Non là ils étaient juste en danger de mort, et si ça continuait c’était lui qui allait péter un câble. Parce que la chaleur était juste mortelle, surtout pour lui qui ne supportait pas les changements brusques de température. Et la chaleur en général. Il tenta de respirer, il avait l’impression d’étouffer, et sa tête avait décidé de tourner, sans lui demander la permission bien sûr.

"Quelle calamité, deux beaux mecs comme vous... Vous devriez avoir honte de faire ça aux filles vous savez? Mais ma foi on va peut-être réussir à vous faire changer d'avis... Surtout toi le roux là-bas. Ton copain a l'air plus calme lui... J'espère pour toi que c'est pas un défi? Bref. Vous prendrez quoi?"

Il lui jeta un regard froid. Mais de quoi elle parlait en plus ? Il n’avait jamais fait de mal à une fille, enfin pas qu’il sache. Décidément il ne pigeait que dalle à son baratin. Il cessa donc d’essayer de comprendre, les humains étaient vraiment trop étranges. Oh et sa tête…avait vraiment décidé que le monde était plus sympa à l’envers. Il se sentit glisser vers son compagnon, n’entendant même pas sa commande. Le monde scintillait tout d’un coup. A croire qu’il voyait les étoiles de trop près. Non il n’y avait pas d’étoiles dans un bar non ? Enfin normalement hein. Là tout semblait anormal. Et tout était un peu trop flou. Il se raccrocha à la cuisse du roux avant de manquer s’étaler par terre.

Il n’était pas bourré mais on l’aurait crut vu sa dégaine. A moitié affalé sur son voisin, il tentait de se relever. Bon ok la dignité n’était pas de mise ce soir. Il se rassit à peu près normalement, laissant sa main traîner négligemment sur la cuisse du roux. C’était lui ou on crevait de chaud ici ? Il pouvait sentir la sueur dégouliner dans son dos, jusqu’à descendre le long de ses reins. Il enleva prestement son pull, découvrant le simple débardeur blanc qu’il portait en dessous. Bon tout le monde avait vu son ventre, mais lui n’avait rien remarqué de l’attention que lui portaient à présent les autres clients. Son « strip tease » n’était pas passé franchement inaperçu. Mais Karme s’en fichait bien, tout ce qu’il voulait c’était de l’eau bien fraîche.

D’ailleurs lorsque la serveuse revint, posant le scotch devant Ayame, en profitant pour lui montrer sa poitrine opulente, il le lui fit savoir. Etonnée par son ton peu aimable elle obtempéra pourtant à sa commande quelque peu surprenante, « un grand verre d’eau avec beaucoup de glaçons ».

Non mais franchement c’était pas parce qu’elle avait de gros nichons qu’elle avait le droit de se la jouer. Elle aurait du moins faire la maligne quand même, elle avait des oreilles de lapin. Et ça franchement c’était la honte.

Karme lança un vague coup d’œil à son camarade, remettant une mèche de cheveux. Oui il comprenait la fille, il était plutôt pas mal il fallait avouer. Mais Karme avait bien trop chaud pour penser plus de trois secondes, et il s’abîma dans la contemplation de la table. Après tout il pouvait très bien y voir son propre reflet, ainsi que celui d’Ayame….

Ayame vit du coin de l'œil son voisin qui, à peu près aussi malin qu'elle en la situation, s'était affalé dans le fond de son siège d'une manière qui donnait l'impression que... il avait peur de cette serveuse à la langue bien pendue - espérons que sa langue n'était bien pendue que lorsqu'il s'agissait de chauffer les nouveaux clients. Parce que si c'était pour autre chose aussi, ça allait finir par faire VRAIMENT peur. C'était bizarre, pour un type, de réagir comme ça... Ok, Karme était silencieux. Mais là l'idée venait à Ayame qu'en plus d'être drôlement secret, il y avait de bonnes chances pour qu'il soit gay, aussi... Et accessoirement un peu coincé. Ou bien alors casé. Quant à elle, elle avait de bonnes raisons d'agir comme elle le faisait... Elle avait déjà été un peu trop loin à son goût avec son nouveau corps. Assez loin pour commencer à se poser des questions existentielles sur ce qu'elle était vraiment... D'ailleurs pouvait-elle vraiment penser à sa propre personne comme à un "elle"? N'aurait-il pas été plus pertinent de passer à "il", maintenant qu'elle avait franchi le seuil de non-retour, physiquement comme mentalement..?

C'était vraiment pas le moment pour se remettre à se questionner sur elle-même! Surtout que... Hey!! C'était quoi ça! Un coup d'adrénaline monta dans sa veines, et elle inspira une looongue bouffée d'air (vicié), tandis qu'elle se penchait sur le côté pour essayer d'éviter l'attaque en traître de son compagnon d'infortune, qui visiblement... Venait de se payer un sympathique malaise. Qu'importe combien elle se pencha, il lui tomba dessus, et la main du jeune homme vint se poser sur sa cuisse... .. . Non mais le sort s'acharnait. Elle sursauta, et tenta d'appuyer sur l'épaule de Karme pour le redresser.

"Hey qu'est-ce que tu fous! Me fais pas ça s'il te plait c'est déjà assez chiant sans que tu tombes dans les vapes!"

Si certains avaient un doute cette fois il n'était plus permis! Parce que de loin ce bref malaise avait dû passer pour un sympathique câlin d'amoureux. La serveuse, partie chercher la première boisson entre temps, revint la poser sur la table, et eut un rapide sourire en constatant la main de Karme posée sur la cuisse d'Ayame. Elle aussi avait au droit à sa confirmation... Nerveusement, Ayame balaya la main de son compagnon histoire de la remettre à sa place. C'était vraiment pas un bon plan tout ça... Déjà qu'elle se sentait pas très bien, là... Ahem. La main sur sa cuisse avait eu un effet sur son organisme qu'elle aurait préféré éviter. Bon ce n'était qu'un "début de problème" qui commençait à se faire sentir pas loin du point que Karme avait touché, mais le truc c'est qu'elle ne comprenait pas pourquoi elle avait d'instinct réagit si vite aux diverses provocations que ce lieu mettait à disposition et... Franchement, là, elle ne savait pas quel sentiment dominait chez elle à l'heure actuelle: la crainte, ou bien l'humiliation d'en être arrivée là en même pas une minute? C'était dingue quoi... Ses sens étaient aux aguets. Tout ce qui bougeait lui paraissait source potentielle de désir. Un truc pareil... Ca ne lui était jamais arrivé! Mais pourquoi avait-elle l'impression d'oublier quelque chose de super important..?

En attendant, en sueurs, elle ne regardait plus Karme. Elle ne l'avait pas non plus attendu pour boire, et s'était enfilé sans même s'en rendre compte la moitié de son verre de whisky. Elle s'était penchée en avant et avait posé ses coudes sur ses genoux du moment où elle avait senti le "problème" arriver. Mieux valait ne pas donner d'idées saugrenues à leur serveuse attitrée qui en aurait déjà bien assez sans ça... Tiens d'ailleurs. La dite serveuse revenait avec le verre d'eau. Et le pire, c'est qu'elle revenait accompagnée d'une autre bunny girl, rousse cette fois, qui vint asseoir ses fesses à côté de Karme. D'ailleurs, elle se rapprocha de lui, l'air de minauder.

"C'est pour vous le verre d'eau? Vous ne vous sentez pas très bien? Je peux m'occuper de vous vous savez..."

Quant à la première des bunny girl, elle avait décidément choisi sa cible. Un petit sourire satisfait sur les lèvres, et elle s'approcha d'Ayame, voire même, s'agenouilla face à elle.

"Et toi ça a pas l'air beaucoup mieux, beau gosse... Le scotch ne suffit pas? T'es stressé? Laisse moi t'aider, tu vas voir c'est pas si difficile de changer ses habitudes..."

Mais qu'est-ce qu'Ayame pouvait bien en avoir à fouuutre de ça? La fille passa une main contre sa joue, mais Ayame frappa son bras du dos de la main, et lui envoya un regard tueur qui en aurait découragé plus d'une. Sauf que celle là était une forte tête. Pas de bol.

"Écoute, laisse moi tranquille. Je suis venu boire un verre avec mon pote. Pas me faire allumer par une chaudasse en bunny girl."

Elle sembla l'espace d'un instant choquée mais... Se reprit bien vite. De nouveau armée de son sourire meurtrier, elle posa une main sur le genoux d'Ayame... Qui eut comme un soubresaut. Puis la main commença à avancer sur sa jambe...

"Mais bien sûr... Vous êtes entré dans ce club au risque de vous faire prendre sur le fait lors d'une descente des flics, et tout ça pour juste boire un verre hein? Ca serait pas plutôt pour le service pas cher? Allez mon lapin, c'est pas le moment de se défiler..."

Lapin? QUI était le lapin de l'histoire... En tous les cas, le truc là c'est qu'Ayame n'était plus en état de répliquer. Elle ne comprenait pas ce qui lui arrivait... La porte fermée à clé dans sa tête était en train de grincer, comme si on forçait pour l'arracher de ses gonds... Comme hypnotisée, Ayame se laissa faire: la jeune femme avait remonté les mains le long de son bassin, puis les avait appuyées sur son torse pour la forcer à retourner bien au fond de la banquette. Puis, comme elle avait le champ libre, elle était grimpée sur ses genoux, et avait collé son bassin tout contre le sien dans un geste obscène, qui avait d'ailleurs provoqué un afflux de sang mal placé... La brunette souriait largement, maintenant. Ses mains jouaient sur les bords du pantalon d'Ayame et contre ses reins... Ayame qui était en train d'expérimenter un vide cérébral des plus troublants.

"Euh.. C.. J..... .. .. ."

"Eh bien c'est plutôt prometteur tout ça! Je devrais peut-être aller diagnostiquer ça de plus près hm..? Euh... C'est quoi le truc avec tes yeux, t'as des lentilles bizarres ou quoi?"

Hein..? Qu'est-ce qu'elle racontait là? Certes Ayame avait l'impression de voir la scène au travers un kaléidoscope, mais de là à ce que ça se voie dans ses yeux... Elle ne se doutait pas qu'une partie de son véritable "elle" était doucement en train de se libérer pour la seconde fois, forcée par la situation. Ses pupilles hésitaient entre forme ronde, et forme allongée, comme les yeux d'un chat ou d'un serpent. Comme la fille décidait qu'elle devait mal voir dans le noir, et continuait son petit jeu, elle baissa les mains jusqu'à son pantalon, pour ouvrir bouton et braguette et passer la main à l'intérieur. Ayame sursauta, et émit une espèce de bruit étranglé, mécontent, qui lui fit retrouver ses esprits pendant un très bref laps de temps:

"AH! C'est... Hey lâche moi grognasse tu veux! J'ai dit JE VEUX PAS de tes services, merci beaucoup. Faut que j'aille me plaindre au patron pour harcèlement? Je veux juste profiter de la soirée entre AMIS, pigé?"

Elle repoussa les mains de la jeune femme pas très très gentiment. D'ailleurs la bunny girl émit un "aie" qui semblait vouloir dire qu'Ayame lui avait tordu le bras. Mécontente, la fille fit une moue, puis se releva après lui avoir envoyé sa main dans la figure. Sans doute pour se venger de l'affront qui venait de lui être fait.

"Ok je m'en vais, monsieur le bi refoulé... Mais je te dis tout de suite, je te met sur la liste rouge! Tu viendras pas te plaindre si tu reviens ici un jour histoire de continuer ce que t'as laissé en plan!"

Mais oui, c'est ça... Elle s'en allait. Ouf. Au moins ce coup-ci elle s'était pas fait virer à coups de pied au cul par le videur sous prétexte qu'Han-Ryu aurait cassé des côtes à l'une des hôtes du club. Tremblante, Ayame plongea en avant pour prendre son verre de whisky... Qu'elle manqua bien de renverser tandis qu'elle en avalait le reste cul sec. Bon sang que lui arrivait-il..? Elle ne pouvait pas sortir dans cet état, surtout que son problème de perte de contrôle testosteronique était plutôt voyant maintenant...